« Face à la mort, les émotions prennent parfois le dessus, entraînant des réactions impulsives ne reflétant pas le comportement habituel d’une personne. » Ces propos sont en quelque sorte l’épilogue de la sordide affaire qui secoue l’Hôpital américain de Beyrouth (AUBMC) depuis une dizaine de jours, suite au décès d’un patient du Covid-19, un homme de 77 ans de la famille Zeaïter, et aux menaces de mort adressées par l’un des fils du défunt aux médecins soignants. Car « l’affaire est terminée et la justice suit son cours », assurent aussi bien l’institution hospitalière que le puissant clan Zeaïter, originaire de la Békaa-Nord. Autrement dit, les deux parties sont parvenues à un accord tacite de désescalade, dans l’attente d’une décision de justice. Sauf qu’au passage, cet épisode regrettable n’est qu’un de plus vers le chaos en l’absence d’un État de droit. Un chaos qui, ajouté à la crise généralisée dans le pays, se répercute sévèrement sur un corps médical sous intense pression, le poussant irrémédiablement à l’exil. D’où le consternant constat du président du syndicat des propriétaires d’hôpitaux, Sleiman Haroun, selon qui « l’affaire est très grave, car ce n’est pas la première fois qu’une partie armée menace de mort des médecins qui accomplissent leur devoir ».
Une loi protégeant le corps médical
Dans les faits, l’homme de 77 ans est décédé le vendredi saint à l’AUBMC des suites du Covid-19, une quarantaine de jours après son hospitalisation. Admis aux urgences dans un premier temps pour problèmes respiratoires, il est transféré au service Covid-19 au bout de quelques jours. L’aggravation de sa situation nécessite un transfert à l’unité des soins intensifs, où il est placé sous respirateur. Un cathéter urinaire lui est aussi posé. Mais rien n’y fait.
« D’emblée, le pronostic vital d’un patient Covid-19 de 77 ans est mauvais », commente pour L’Orient-Le Jour le président de l’ordre des médecins, le Pr Charaf Abou Charaf. L’affaire, dit-il, se déroule dans une ambiance « de grande tension » entre la famille du patient et les médecins chargés de sa prise en charge. D’un côté, une famille inquiète pour la santé de son patriarche et réticente à l’idée de lui administrer des soins invasifs, de l’autre des médecins sous pression, qui ont donné le meilleur d’eux-mêmes, face à une maladie faucheuse sans garantie de résultats. « Chaque étape de soins faisait l’objet de tiraillements, la famille étant réticente à l’intubation du malade et à l’installation d’un cathéter urinaire », explique le Pr Abou Charaf. « Les médecins étaient constamment conspués et menacés de mort, dénonce-t-il. À tel point qu’ils ont accepté la présence d’une personne de la famille aux côtés du malade aux soins intensifs, chose interdite normalement. » Le décès du patient envenime la situation. « L’un de ses fils réitère ses menaces envers les médecins traitants, affichant publiquement leurs photos et promettant d’aller les cueillir à domicile avec leurs familles », raconte encore le praticien. « Quant aux Forces de sécurité intérieure appelées à la rescousse, elles se sont contentées de conseiller aux médecins soignants de se cacher le temps que l’orage passe », gronde le syndicaliste. Affirmation formellement démentie par les FSI qui confient à L’OLJ « suivre le dossier de près ». Le professeur appelle toutefois à l’adoption d’une loi pour protéger le corps médical de toute agression physique. « En l’absence de législation sanctionnant les atteintes au corps médical, les médecins continueront d’émigrer », déplore Charaf Abou Charaf. Mais pour éviter de jeter l’huile sur le feu, le communiqué de l’ordre des médecins optera pour l’apaisement afin « d’éviter de provoquer une famille endeuillée », et il évitera de montrer du doigt le clan chiite.
Reconnaître les limites de la médecine
Car ce dernier réfute toute identification dans l’affaire, estimant que les médias ont accordé trop d’importance à un incident personnel. « Il est d’abord important de savoir que l’affaire a été close aussitôt qu’elle a éclaté », soutient pour sa part le député et ancien ministre Ghazi Zeaïter, proche de la famille du défunt. Pour ce faire, il aura fallu « l’intervention du président de la Chambre Nabih Berry », qui a rapidement contacté le député Zeaïter, membre du mouvement Amal qu’il préside. « La justice dira son dernier mot », promet l’élu. Il évoque en revanche « les convictions des proches du défunt qu’une erreur médicale aurait eu lieu ou du moins une négligence ». Et même si personnellement, il « refuse toute menace et toute marque d’intimidation », il rappelle que « la famille est sous le choc et que certains de ses membres ont pu dans un moment d’égarement se laisser aveugler par l’émotion ». M. Zeaïter salue enfin les efforts du corps médical et des grands hôpitaux universitaires privés. « Nous avons besoin de ces hôpitaux et les soutenons ainsi que leur corps médical, qu’il s’agisse de l’AUBMC ou des autres grands hôpitaux de Beyrouth », conclut-il.
La tendance est donc à l’apaisement. C’est dans ce cadre que du côté de l’AUBMC, on préfère ne pas revenir sur l’incident. L’institution a porté plainte et l’enquête est en cours. Mais un tel événement qui voit les familles de patients sous stress tenter « d’obtenir leurs droits par eux-mêmes » est bien le signe de « l’affaiblissement de l’État et de la non-application des lois », observe le chef du personnel et professeur de cardiologie, le Dr Samir Alam. Il invite dans ce sens les familles des malades (dont il dit comprendre la douleur) à « reconnaître les limites de la médecine, car les praticiens ont donné le meilleur d’eux-mêmes. Malheureusement, le résultat n’est pas garanti ». « Le Covid-19 est une maladie perfide et faucheuse », note-t-il à ce propos. Le Pr Alam tient aussi à mettre en garde contre l’émigration du corps médical libanais, l’une des « grandes victimes de la crise ». « Les médecins sont sous stress intense, non seulement à cause de la pandémie, mais aussi de la crise économique, de l’explosion du 4 août et de l’absence de vision politique des dirigeants. Ils ne parviennent plus à poursuivre leur mission », martèle-t-il, rappelant que plus d’un millier de praticiens ont quitté le pays récemment. D’autres pourraient prendre le même chemin, si l’on continue de s’en prendre à eux.
commentaires (5)
moi c'est l'attitdes des forces d l'ordre que je trouve abjecte. Au lieu d'arretter ou au moins de convoquer les personnes qui ont menace les medecins, on utilise la gentillesse et l'intervention de Berry et du depute Zeiter pour calmer ces personnes. LA VERITE CES FORCES D EL'ORDRE NE SONT DONC BON QU'A INTERPELLE DES PERSONNES QUI MANIFESTENT ET D'INTIMIDER LES PERSONNES QUI INSULTENT AOUN BASSIL HERRIRI BERRY ETC,.. AU POINT QU'ILS ACCUSENT 35 PERSONNES QUI MANIFESTAIENT A TRIPOLI DE GROUPE TERRORISTES Y INCLUS UN FOSSE DE 15 ANS TRISTE PAYS OU MEME LES FORCES DE L'ORDRE SONT SOUMIS A DES PRESSIONS POLITIQUES ET NE PEUVENT PAS Y FAIRE FACE
LA VERITE
01 h 38, le 13 avril 2021