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Politique - Avance du Trésor à EDL

Feu vert parlementaire partiel, en attendant la formation d’un cabinet

« La prochaine fois, nous leur dirons : “votre départ ou l’obscurité” », a lancé Élie Ferzli en allusion au camp aouniste.

Feu vert parlementaire partiel, en attendant la formation d’un cabinet

Les commissions parlementaires ont tenu hier une réunion conjointe sous la présidence d’Élie Ferzli. Photo ANI

Le spectacle était ubuesque hier : d’un côté un chaos sans nom dans la rue où la colère populaire des derniers jours a cédé la place à l’affolement face à une flambée irrépressible du dollar, et de l’autre un groupe de parlementaires qui approuvaient le déblocage de 300 milliards de livres, soit 200 millions de dollars au taux officiel, pour alimenter ce trou noir qu’est devenu EDL, parce que soumis à une équation qui relève du chantage : soit l’ouverture d’une ligne de crédit, soit l’obscurité.

L’avance du Trésor de 200 millions de dollars qui vont contribuer à assécher davantage les réserves en devises de la Banque du Liban a été approuvée au cours d’une réunion conjointe que les commissions parlementaires ont tenue hier pour examiner une proposition de loi du groupe parlementaire du CPL qui réclamait à la base 1 500 milliards de livres pour le compte d’EDL.

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Cette nouvelle ligne de crédit va aggraver certes la crise financière dans laquelle le Liban est plongé, sans pour autant assurer la solution qu’elle promet. Les parlementaires se sont vu contraints cependant de l’approuver pour éviter que le pays ne sombre dans l’obscurité, en attendant un hypothétique déblocage au niveau du dossier gouvernemental. Un point sur lequel les députés des Forces libanaises, du PSP – qui n’ont pas voté, ainsi que le député Hadi Hobeiche (Futur) pour l’octroi de l’avance du Trésor à EDL – du Futur et du mouvement Amal ont insisté durant la séance.

« Les Libanais continueront de recevoir le courant électrique au compte-gouttes et le peu d’argent qui leur reste s’évaporera », a confié le député Georges Okaïs (Forces libanaises) à L’Orient-Le Jour. Si la proposition de loi est passée en dépit de la contestation parlementaire, c’est simplement parce qu’elle a fait l’objet d’un troc : l’avance du Trésor à EDL contre le prêt de la Banque mondiale pour financer les filets de sécurité sociale aux familles les plus pauvres. Celui-ci a failli ne pas être voté vendredi dernier par le Parlement, comme on le sait. Et pour cause : comme les FL avaient décidé de boycotter la séance, le CPL a menacé à son tour de la boycotter parce que sa proposition de loi sur l’électricité n’était pas à l’ordre du jour.

En ce faisant, ils auraient contribué à torpiller la réunion parlementaire qui n’aurait pas pu se tenir pour non-conformité à l’esprit du pacte national. Au final, le président de la Chambre Nabih Berry avait renvoyé la proposition de loi en commissions pour éviter cet écueil.

« Priorité à l’initiative française »

Si Nabih Berry a tenu parole, il n’a pas cependant donné au CPL ce qu’il voulait, en ce sens que l’avance du Trésor a été morcelée. Les commissions ont voté pour le déblocage de seulement 300 milliards de livres, au lieu des 1 500 réclamés par le CPL, de quoi permettre à EDL de s’approvisionner en fuel pour un mois et demi. « La banque centrale n’aura d’autre choix que de lever les subventions sur le fuel, ce qui fait que les Libanais verront leurs factures d’électricité augmenter puisqu’ils paient les générateurs, alors que le courant fourni par EDL continuera d’être rationné », a dénoncé M. Okaïs.

Mais le plus important sans doute est que Nabih Berry a ainsi gardé une carte en main. Une nouvelle avance du Trésor à EDL, réclamée par le CPL, pourrait ainsi faire l’objet d’un nouveau marchandage avec le parti de Gebran Bassil, commente en substance notre chroniqueur politique, Mounir Rabih.

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Les débats durant la réunion étaient d’ailleurs à l’image du discours politique qui prévaut depuis des mois dans le pays, en ce sens que la discussion autour de l’opportunité d’accorder une avance du Trésor à EDL a permis aux forces politiques représentées à la séance d’aborder la question de la formation du gouvernement.

Plusieurs députés, notamment des groupes parlementaires FL, PSP, Futur et Amal, ont plaidé pour la mise en place d’un cabinet avant de voter de nouvelles avances du Trésor. Le député Hadi Abou el-Hosn (PSP) a même réclamé à cette fin un délai de 10 jours. « Nous n’acceptons pas d’être soumis à un chantage et qu’on soit poussé à choisir entre un crédit ou l’obscurité. La solution réside dans les réformes et dans l’application de l’initiative française », a-t-il insisté, après avoir critiqué la gestion aouniste de l’énergie et le plan de réformes du secteur de l’électricité, proposé par le ministère de tutelle dans la mesure où il ne prévoit pas la mise en place d’une autorité de régulation du secteur et la nomination d’un conseil d’administration d’EDL.

Un discours repris par plusieurs parlementaires, dont le vice-président de la Chambre Élie Ferzli, proche de Nabih Berry, et le député Amal Ali Hassan Khalil. « Personnellement, j’étais franchement en faveur de la proposition des deux groupes FL et PSP, à savoir de ne pas approuver la proposition de loi, mais d’émettre une recommandation qui insisterait sur la priorité de former un nouveau cabinet », a déclaré M. Ferzli qui a donné lecture des résolutions de la commission. Critiquant l’insistance à « puiser dans les réserves de la banque centrale, constituées des dépôts des Libanais auxquels on ne doit pas toucher », Élie Ferzli a exprimé l’espoir qu’à la prochaine échéance, un gouvernement aura été mis en place. « Il ne faut en aucun cas approuver l’ouverture d’une ligne de crédit sous le chantage : le crédit ou l’obscurité. La prochaine fois, nous leur dirons : “votre départ ou l’obscurité”. »

S’il a refusé de dire, en réponse à une question, s’il désignait le CPL qui gère depuis une dizaine d’années le secteur de l’énergie, Ali Hassan Khalil ne s’est pas empêché de tirer à boulets rouges sur ce parti qu’il a accusé de bloquer la formation du gouvernement et à qui il a demandé de « cesser de le nier ».

La proposition de loi devrait être soumise au vote par la Chambre, mais aucune date n’a été fixée hier.

Le spectacle était ubuesque hier : d’un côté un chaos sans nom dans la rue où la colère populaire des derniers jours a cédé la place à l’affolement face à une flambée irrépressible du dollar, et de l’autre un groupe de parlementaires qui approuvaient le déblocage de 300 milliards de livres, soit 200 millions de dollars au taux officiel, pour alimenter ce trou noir qu’est...

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