Six mois jour pour jour après sa nomination pour former le gouvernement, le Premier ministre désigné, Saad Hariri, s’est entretenu avec le pape François, hier au Vatican. Dans la forme, il n’y a rien de nouveau, dans la mesure où ce n’est pas la première fois que M. Hariri rencontre le souverain pontife. Mais dans le fond, le chef du courant du Futur tente de faire passer un message politique fort. Reçu par la plus haute instance catholique, Saad Hariri tente de rapprocher le Vatican de ses vues. Il essaie surtout de contourner les batailles que mène le leader du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, sous prétexte de défendre ce qu’il perçoit comme « les droits des chrétiens ».
C’est ce qui transparaît clairement dans les propos du chef du gouvernement désigné à l’issue de sa réunion avec le pape François. Répondant aux journalistes qui l’interrogeaient à sa sortie du Saint-Siège, il a eu cette réponse à la question sur le point de savoir si le chef de l’Église catholique lui avait reproché d’attenter aux droits des chrétiens libanais : « Sa Sainteté tient à l’unité du Liban et au vivre-ensemble en son sein. Elle estime que ce pays est un message de modération (…). » M. Hariri s’en est directement pris à Gebran Bassil, l’accusant une nouvelle fois de bloquer le processus de formation du cabinet. « Il y a des obstacles extérieurs utilisés par Gebran (Bassil) et ses alliés » pour entraver la mise en place du gouvernement, a lancé le Premier ministre désigné, laissant ainsi entendre que le Hezbollah et les protagonistes qui gravitent dans son orbite lient la naissance du cabinet aux négociations indirectes portant sur le nucléaire iranien entre Téhéran et Washington. Saad Hariri s’est empressé de préciser toutefois que « l’essentiel, c’est qu’un camp bien défini bloque le processus gouvernemental », dans une nouvelle critique implicite au camp présidentiel. « J’ai expliqué à Sa Sainteté les problèmes dont nous souffrons et lui ai demandé son aide », a-t-il dit. « Ce qui se passe au Liban, c’est qu’il y a un camp qui veut une économie libre, et un autre qui veut mettre la main sur l’électricité et d’autres secteurs et qui souhaite traiter avec une seule partie sur le plan économique », a-t-il estimé, dans une pique lancée au chef de l’État et son allié le Hezbollah. M. Hariri a ensuite assuré que l’initiative française pour une sortie de crise au Liban, lancée le 1er septembre 2020 par le président Emmanuel Macron, « tient toujours jusqu’ici. Je pense que le Vatican sait plus que tout le monde où réside le problème au Liban ». « Nous sommes dans une situation extrêmement mauvaise, mais la formation du gouvernement aidera à freiner l’effondrement. Mais certains veulent que le Liban s’effondre afin qu’ils puissent maintenir leur place sur la scène politique », a-t-il dénoncé. Répondant aux critiques de Michel Aoun et de son camp au sujet de ses tournées à l’étranger, il a affirmé que ces déplacements ont pour but « de trouver les moyens d’aider le Liban ». « Peut-être que certains font du tourisme à l’intérieur même du palais présidentiel », a-t-il ironisé.
M. Hariri a enfin déclaré que le pape aimerait venir au Liban, mais uniquement après la formation d’un gouvernement. « C’est un message adressé aux Libanais, et selon lequel nous devons former un cabinet afin que toutes les forces et tout le monde se rassemblent, et pour que nous puissions faire progresser le Liban avec nos amis », a-t-il dit.
Une source haririenne confie à L’Orient-Le Jour que la délégation qui a rencontré le pape a eu le sentiment que ce dernier veille à ce que le bras de fer politique actuel au Liban ne prenne pas une tournure confessionnelle. Toujours selon la même source, le pape aurait tenu des propos selon lesquels le problème ne porte pas sur les « droits des chrétiens », mais plutôt sur « les droits des Libanais ». Il aurait également estimé que ce sont ceux qui provoquent des problèmes au Liban qui se tiennent derrière l’émigration des chrétiens. C’est surtout lors d’un entretien avec le secrétaire d’État du Saint-Siège, Pietro Parolin, que les détails de la formation du cabinet ont été abordés, confie la source citée plus haut. Selon elle, la question de la nomination des ministres chrétiens, qui fait l’objet d’un bras de fer entre MM. Aoun et Hariri, a été évoquée. La source assure à ce sujet que le Vatican est conscient du fait que les noms proposés par le camp présidentiel ont « un cachet partisan ».
Bassil à Bkerké
Gebran Bassil continue de son côté à donner une forte tonalité confessionnelle au processus gouvernemental, comme l’ont montré ses propos tenus à Bkerké mercredi soir, lorsqu’il a paru comparer en quelque sorte sa démarche à celle du Christ. M. Bassil avait rencontré le patriarche maronite, Béchara Raï, qui plaide sans relâche pour qu’un cabinet de spécialistes indépendants soit formé le plus tôt possible.
Contrairement à ce qu’aurait espéré M. Bassil, le chef de l’Église maronite ne s’est pas ouvertement joint à lui dans sa lutte pour que le chef de l’État désigne tous les ministres chrétiens. « Pour Bkerké, le problème ne porte pas sur les droits des chrétiens, mais sur leur participation au gouvernement et à la prise de décision », explique à L’OLJ un proche du patriarche.
Dévoilant quelques détails de la réunion Raï-Bassil, ce proche précise qu’elle a constitué l’occasion pour les deux hommes de discuter du processus ministériel en profondeur. « Le patriarche est toujours favorable à la mise sur pied d’une équipe de spécialistes indépendants », déclare-t-il. Cependant, il reste ambigu sur les détails, estimant que, « quand il est question de personnalités indépendantes, il faut que soit clairement définie la partie qui se chargera de les nommer, comme ce fut le cas par le passé ». En tout état de cause, le chef du CPL devra évoquer cette question lors d’une conférence de presse prévue demain samedi à 11 heures.
commentaires (6)
YA RIGHT ! dirait un americain . il ne lui manque plus que d'embrigader des acteurs du cinema indien de bollywood pour venir a bout de pti gendre et de papa.
Gaby SIOUFI
14 h 52, le 23 avril 2021