La teneur du discours télévisé prononcé mercredi par Michel Aoun constitue l’exemple type de ce qu’un président-arbitre, conscient de ses responsabilités, évite généralement de dire ou de faire : prendre le risque d’enterrer, en la politisant, une option ou une réforme nécessaire pour le pays.
Or, quelles qu’en soient les motivations, c’est bien de cela qu’il s’est agi dans la prestation du chef de l’État. L’audit de la BDL – comptable ou juricomptable, peu importe –, une des principales exigences de la communauté internationale et du bon sens commun pour enfin mettre de l’ordre dans les finances dévastées de l’État libanais, devient une matière inflammable, impossible à concrétiser, dès lors qu’elle est utilisée dans les règlements de comptes politiciens.
À l’origine du malentendu, il y a la croyance, dans l’entourage de Baabda et du Courant patriotique libre, que l’actuel pensionnaire du palais présidentiel est au-dessus de la mêlée et qu’à ce titre, il est en mesure de se poser en donneur de leçons et d’incriminer l’un ou l’autre des chefs de file politiques dans l’échec à faire passer l’audit jusqu’ici.
Certes, dans cette affaire en particulier, les responsabilités de l’échec sont sans doute inégales, et il se peut très bien que les cibles implicitement, quoique très clairement, désignées par le président soient en effet les plus coupables. Pour autant, le profil archi-clivant du chef de l’État et le fait qu’il s’en prenne à ses adversaires politiques traditionnels grèvent largement l’objectivité et la crédibilité arbitrale de sa démarche. Il ne faut d’ailleurs guère oublier que face aux reproches qu’il est en mesure de faire à ses détracteurs sur la question de l’audit, ces derniers peuvent lui rendre la pareille en épinglant son camp sur d’autres dossiers qui font tout aussi bien l’objet d’exigences de réforme et de transparence, à commencer par celui de l’électricité. Avec, au final, les mêmes risques de politiser les dossiers et de rendre les réformes impossibles à mettre en œuvre.
Si la parole présidentielle est aujourd’hui problématique, c’est aussi parce qu’au cours des trois premières années du mandat, le camp du chef de l’État donnait le sentiment d’être si confortablement installé dans un partenariat fructueux avec l’un de ses principaux adversaires traditionnels, le courant du Futur (au point que Saad Hariri avait un jour de 2019 parlé de « mariage maronite » avec le chef du CPL, Gebran Bassil), qu’il en oubliait les brûlots jetés naguère à la face de cet adversaire, du type de L’Impossible quitus. On retient d’ailleurs de cette période un développement sans précédent d’un clientélisme à l’échelle industrielle, notamment avec le vote en 2017 de la grille des salaires dans la fonction publique. La question qui se pose dès lors est de savoir si l’on peut séparer ce gonflement de la bulle clientéliste des dérives imputées à la Banque du Liban et au système bancaire en général. Et l’autre question consiste à se demander si les principales forces politiques au pouvoir n’étaient pas toutes associées dans cette politique suicidaire.
Que dire encore ? Que la lutte contre la corruption n’est pas affaire de posture politique ? Qu’il s’agit d’un chantier auquel tout le monde est censé contribuer, loin de la logique du justicier du Far West ? Que tout le monde ou presque a des reproches à se faire à ce sujet ?
Une chose est cependant sûre : après le discours de Michel Aoun, l’audit de la BDL est encore plus difficile à mettre en œuvre qu’avant…
Or, quelles qu’en soient les motivations, c’est bien de cela qu’il s’est...
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President Aoun, and the political elite who have been in power for decades, have lost all credibility when they refused to take responsibility for their gross negligence that lead to the August 4 explosion. President Aoun as a head of the armed and security forces, bears a major responsibility. Yet, he has refused to apologize and has tried to deflect responsibility. Now, he's behaving like a member of the opposition, declaring he's incapable to help deal with the many crises confronting Lebanon. He is a failed President as he's incapable to provide any solutions. He should then resign and let someone else take the lead. Or Parliament should impeach him.
Mireille Kang
23 h 55, le 11 avril 2021