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La Consolidation de la paix au Liban - Mars 2021

Des femmes syriennes entre les mains du destin

Des femmes syriennes entre les mains du destin

© Adra Kandil

Les conflits récurrents au Liban ont eu des répercussions sur les communautés locales, particulièrement au Liban-Nord, dans la Békaa et au Liban-Sud, trois des régions les plus vulnérables du pays. Certaines d’entre elles se remettent toujours des conséquences des affrontements communautaires survenus au cours des dernières années. Parallèlement, le Liban accueille le plus grand nombre de réfugiés, quelque 4,5 millions Libanais partageant une superficie totale équivalente à celle de l’île de Chypre avec environ 865 531 Syriens déplacés (1) en raison du conflit en Syrie et près de 470 000 réfugiés palestiniens (2) résidant au Liban depuis 1948, auxquels s’ajoutent des réfugiés palestino-syriens.

Vu l’absence de camps officiels pour les réfugiés syriens au Liban, on pense que près de la moitié des réfugiés palestiniens de Syrie se sont installés dans quelques-uns des douze camps de réfugiés gérés par l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine au Proche-Orient (Unrwa). D’autres réfugiés syriens se sont installés dans des quartiers libanais, nombre d’entre eux dans les zones les plus vulnérables et les plus défavorisées du pays, notamment le Mont-Liban.

Dans le cadre cet article, nous avons essayé de mettre l’accent sur la région du Mont-Liban, ainsi que sur la situation des réfugiés syriens qui s’y trouvent. Nous avons été confrontés au fait que la souffrance des réfugié(e)s au Liban transcende la dimension géographique pour devenir une souffrance commune chargée de pressions psychologiques, sociales et économiques, en raison de la réalité politique complexe et difficile. Par conséquent, à partir d’un article qui devrait être axé sur la région du Mont-Liban, nous sommes passés à un aperçu de la réalité syrienne au Liban.

Le Covid-19 a été la goutte qui a fait déborder le vase, resserrant l’étau sur la communauté syrienne, en particulier les femmes. « J’ai vécu trois ans dans un contexte de guerre en Syrie, m’efforçant à être patiente et à protéger ma maison et mes enfants, confie Layla lors d’une séance de soutien psychologique. Malgré les bombardements et les difficultés financières, j’étais déterminée à rester à Homs et à envoyer mes enfants à l’école. Pour moi, l’éducation constituait notre seule garantie de survie. Nous vivions dans une situation difficile. Nous étions en danger et le Liban était notre seul refuge. Nous sommes venus, munis de notre espoir dans ce pays. Pour nous, le Liban a toujours été un pays de joie. »

Layla raconte que depuis qu’elle est arrivée au Liban, ses voisins la traitent bien. Elle a aimé ce pays. C’est l’endroit qui l’a accueilli et qui leur a offert, à ses enfants et à elle, la sécurité qu’ils avaient perdue dans leur terre natale. « Mais aujourd’hui, avec cette épidémie (Covid-19), tout a changé. J’avais peur que mes enfants sortent de la maison. Je ressens à la fois une peur et du chagrin pour eux. J’ai peur de ce qui pourrait leur arriver et je suis triste à cause de la prison dans laquelle ils vivent par peur de la maladie », poursuit Layla.

La souffrance de cette femme n’est pas naïve. Elle ne souffre pas parce que ses enfants sont enfermés avec elle à la maison et qu’elle en a assez d’eux. La vérité de ce qu’elle ressent est en relation avec la réalité amère de toute la communauté syrienne déplacée au Liban. C’est ce qui exprime le fond de la souffrance humaine que quiconque pourrait endurer. En raison des bouclages répétés du pays, les Syriens doivent déployer un effort double pour gagner leur vie. Ce qu’ils échouent à faire souvent. Et leurs dettes envers les magasins du voisinage s’accumulent. Selon un rapport du Programme alimentaire mondial, près de 18 % des réfugiés syriens au Liban souffrent de surendettement (3). La valeur de cette dette est en moyenne l’équivalent de 1,8 million de livres libanaises par mois. Ces taux élevés incluent les dépenses alimentaires, le loyer, les médicaments et l’eau. Si nous examinons en profondeur cet accroissement des dettes, nous devons être conscients du fait qu’il ne conduit qu’à une pression psychologique supplémentaire sur les endettés. Ils n’ont pas d’autres alternatives que de s’endetter. Parallèlement, ils n’ont aucune autre ressource susceptible de leur permettre de rembourser leurs dettes.

En plus du fardeau économique imposé à la communauté syrienne au Liban, le fait que toute la famille reste à la maison en raison de la quarantaine imposée a créé un nouveau type de pression, que la majorité des femmes ne savent pas gérer. L’un des facteurs les plus importants reste la présence inhabituelle et prolongée des hommes au foyer. Ce changement dans la routine et le mode de vie de la famille syrienne a été à l’origine d’une frustration ressentie à la fois par les hommes et les femmes d’une même famille. Ce qui a souvent conduit à une augmentation de la violence domestique, et par conséquent à une augmentation de 4 % de la persécution des femmes au sein de ces communautés par rapport à 2019, selon les associations qui œuvrent pour prévenir la violence basée sur le genre au Liban. Une hausse de ce type de violence au sein des communautés syriennes a ainsi été constatée en particulier au Liban. Cette violence inclut le harcèlement sexuel ainsi que la violence domestique contre les femmes et les adolescentes. Il s’est également avéré que la violence psychologique l’emportait sur toutes les formes de violence exercée à l’encontre des femmes. Selon les recherches également, 15 % des femmes craignaient d’être rapatriées en Syrie, ce qui se traduisait par un stress et une tension accrus.

Enfin, avec toutes les pressions que subissent les femmes au Liban en général, et au Mont-Liban en particulier, la scolarisation de leurs enfants constitue pour elles le plus important fardeau et une source d’une grande pression. Les écoles étant fermées pour éviter que les enfants ne soient un vecteur de transmission du virus, la majorité des élèves suivent désormais les cours en ligne. Ce qui nécessite généralement, et idéalement, des appareils intelligents que l’enfant peut utiliser, une alimentation continue en électricité, un accès Internet à haut débit et la présence d’un adulte qui puisse suivre l’enfant de près. Compte tenu de la situation dans laquelle vivent les Syriens au Liban, ces prérequis constituent un luxe qu’ils ne peuvent pas se permettre sur les plans financier et psychologique. Ils n’ont pas les moyens d’acheter du matériel sophistiqué à leurs enfants. Si ceux-ci étaient disponibles, les services de base pour les aider dans ce cheminement scolaire, comme l’Internet et l’électricité, ne sont pas disponibles. De plus, la majorité des familles vivent souvent dans une maison composée d’une seule pièce. Il est donc impossible, pour les familles qui comptent plus d’un enfant scolarisé, que tous puissent participer en même temps à différents cours.

(1) https://data2.unhcr.org/en/situations/syria/location/71

(2)https://www.anera.org/where-we-work/lebanon/#:~:text=As%20of%202020%2C%20the%20Lebanese,refugees%20a%20place%20to%20live.

(3) https://www.wfp.org/news/nine-out-ten-syrian-refugee-families-lebanon-are-now-living-extreme-poverty-un-study-says

Psychothérapeute

Les conflits récurrents au Liban ont eu des répercussions sur les communautés locales, particulièrement au Liban-Nord, dans la Békaa et au Liban-Sud, trois des régions les plus vulnérables du pays. Certaines d’entre elles se remettent toujours des conséquences des affrontements communautaires survenus au cours des dernières années. Parallèlement, le Liban accueille le plus grand...

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