Il a fallu que la situation dégénère et que le risque de chaos devienne quasi imminent pour inciter les responsables à sortir de leur torpeur et tenter une ultime opération de sauvetage. C’est ce climat alarmiste qui a contribué hier à la reprise de la dynamique des pourparlers autour de la formation du gouvernement, au point mort ces derniers jours.
C’est sous cet angle notamment qu’il faut peut-être lire la visite effectuée hier à Bkerké par le directeur de la Sûreté générale, Abbas Ibrahim, peu de temps avant que le Premier ministre désigné, en visite aux Émirats arabes unis, n’évoque à son tour les blocages en cours avec le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, avec qui il s’est entretenu à Abou Dhabi.
La rencontre entre Abbas Ibrahim et le patriarche survenait quelques heures avant la reprise du dialogue entre Bkerké et le Hezbollah, lors d’une réunion du comité bipartite. Cette réunion de conciliation est destinée à apaiser la tension entre les deux parties depuis le discours incendiaire du 27 février dernier du chef de l’Église maronite, dans lequel il s’en était pris au Hezbollah. Ses prises de position en flèche avaient été sévèrement critiquées dans les milieux proches du parti chiite, qui y ont vu un « danger » pour le pays.
Le général Ibrahim a quitté Bkerké sans faire de déclaration. On apprenait toutefois que le patriarche et le responsable sécuritaire ont notamment discuté de la formation du gouvernement, attendu depuis sept mois, et de leurs « espoirs » d’une mise sur pied prochaine de ce cabinet qui nécessite toutefois « des efforts supplémentaires », comme le souligne le porte-parole de Bkerké à L’Orient-Le Jour, évoquant un climat plutôt optimiste. Selon une source proche de M. Ibrahim, ce dernier a informé le prélat maronite des derniers développements relatifs à sa médiation auprès du président de la République, Michel Aoun, et du Premier ministre désigné pour lever les obstacles entravant la formation du cabinet. Le général Ibrahim avait avancé, il y a deux semaines, une proposition pour débloquer la situation. Celle-ci consistait en un gouvernement de 18 ministres, sans tiers de blocage pour quelque partie que ce soit. La proposition s’est toutefois heurtée au niveau de l’attribution du portefeuille de l’Intérieur que le président souhaitait inclure dans sa part. Saad Hariri aussi.
D’après notre chroniqueur Mounir Rabih, Abbas Ibrahim est revenu hier vers le patriarche avec la même proposition mais avec toutefois une légère variante apportée à son initiative initiale.
Alors que sa formule consistait à ce que le président soumette au Premier ministre une liste de trois noms pour l’Intérieur parmi lesquels Saad Hariri pourrait en choisir un, la nouveauté est que ce processus peut se répéter à l’envi, avec une première liste de trois noms, une deuxième, une troisième, etc. jusqu’à ce que les deux hommes parviennent à s’entendre sur la personnalité adéquate. Lors de cet entretien, Abbas Ibrahim a prié le patriarche d’intervenir auprès du Premier ministre désigné pour le convaincre de cette formule amendée.
L’entretien Hariri-Lavrov
En visite aux Émirats, Saad Hariri a saisi l’opportunité pour s’entretenir avec Sergueï Lavrov. Ce dernier se trouvait en visite officielle aux EAU où il s’est entretenu avec son homologue émirati, cheikh Abdallah ben Zayed, sur la possibilité du retour de Damas au sein de la Ligue arabe.
Selon un communiqué du bureau de presse du chef du courant du Futur, les participants à la réunion entre MM. Hariri et Lavrov, qui s’est tenue en présence du vice-ministre des Affaires étrangères et envoyé spécial du président russe au Moyen-Orient, Mikhaïl Bogdanov, et de Georges Chaabane, conseiller de Saad Hariri, ont évoqué « les derniers développements au Liban et dans la région », selon le texte. Cette réunion intervient alors que le Premier ministre désigné enchaîne, depuis plusieurs semaines, les visites à l’étranger, afin d’obtenir le soutien de la communauté internationale dans sa mission de former le nouveau gouvernement.
Dans ce cadre, la Russie avait apporté son soutien mi-février à la feuille de route française, en pressant pour la formation d’un gouvernement de mission présidé par Saad Hariri. Cet appui, exprimé lors d’un appel entre MM. Hariri et Bogdanov, était le tout premier apporté par un responsable russe de haut niveau en faveur de l’initiative d’Emmanuel Macron.
Le responsable russe s’était alors clairement prononcé contre l’opportunité d’accorder le tiers de blocage à qui que ce soit au sein du futur gouvernement, avalisant ainsi le refus exprimé par M. Hariri de consentir cette faveur au camp du chef de l’État.
Selon le bureau de presse de Saad Hariri, qui cite le ministère russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov a évoqué avec le Premier ministre désigné « la nécessité d’accélérer la solution à la crise socio-économique en formant un gouvernement de mission composé de technocrates ». Les deux responsables ont aussi discuté de « l’intensification des efforts de la communauté internationale en faveur d’une solution à la crise syrienne sur base de la résolution 2245 du Conseil de sécurité de l’ONU, notamment à travers le retour chez eux des réfugiés syriens ». M. Hariri est rentré hier soir à Beyrouth.
commentaires (6)
Je n’ai jamais compris la position de ce Monsieur Ibrahim? En qualité de quoi il entretient des pourparlers avec le monde entier et se permet même de demander à un soit disant président de la république et du Premier ministre d’adopter telle décision ou telle autre? Quelqu’un peut éclairer ma lanterne parce que là on navigue à vue.
Sissi zayyat
12 h 49, le 11 mars 2021