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Nos Lecteurs ont la Parole

Une autre imposture au Liban : les lacunes constitutionnelles !

Une nouvelle imposture se propage, couverte par des légalistes, des intellectuels sans expérience et des idéologues : la cause de la déchéance au Liban réside dans des lacunes (thagharât) constitutionnelles ! Des palabres à ce propos et leur impact sur des personnes dupes témoignent de la régression de toute la culture juridique.

1. Le principe du droit pénal ne s’étend pas à tout l’édifice juridique! Le principe : pas de peine sans loi (nullum crimen, nulla poena sine lege) se limite au code pénal. Son extension à tous les problèmes débouche sur l’inflation juridique et la rédaction de lois-fleuves de plusieurs dizaines et centaines de pages pour couvrir tous les détails exécutoires. L’ancien président du Conseil constitutionnel français, Jean-Louis Debré, le dénonce dans son ouvrage Ce que je ne pouvais pas dire (Laffont, 2016, 360 p.).

À l’encontre de la volonté d’égalité dans l’accès aux adjudications, l’excès bureaucratique finit par limiter l’accès non plus vraiment à des experts, mais aux plus habiles dans la gestion de techniques sophistiquées !

Il faudra certes moderniser des législations face à des situations nouvelles, en matières d’environnement, de technologie, d’information, de sécurité, de médecine… mais la modernisation ne porte pas véritablement sur des lacunes. Elle comble une vacuité législative à propos de situations nouvelles. Cependant, dans nombre de cas nouveaux, on applique la finalité de la loi et les principes généraux du droit, en conformité à l’idée de Jean Carbonnier : « Le silence de la loi n’arrête pas la justice », et aussi le principe de Montesquieu : « Les lois inutiles nuisent aux lois nécessaires. » 2. Aucun responsable gouvernemental ne peut se prévaloir d’une lacune constitutionnelle ! Que des spécialistes et chercheurs posent des problèmes constitutionnels, cela est souhaitable. Mais il n’est pas permis à celui qui assume une charge gouvernementale de se prévaloir d’une quelconque lacune constitutionnelle ou juridique ! Il est encore plus aberrant que celui qui prête le serment constitutionnel se couvre d’une prétendue lacune pour se dérober à sa responsabilité suprême de garantir le fonctionnement des institutions. Les lacunes, quelles qu’elles soient, ne justifient aucun blocage ni la réalisation de l’intérêt général, car la loi sert à assurer la marche des choses, et l’État, c’est la continuité ! 3. Deux catégories juridiques : la bonne foi et l’abus de droit. La bonne foi, état psychologique et moral, est bien une catégorie juridique. Elle ne signifie pas procès d’intention, mais détection de comportements qui confirment ou infirment la conformité à la loi et sa finalité. Quant à l’abus de droit, il signifie que le droit est utilisé pour un but autre ou pour nuire à autrui ou en empruntant des procédures contestables et détournées (Ibrahim Najjar, Nouveau Dictionnaire juridique français-arabe, librairie du Liban, nouv. éd., 2009). 4. Le concept de « lacunes constitutionnelles » : Il existe des travaux sur les lacunes constitutionnelles en tant que lacunes et non de vacuité. La lacune pourrait être dans la formulation, la clarification ou l’explicitation… (Julien Jeanneney, Les lacunes constitutionnelles, LGDJ, 2016). Il y a différentes sortes de lacunes. Elles sont souvent volontaires en vue de garantir la suprématie de la norme par rapport à des détails exécutoires dérivés ou secondaires et qui pourraient paralyser le fonctionnement.

Nombre de lacunes sont volontaires, prenant en considération la culture dominante en société et pour éviter de heurter des susceptibilités et des idéologies en vogue. Cela ressort des nouveaux amendements depuis 2010 dans des Constitutions arabes à propos de la charia, de la loi et de la démocratie (notre étude dans Annuaire du Conseil constitutionnel, 2016, pp. 79-110). Cela ressort aussi de l’article 95 de la Constitution libanaise qui ne définit ni le « confessionnalisme » ni le « confessionnalisme politique », laissant cela au Comité national spécialisé qui groupera des politiques et des spécialistes.

5. Y a-t-il des lacunes dans l’aménagement constitutionnel libanais ? L’édifice constitutionnel libanais, comme ceux de la Suisse, de la Grande-Bretagne et d’autres pays, est le fruit d’une maturation historique séculaire en ce qui concerne les problèmes fondamentaux. On a intégré des pratiques normatives dans le texte constitutionnel de 1990. On prétendait autrefois que le pacte de 1943 n’est pas écrit. Il l’a été cette fois, a été approuvé par le Parlement et incorporé dans la Constitution. On persiste cependant à alléguer des prétextes !

6. Contradiction entre de prétendues lacunes et la corruption : Imputer le désastre au Liban à des lacunes constitutionnelles, c’est fournir la bénédiction à des corrompus ! Haro sur la Constitution et la loi ! Cela présuppose que tous les gouvernants au Liban portent en permanence avec eux les Recueils de législation libanaise et les Recueils Dalloz et n’entreprennent aucune action, aucune, qu’en référence à la légalité ! Cela rappelle la pièce des Rahbani, Ya’îsh, ya’îsh (Viva, viva!), où le héros, adossé sur les Recueils de législation, prononce un jugement inique : istinâdan (adossé) à la loi ! La loi, c’est pour s’y adosser et non en tant que norme ! Suprême imposture ! C’est devenu à la mode que des légalistes et des intellectuels sans expérience cogitent en permanence sur les fondements du Liban, comme s’il n’y a pas d’autres sujets importants à étudier sur notre vie économique, sociale, citoyenne, culturelle ! S’il ne s’agissait que de « lacunes », nous aurions été dans le meilleur des mondes. C’est la Constitution au Liban qui est globalement suspendue, non appliquée, violée ! Dire que la situation actuelle au Liban est imputable à des « lacunes », c’est occulter l’ampleur du désastre : un État sans souveraineté !

Ancien membre du Conseil constitutionnel, 2009-2019

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

Une nouvelle imposture se propage, couverte par des légalistes, des intellectuels sans expérience et des idéologues : la cause de la déchéance au Liban réside dans des lacunes (thagharât) constitutionnelles ! Des palabres à ce propos et leur impact sur des personnes dupes témoignent de la régression de toute la culture juridique.
1. Le principe du droit pénal ne s’étend pas à...

commentaires (1)

APPELER CES LACUNES IMPOSTURES OU PIEGES INCONSCIENTS NON VOULUS ? SUREMENT KELLON EN PROFITENT EXCELLEMMENT BIEN A QUI MIEUX MIEUX. MEME PAS BESOIN DE LA SOIT DISANT INTELLIGENCE DIABOLIQUE DE JREISSATI LE RASPOUTINE DE BAABDA !

Gaby SIOUFI

14 h 19, le 11 mars 2021

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Commentaires (1)

  • APPELER CES LACUNES IMPOSTURES OU PIEGES INCONSCIENTS NON VOULUS ? SUREMENT KELLON EN PROFITENT EXCELLEMMENT BIEN A QUI MIEUX MIEUX. MEME PAS BESOIN DE LA SOIT DISANT INTELLIGENCE DIABOLIQUE DE JREISSATI LE RASPOUTINE DE BAABDA !

    Gaby SIOUFI

    14 h 19, le 11 mars 2021

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