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Culture - Exposition

Pour que le cœur de Gaïa continue de battre...

L’exposition collective « Everyone is the creator of one’s own faith », initiée par AD Leb et étalée sur deux étages au cœur du bâtiment Tabbal dans le quartier Sursock, est un hommage à Gaïa Fodoulian et aux projets d’avenir qu’elle s’était promise de réaliser si le 4 août 2020 n’avait jamais existé... 

Pour que le cœur de Gaïa continue de battre...

Une table en bois calciné de 8 mètres de long signée Samer Bou Rjeily et des « Totems modulables » de Karen Chekerdjian. ©Vartan Seraydarian

Gaïa Fodoulian, l’une des victimes du drame du 4 août, avait des projets plein la tête et toute la vie devant elle. Designer de formation, elle avait fait ses premières armes aux côtés de sa mère Annie Vartivarian, directrice de la Galerie Letitia (Letitia Art Gallery) avant de se décider à prendre son envol pour mettre en place un projet qui lui tenait tant à cœur, celui de créer une plate-forme numérique et d’y instaurer un dialogue entre l’art et le design. Sa vision consistait à rendre l’art accessible à tous, dans des espaces dépourvus de murs. Le projet était sur le point de se concrétiser et AD Leb allait bientôt voir le jour. Sauf que, l’espace d’un long moment, c’est la nuit qui occupera toute la place…

Une sculpture de Sirine Fattouh. ©Vartan Seraydarian

Un clic et l’âme de Gaïa revit

Dans la matinée de la journée tragique du 4 août, Gaïa Fodoulian poste une photo d’elle sur son compte Facebook, avec cette légende tragiquement prémonitoire, « Everyone is the creator of one’s own faith » (Chacun est le créateur de sa propre foi, NDLR), une phrase qui est devenue huit mois plus tard le titre d’une exposition hommage à la vie et l’œuvre de la jeune femme. Sur la photo, dans un décor foisonnant de verdure, le corps de Gaia est propulsé vers le regardant. Échapper à son destin ou aller à sa rencontre ? En fin d’après-midi, ce même jour, la jeune femme est emportée par le souffle de l’explosion sous les yeux de sa mère. Annie Vartivarian met sa douleur en veilleuse et reprend le flambeau afin que l’art restitue à sa fille sa dimension d’éternité. Elle mûrit le projet AD Leb (plate-forme à but non lucratif dédiée au soutien et à la mise en valeur du travail des artistes et designers visuels libanais et internationaux) et le rêve de Gaïa devient réalité. Une première exposition est mise en place, elle sera ensuite placée en ligne à portée de tous. D’un simple clic, on peut pénétrer l’espace, s’y promener et prendre son temps à la rencontre des artistes.

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L’avantage de l’exposition virtuelle est l’ouverture à un public plus vaste et une visite au moment choisi par le spectateur. Il est aussi possible de télécharger des images et des photographies, des vidéos, des modèles 3D ainsi que des photos 360. Mais AD Leb n’était pas le seul rêve de Gaia, l’art et le design n’étaient pas ses seules passions. La jeune femme se sentait très concernée par la condition des animaux en péril. « Elle ne croyait pas aux institutions, confie sa mère Annie Vartivarian, et voulait créer une maison d’accueil pour toutes les bêtes en manque d’amour, leur fournir les meilleurs traitements possibles et tous les soins nécessaires, les recueillir et les placer dans des maisons d’adoption. » Voilà ce que la Fondation Gaïa, créée par la famille, va s’engager à réaliser en sus de la mise en place de AD Leb. Une fondation soutenue par des dons privés, des événements de collectes de fonds et gérée sous la direction de Mariana Fodoulian, médecin vétérinaire et sœur de Gaïa. Ad Leb s’engagera à verser tous les profits à la fondation.

Des photographies de Caroline Tabet exposées au-dessus d’un évier. Photo DR

L’art pour la pérennité de l’existence

Sous la supervision d’Annie Vartivarian, qui apporte, en tant que galeriste établie et mécène des arts, sa richesse d’expérience et sa passion à cette nouvelle initiative, c’est dans le bâtiment Tabbal à Beyrouth au centre du quartier Sursock que les artistes prennent aujourd’hui leurs marques dans un espace dont Gaïa aurait rêvé. « Lorsqu’elle réfléchissait à l’espace où serait montée la première exposition, confie sa mère, il y avait cette phrase récurrente : “I need an odd place” je voudrais un espace étrange. » Alors quoi de mieux que ce bel édifice patrimonial, datant des années 1890, et situé sur la rue Sursock, témoin de tant de guerres et gardien de tant de secrets et d’histoires d’amour, pour concrétiser ses rêves ? Classé monument historique par la Direction générale des antiquités en 1999, l’immeuble a longtemps servi de refuge à une famille nombreuse. Dans l’enceinte de ses murs (soufflés au moment de l’exposition), la scénographie, fidèle à la mémoire de Gaïa qui souhaitait un espace presque sans murs, est assurée par le studio d’architecture Ghaith & Jad (Ghaith Abi Ghanem et Jad Melki) qui a œuvré à préserver l’espace intact. Les œuvres sont présentées sur des pilons métalliques plantés dans des blocs de pierre, comme pour composer avec l’éphémère de la vie.

Samer Bou Rjeily, Karen Chekerdjian, Hatem Imam, Sirine Fattouh, Paul Kaloustian, Nathalie Khayat, Hussein Nasser Eddine et Caroline Tabet, ces huit artistes et designers, ont répondu présent à cette initiative et y exposent des œuvres de belle facture, près d’une œuvre de Gaïa Fodoulian à voir jusqu’au 29 avril. De l’installation Light sleepers constituée de 208 bougeoirs en hommage aux disparus du 4 août de Nathalie Khayat aux milliers de personnages ludiques qui envahissent les toiles de Sirine Fattouh, des Totems modulables de Karen Chekerdjian, des esquisses d’architecture revisitées de Paul Kaloustian à la table monumentale de Samer Bou Rjeily réalisée en bois calciné. Quant à Hatem Imam, c’est avec la série Cataract, qu’il suggère une double lecture, celle d’une réflexion sur les limites de la représentation et la relation entre le spectateur et la vue elle-même.

Les photographies dans la série Inner Lives/Previous Lives de Caroline Tabet explorent la métamorphose implacable des paysages vécus à travers des temporalités vécues, sans oublier le banc dessiné par Gaïa elle-même. La déambulation dans cet espace empreint de mémoire est un voyage en lui-même. À l’entrée de l’édifice, se dresse la colonne de Hussein Nasser Eddine, éclaboussée de rouge, en référence au Château rouge décrit par le poète abbasside al-Mutanabbi, établissant un lien entre description de l’architecture et violence dans la poésie.

Un banc réalisé par Gaïa Fodoulian. ©Vartan Seraydarian

Quand la foi déplace la douleur

Comment continuer d’y croire? Est-ce que la foi s’arrête lorsque la mort est au rendez-vous ? Dans Le temps retrouvé, Proust décrit la force de l’art comme permettant de voir non un seul monde, mais tout un univers : « Par l’art seulement nous pouvons sortir de nous, savoir ce que voit un autre de cet univers qui n’est pas le même que le nôtre. » Peut-être est-ce cela que Gaia contemple depuis les étoiles. Cette rencontre de l’indicible et du beau, de la douleur et de sa sublimation, de la souffrance et de sa transcendance. Là où le cœur s’est arrêté de battre, là où la parole s’est fait silence, la volonté de continuer a pris le relais. Continuer ce que Gaïa Fodoulian avait entamé et ne pas perdre la foi.

L’exposition se déroulera jusqu’au jeudi 29 avril 2021 et sera ouverte tous les jours de 12h à 18h sauf les dimanches et lundis. Mirros Communication collabore avec AD Leb dans le cadre de son projet « Reviving Beirut Through Arts and Culture ».

www.artdesignlebanon.com

IG/FB : @artdesignlebanon

Gaïa Fodoulian, l’une des victimes du drame du 4 août, avait des projets plein la tête et toute la vie devant elle. Designer de formation, elle avait fait ses premières armes aux côtés de sa mère Annie Vartivarian, directrice de la Galerie Letitia (Letitia Art Gallery) avant de se décider à prendre son envol pour mettre en place un projet qui lui tenait tant à cœur, celui de créer...

commentaires (2)

TRES BONNE INITIATIVE. BRAVO. QUE SON AME SOIT SATISFAITE DANS LE CIEL.

LA LIBRE EXPRESSION

13 h 50, le 09 avril 2021

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Commentaires (2)

  • TRES BONNE INITIATIVE. BRAVO. QUE SON AME SOIT SATISFAITE DANS LE CIEL.

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 50, le 09 avril 2021

  • L'art sublime la douleur. Merci pour les artistes et designers. Hommage à l'ame de Gaia.

    SADEK Rosette

    09 h 48, le 09 avril 2021

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