Le président de la République libanaise, Michel Aoun, a démenti vendredi les allégations selon lesquelles il aurait annulé un rendez-vous avec les familles des pompiers tués lors des explosions meurtrières au port de Beyrouth le 4 août dernier. M. Aoun a affirmé qu'il avait uniquement reporté l'entretien, sans toutefois annoncer de nouvelle date pour cette rencontre. Le président, qui avait reconnu avoir été au courant de la présence du nitrate d'ammonium qui a provoqué l'explosion dans le port, ne s'est toujours pas réuni avec les familles des victimes de ce drame. Dans une lettre fuitée vendredi sur les réseaux sociaux, les proches des pompiers tués estiment qu'il assume une part de responsabilité dans le drame. Des propos contre lesquels le chef de l'Etat s'est défendu.
"Le bureau de presse du président de la République regrette la campagne de dénigrement qui a visé le chef d'Etat et selon laquelle il a refusé de recevoir la délégation des familles des pompiers martyrs", a dit la présidence de la République dans un communiqué. Le chef d'Etat a dénoncé de "fausses déclarations" qui lui ont été attribuées et une "campagne médiatique injuste" à son égard. "Il est totalement inacceptable d'accuser le président de porter une responsabilité dans l'explosion, comme indiqué dans le communiqué des familles qui ressemble à une liste de questions d'un interrogatoire que le juge d'instruction dans l'enquête devrait poser à ceux sur qui portent ses investigations", a encore affirmé Baabda. "Le président met tout en œuvre pour que la vérité soit rapidement dévoilée, pour déterminer les responsabilités et achever le versement des indemnisations", a encore souligné la présidence. Elle précise enfin que la réunion avec les familles des victimes tient toujours, et que celles-ci seront informées de la date du rendez-vous qui n'a toujours pas été fixée. Baabda justifie le report de la réunion par "des changements intervenus dans l'agenda du président de la République".
"Une grande part de responsabilité"
Avant le rendez-vous prévu avec M. Aoun, les familles avaient préparé une liste de questions à son adresse. Suite à l'annulation de la rencontre, cette liste a fuité sur les réseaux sociaux. Dans l'introduction de leur lettre, les familles affirment que "M. Aoun porte une grande part de responsabilité dans l'explosion du port". Celui-ci avait affirmé quelques jours après l'explosion être au courant du stockage, sans mesure de précaution, de 2.750 tonnes de nitrate d'ammonium dans le port, rappellent les familles. En tant qu'ancien commandant en chef de l'armée, il avait conscience de sa dangerosité, estiment-elles. La double explosion a fait plus de 200 victimes et 6.500 blessés, dévastant des quartiers entiers de la capitale.
"Pourquoi le président du pays n'a-t-il pas mobilisé les forces militaires, sous ses ordres comme le stipule la Constitution (...) ? Pourquoi (...) avoir refusé l'enquête internationale demandée par une grande partie des familles des victimes ?", écrivent les familles dans leur missive. Le président de la République avait refusé toute enquête internationale. Plus de huit mois après, l'enquête n'a pas encore produit de résultats.
"Pourquoi n'avez-vous pris aucune position, pourquoi n'avez-vous pas pris des mesures punitives contre des députés ou des personnes concernées par le dossier qui ont refusé de se présenter devant le juge d'instruction alors qu'ils étaient inculpés ?", demandent-elles encore, alors que le Premier ministre sortant, Hassane Diab, les députés Ali Hassan Khalil, Ghazi Zeaïter et l’ex-ministre Youssef Fenianos, avaient été inculpés pour négligence par le juge Fadi Sawan. Celui-ci, initialement en charge de l’enquête, en avait été dessaisi au début de l’année pour être remplacé par Tarek Bitar.
Cette lettre intervient alors que le juge d'instruction près la Cour de justice, Tarek Bitar, a décidé jeudi de remettre en liberté six des 25 personnes détenues depuis des mois dans le cadre de l'enquête sur la double explosion, principalement des petits employés du port et des officiers subalternes. Les demandes de libération des dix-neuf autres détenus, notamment le directeur général des Douanes, Badri Daher, ont été rejetées et ils resteront donc sous les verrous. De leur côté, les familles s'impatientent de la lenteur de l'enquête. Mardi, les proches des pompiers décédés ont réclamé la mise sur pied d'un "tribunal spécial soutenu par une commission d'établissement des faits", rejetant par ailleurs toute reconstruction du port tant que des actes d'accusation envers les responsables n'ont pas été publiés.
Le 4 août 2020, dix pompiers, Ralph Mallahi, Rami Kaaki, Élie Khouzami, Charbel Hitti, Joe Noun, Nagib Noun, Sahar Farès, Michel Hawa, Joe Bou Saab et Charbel Karam, avaient été appelés au port de Beyrouth pour éteindre l'incendie qui s'était déclaré dans le hangar N°12. Tous sont décédés dans l'énorme déflagration.
Le chef d'Etat libanais avait ratifié en décembre la loi n°196 visant à indemniser les familles et à permettre aux personnes blessées à la suite de la déflagration de bénéficier à vie des prestations de santé de la Caisse nationale de sécurité sociale et de la loi relative "aux personnes ayant des besoins supplémentaires".
commentaires (3)
Il a oublié le bombardement de Badaro chez les chrétiens, honte
Eleni Caridopoulou
12 h 30, le 17 avril 2021