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Société - Commémoration

Une fondation Lokman Slim pour lutter contre l’impunité

Monika Borgmann, épouse du défunt, a annoncé un nouveau projet visant à faire la lumière sur les « crimes politiques », l’un des fléaux qui touchent le pays.
Une fondation Lokman Slim pour lutter contre l’impunité

La stèle circulaire de Lokman Slim. Photo João Sousa

De la détermination face à l’impunité, de la beauté face à la médiocrité. À l’occasion du quarantième de la mort de Lokman Slim – lâchement assassiné dans la nuit du 3 au 4 février dernier –, une cérémonie a été organisée hier par sa famille à sa mémoire dans le jardin de la villa Slim, à Haret Hreik, en plein cœur de la banlieue sud de Beyrouth. Le rassemblement coïncidait avec la fête des Mères, un symbole d’autant plus fort qu’oum Lokman, sitt Salma Merchak-Slim, avait ému une grande partie du pays par sa sagesse et sa dignité dans les jours qui ont suivi le meurtre de son fils. Le corps de l’intellectuel âgé de 58 ans avait été retrouvé sans vie, criblé de six balles dans une voiture de location, non loin de la localité de Touffahta dans le caza de Zahrani. Sa famille avait, la veille, perdu tout contact avec lui.

Parce qu’il s’était ouvertement opposé à la mainmise du Hezbollah sur le Liban, et plus particulièrement sur la communauté chiite dont il était issu, parce qu’il avait été menacé de mort à plusieurs reprises par le parti pro-iranien qui n’avait pas hésité à lancer les rumeurs les plus sordides à son encontre, de lourds soupçons pèsent sur la formation. Comme cela avait été le cas lors des funérailles du penseur, une prière commune islamo-chrétienne a ouvert la cérémonie en présence d’un cheikh et d’un prêtre, avant qu’écrivains et artistes ne se succèdent devant la stèle circulaire en l’honneur du défunt où sont inscrits les vers d’al-Moutanabbi : «  Debout face à une mort certaine, comme sous la paupière du mal endormi.  » Après les versets du Coran et de la Bible, place à la récitation de poèmes et d’hommages mettant à l’honneur les travaux de traduction de Lokman Slim au sein de la maison d’édition Dar al-Jadeed, qu’il avait cofondée avec sa sœur Rasha al-Ameer. Rifaat Torbey lit un texte de Ghassan Charbel écrit quelques jours après l’assassinat de l’intellectuel : « L’histoire d’un homme qui joue avec les bombes ». Des extraits du recueil de poésie Pavot et mémoire de Paul Celan sont récités. Marylise Aad, auteure de pièces de théâtre, salue, à travers des textes de Abbas Beydoun et de Fadi al-Toufayli notamment, la mémoire de l’éditeur ; un homme qui, en plus d’être un amoureux de la langue arabe, un érudit féru de livres et de cinéma, était aussi un militant engagé en faveur de la souveraineté du pays du Cèdre et de l’émergence d’une réelle citoyenneté libanaise qui transcenderait les appartenances confessionnelles.

Une jeune femme s’est fait tatouer « zéro peur » sur la main, en référence à une phrase de Lokman Slim pendant la révolte d’octobre 2019. Photo João Sousa

Dans une ambiance sobre et profonde, les voix de velours d’Aya Leyl Torbey et de Mayssa Jallad retentissent et apaisent.

Dans L'Orient Littéraire

Dar al-Jadeed garde le cap dans la tourmente

Avec élégance et gravité, Monika Borgmann, veuve de Lokman Slim, prend la parole et annonce la création d’une fondation au nom éponyme pour « lutter contre l’impunité », contre cette culture de l’assassinat politique qui gangrène le Liban depuis bien trop longtemps. Devant des dizaines de personnes, dans la droite ligne de ses déclarations précédentes clamant haut et fort la nécessité de poursuivre le combat et de ne pas se taire, de ne pas céder à la peur, Mme Borgmann décrit l’objectif du nouveau projet comme étant le prolongement de l’œuvre de son mari. La fondation Lokman Slim vise ainsi à « perpétuer sa pensée et ses idées, à publier ses écrits et à combattre l’impunité pour tous les assassinats politiques », avec l’espoir, petit à petit, de s’étendre au-delà des frontières du pays. « 112 personnes ont été assassinées au Liban sans que les investigations n’aboutissent à des résultats », a rappelé pour sa part Rasha al-Ameer, ajoutant « n’avoir que des paroles, et non des armes, pour construire un État ». Après la cérémonie, un homme et une femme discutent. Elle lui dit ne pas comprendre pourquoi le Liban devrait servir de lieu à la gloire de figures politiques ou militaires étrangères. Il lui répond qu’il ne suffit pas de dire cela, qu’il faut clairement nommer les choses. « Ce sont les affiches de Kassem Soleimani sur la route de l’aéroport dont il s’agit », lui lance-t-il.L’annonce de Monika Borgmann intervient quelques mois seulement après le verdict prononcé le 18 août 2020 par le Tribunal spécial pour le Liban qui, dans son jugement final, avait estimé qu’il y avait suffisamment de preuves pour déterminer que Salim Ayache était au cœur d’un réseau d’utilisateurs de téléphones portables épiant les faits et gestes de l’ancien chef de gouvernement Rafic Hariri dans les mois ayant précédé son assassinat le 14 février 2005, mais pas assez pour étayer le lien entre l’attaque et la direction du Hezbollah ou le régime syrien, décourageant tous ceux qui espéraient en finir, quoique sans illusions, avec la culture de l’impunité intrinsèque au pays du Cèdre.

De la détermination face à l’impunité, de la beauté face à la médiocrité. À l’occasion du quarantième de la mort de Lokman Slim – lâchement assassiné dans la nuit du 3 au 4 février dernier –, une cérémonie a été organisée hier par sa famille à sa mémoire dans le jardin de la villa Slim, à Haret Hreik, en plein cœur de la banlieue sud de Beyrouth. Le rassemblement...

commentaires (2)

Ne serait ce que leur détermination à rester chez eux dans ce quartier gangrené de tueurs et d’armes est un acte de courage sans précédent que la famille Slim a montré au monde entier. Celui qui prétend le courage terré sous des tonnes de sables et de bétons prouve tous les jours sa lâcheté et son manque de courage d’affronter ses adversaires politiques et intellectuels autrement que par les armes pensant les faire taire à jamais. Ses partisans adhèrent plus par besoin et par peur et il n’hésite pas à les utiliser comme chair à canons mais continuent de voir en lui ce batal sous des tonnes de gravats menaçant et levant le doigt pour s’imposer alors que ses actes lâches sont là pour le démasquer.

Sissi zayyat

13 h 02, le 22 mars 2021

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Commentaires (2)

  • Ne serait ce que leur détermination à rester chez eux dans ce quartier gangrené de tueurs et d’armes est un acte de courage sans précédent que la famille Slim a montré au monde entier. Celui qui prétend le courage terré sous des tonnes de sables et de bétons prouve tous les jours sa lâcheté et son manque de courage d’affronter ses adversaires politiques et intellectuels autrement que par les armes pensant les faire taire à jamais. Ses partisans adhèrent plus par besoin et par peur et il n’hésite pas à les utiliser comme chair à canons mais continuent de voir en lui ce batal sous des tonnes de gravats menaçant et levant le doigt pour s’imposer alors que ses actes lâches sont là pour le démasquer.

    Sissi zayyat

    13 h 02, le 22 mars 2021

  • ILFAUT UNE JUSTICE INTEGRE DANS LE PAYS. CEUX QUI LA PRATIQUENT AUJOURD,HUI SONT POUR LA PLUPART DES PARTISANS OURROMPUS OU DES VENDUS

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 15, le 22 mars 2021

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