
« Sois belle... et parle » / Kfarabida. ©Gilbert Hage
« Centre espérance ». © Hala Younes
Le principe espérance
Un petit bout de Japon à Ghiné dans le Mont-Liban, quelques lanternes en pierre au bord de la route et une branche fleurie. Qui était espérance ?
Une femme ? Un messie ? Qu’attendait-on ici ? L’enseigne a rouillé, les couleurs ont fané, mais la petite fleur orgueilleuse en son milieu continue de bomber le torse crânement pour faire peur à l’adversité. Notre pays est une utopie que nous ne cessons de projeter, un rêve éveillé. Pourtant, le principe espérance a vacillé le 4 août 2020. Le printemps dans la montagne le rallume. Le principe espérance, écrit entre 1938 et 1947, est l’œuvre majeure du philosophe marxiste allemand Ernst Bloch, bien plus pessimiste, son compatriote et contemporain Günther Anders se demandait quant à lui s’il était concevable de persister à déceler de l’espoir après Auschwitz et Hiroshima. La catastrophe du 4 août a eu raison des plus optimistes d’entre nous, pour un temps seulement.
Hala YOUNES/Architecte
« Pieds fous » Geitaoui. ©Lisa Lugrin, Ghadi Ghosn et Clément Xavier
Le plus étrange à Beyrouth...
Le plus surprenant à Beyrouth c’est l’impression d’étrange familiarité. Dans les modes de vie des gens que l’on croise, cette jeunesse si belle, fougueuse, curieuse, nomade, hyperbranchée, qui jongle entre plusieurs langues, dont un français impeccable.
Et dans les enseignes souvent écrites dans un français désuet, rappelant que notre pays incarna, jadis, un certain « chic », et qu’il fut même à la mode.
Ces enseignes font écho à une France rayonnante que nous n’avons pas connue, un pays imaginaire dont nous nous sentons également étrangers et que les Libanais continuent pourtant à admirer.
Le nom des magasins est souvent à l’opposé de leur standing. L’exigu salon de beauté au fond d’une impasse insalubre se pare du panneau « Champs Élysées » entouré de néons bleutés, alors qu’un restaurant haut de gamme arbore fièrement une enseigne « Boubouffe » (terme familier pour désigner la nourriture, évoquant en outre l’enfance par le doublement des syllabes).
Le décalage suscite parfois une poésie que n’auraient pas reniée les surréalistes : le magasin de chaussures « Pieds fous » et le café « Abajour » sont dignes de romans de Boris Vian ou de Raymond Queneau.
Lisa LUGRIN / Clément XAVIER / Ghadi GHOSN
Bédéistes
« Taxi service, aller-retour ». ©Jad el-Khoury
Quick Taxi, aller-retour
#Peinture à la main / #Coups de feu
#Paix / #Guerre
#Mer / #Montagne
#Ruines historiques / #Ruines contemporaines
#Fiction / #Réalité
#Pierre / #Acier
#Énergie / #Métal
#Anthropocène / #Chthulucène
#Culture / #Barbarisme
#Unis / #Divisés
#Diversité / #Tyrannie
#Couleurs / #Noir
#Jour / #Nuit
#Ouest / #Est
#Accuser / #Pardon
#Rage / #Zen
#Amour / #Haine
#Ordre / #Chaos
#Risque / #Sécurité
#Passé / #Présent
#Vie / #Mort
#Sobriété / #Désillusion
#Espoir / #Détresse
Jad EL-KHOURY
Artiste (installations dans l’espace public)
« Fleuriste », Ras el-Nabeh, Beyrouth. © Guillaume de Vaulx
« J’ai donné mon âme au diable »
Tarek avait loué la boutique adjacente au forn, pour installer là son magasin de fleurs. « Parce que les cœurs aussi ont de l’appétit dans le quartier », s’émerveillait-il à l’époque. Puis, le corona est venu et les gens se sont méfiés de tout ce qui était vivant. Ils ne pensaient plus à faire pousser des plantes, mais à tuer les microbes. À contrecoeur, Tarek substitua aux couleurs naturelles les phosphorescentes et troqua les bouquets de fleurs contre les bouteilles de détergents. Au début, les affaires marchaient bien, puis ce fut la faillite. Il dut mettre la clef sous la porte. Maintenant, il regrette : « J’ai donné mon âme au diable et il ne me l’a jamais rendue. »
Guillaume de VAULX/Philosophe et chercheur (IFPO)
« Sois belle » 1 / Fassouh. ©Gilbert Hage
Sois belle...
Sois belle, c’est d’un salon de beauté qu’il s’agit cette fois.
En lisant cette enseigne je la complète d’une façon naturelle ou même automatique par la fameuse injonction que l’on répète aux femmes depuis la nuit des temps, sois belle et tais-toi, titre du film de Marc Allégret qui date de 1958.
Sois belle, sois belle et vote, slogan utilisé pour la campagne des élections législatives de 2010 par le Courant patriotique libre, parti politique libanais, où le mot vote vient remplacer le tais-toi jusqu’à en faire un synonyme alors que le vote est un devoir moral de citoyenneté et a pour intention et ambition de donner la parole aux citoyens et de les écouter. Il a fallu que le salon de beauté « Sois belle et parle », situé dans la région de Batroun, redonne la parole aux femmes.
Gilbert HAGE
Photographe
« Le régime demande de souffrir en silence ». © Yazan Halwani
« Le régime demande de souffrir en silence »
Depuis des années, à chaque fois que je voyage, je me rends de plus en plus compte que l’aéroport est un microcosme du pays. Il y a deux ou trois ans, face à l’éternel chaos qui règne à l’AIB à cause de sa mauvaise gestion, les autorités nous ont donné un aperçu de la manière dont elles entendent résoudre les problèmes : en nous demandant de ne pas en parler.
Yazan HALWANI
Artiste
« Centre espérance ». © Hala YounesLe principe espérance
Un petit bout de Japon à Ghiné dans le Mont-Liban, quelques lanternes en pierre au bord de la route et une branche fleurie. Qui était espérance ?Une femme ? Un messie ? Qu’attendait-on ici ? L’enseigne a rouillé, les couleurs ont fané, mais la petite fleur orgueilleuse en son milieu continue de bomber le torse crânement...
commentaires (1)
Super! Et, en bon libanais francophone, je dirai à la libanaise : assieds toi courbé et parle droit.
Wlek Sanferlou
03 h 23, le 27 mars 2021