On croyait que l’association Metropolis avait baissé les bras, qu’elle avait désespéré de la situation au Liban, qu’elle avait pris une pause. C’est tout le contraire. Même si la pandémie a imposé ses contraintes avec l’interruption des rassemblements en présentiel, la Cinémathèque, créée en 2018, n’a cessé de s’enrichir grâce à une équipe travailleuse et consciente de ses responsabilités. Rechercher, archiver pour transmettre aux générations futures un patrimoine cinématographique n’est pas une simple tâche.
Se nourrir du passé…
« L’intérêt que porte Metropolis au patrimoine et qui est l’essence même de son travail remonte à plus loin que 2018 lorsqu’au cours d’une conférence de presse tenue au Festival de Cannes, l’idée avait été lancée », confie Nour Ouayda, directrice du projet. « Depuis la création de Metropolis, l’association s’intéressait à cette notion de patrimoine libanais, directement ou indirectement, par la projection de rétrospectives ou l’organisation d’événements qui montraient le vrai visage du cinéma libanais. Ce désir d’officialiser ces activités a pris forme avec cette Cinémathèque devenue aujourd’hui une plateforme en ligne. Son objectif est de préserver les films, mais aussi de programmer ou diffuser les œuvres ainsi que faire de la recherche », poursuit Ouayda. « Le lancement de la Cinémathèque en 2018 avec le support financier de l’ambassade de Norvège a été fait en hommage à la filmographie de Randa Chahal Sabbag, car elle avait été la présidente de la Cinémathèque nationale libanaise et s’intéressait beaucoup au patrimoine libanais. Le second volet suppose la recherche, et c’est cette base de données qui a été lancée il y a trois semaines et qui réunit les recherches faites depuis quelques années. »
La base de données
(https ://cinemathequebeirut.com) rassemble ainsi tous les films de production libanaise réalisés depuis Les aventures de Élias Mabrouk (1929) jusqu’à nos jours. Presque cent ans de travail, d’évolution ou de révolution dans le travail cinématographique qui a souvent été le fruit d’initiatives individuelles. Cette base de données a été développée à la façon de IMDB (Internet Movie Data Base), mais pour le Liban. « Le film libanais, précise Nour Ouayda, englobe les films tournés, réalisés et produits au Liban par des Libanais, Syriens et Palestiniens, mais aussi ceux des cinéastes libanais installés à l’étranger. Nous choisissons en fait au cas par cas.
Chaque film dispose de sa fiche dans laquelle sont détaillées les précisions concernant l’équipe technique, le casting, le synopsis, l’année… On pourrait également trouver sur la plateforme tous les livres écrits sur le cinéma libanais et des entretiens oraux. » « Le but pour nous, poursuit la directrice du projet, est de comprendre le nombre de films et les époques au cours desquelles ont été réalisés ces films et de savoir qui sont les ayants droit.
Tandis que pour le public (spécialistes ou étudiants en audiovisuel), l’objectif est de l’inviter à interagir avec la plateforme afin qu’il comprenne mieux l’histoire du cinéma libanais. » Rassembler tout ce matériau sur une seule plateforme bilingue – arabe et anglais – permet à l’information d’être plus accessible.
… pour réinventer le présent
Pour parvenir à engranger toutes ces informations, Ouayda et son équipe ont collaboré avec des professionnels du secteur. « Nous avons déjà plus de 2 000 films sur la base de données que nous sommes en train d’alimenter au fur et à mesure.
Par ailleurs, des collaborations sont en train de se faire, comme le partenariat avec Abboudi Abou Jaoudé, dont les affiches illustrent la base de données. Mais aussi d’autres avec les universités concernant les films de diplômes afin de les intégrer aussi dans notre base de données ; avec Aflamuna où l’on peut diffuser en ligne des films libanais différents tous les mois. Nous publions aussi des entretiens avec des producteurs, des historiens, des spécialistes libanais. C’est une façon d’archiver tout le 7e art libanais sous ses différentes formes. »
La Cinémathèque de Beyrouth se veut le carrefour de différentes initiatives et ne veut pas piétiner sur les platebandes d’autres structures dédiées au cinéma, comme La Fondation LibanCinéma, UMAM DR ainsi que Nadi likol el-nas. Sans oublier le studio Haroun qui effectue un fabuleux travail de restauration de films. « Il y aura sur la plateforme des références qui renvoient à toutes ces structures, précise Nour Ouayda. Comme si on amenait le public vers elles. »
Cette mine d’or que constitue la base de données constituée par La Cinémathèque de Beyrouth nous fait comprendre, entre autres, combien le cinéma libanais parlait de résistance et de militantisme, comme celui de Jocelyne Saab, combien il a pu être avant-gardiste et combien il reste un phare pour les futures générations.
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