Il est vrai que le feuilleton gouvernemental n’intéresse plus grand monde, surtout avec l’aggravation de la crise financière, économique et sociale, mais les derniers développements méritent qu’on s’y arrête, ne serait-ce que pour confirmer les prévisions pessimistes...
L’infatigable directeur de la Sûreté générale, le général Abbas Ibrahim, avait donc lancé une nouvelle initiative la semaine dernière pour tenter de combler le fossé entre le chef de l’État et le président du Conseil désigné.
Selon des sources fiables qui suivent de près le dossier, la proposition du général Ibrahim consistait à adopter l’idée d’un gouvernement de 18 membres, sans tiers de blocage pour aucune partie seule. Le chef de l’État aurait, dans le cadre de cette proposition, la possibilité de choisir 5 ministres parmi des spécialistes non partisans, et avec le ministre choisi par le Tachnag, il aurait ainsi six sur 18, c’est-à-dire sans tiers de blocage. Concernant le ministère de l’Intérieur, qui constituait encore un obstacle, selon la proposition du général Ibrahim, il devrait être choisi par le président de la République, et il ferait ainsi partie des 5 ministres dont il aurait le choix. Mais la personnalité en charge de ce portefeuille en particulier devrait obtenir aussi l’aval du Premier ministre désigné, qui devrait lui choisir le ministre de la Justice. Les trois autres ministres chrétiens de ce gouvernement de 18 membres seraient répartis comme suit : deux au courant des Marada et un au Parti syrien national social (PSNS), selon les promesses qu’avaient faites Saad Hariri à ce parti avant sa désignation pour la formation du cabinet.
Abbas Ibrahim avait commencé par soumettre cette proposition au président Michel Aoun qui l’avait acceptée. Il l’avait ensuite soumise au président du Conseil désigné qui lui l’avait rejetée, à cause justement du portefeuille de l’Intérieur.
Le chef druze Walid Joumblatt, qui suit de près les tractations et qui veut pousser vers une formation rapide de l’équipe ministérielle en raison de la gravité de la crise, aurait été dérangé par ce refus. Il aurait essayé de solliciter l’aide du président de la Chambre Nabih Berry. En même temps, les Français, qui suivent aussi de près le dossier gouvernemental, ont été alertés, dans l’idée qu’ils puissent user de leur influence pour pousser les différentes parties à s’entendre. Les autorités françaises concernées ont aussitôt contacté les différentes parties pour connaître les détails des négociations. Les appels téléphoniques se sont ainsi multipliés entre les parties françaises et les différents acteurs libanais.
Selon les sources précitées, le Premier ministre désigné aurait estimé injuste d’être présenté comme celui qui refuse les propositions de conciliation. C’est pourquoi il aurait publié, alors qu’il était déjà aux Émirats arabes unis, un violent communiqué à l’encontre du chef de l’État, du courant aouniste... et du Hezbollah.
Toujours selon les mêmes sources, et en dépit des termes violents figurant dans ce communiqué, le texte comportait en réalité une confirmation indirecte des faits rapportés. En effet, Saad Hariri affirme ainsi ne pas avoir été notifié officiellement de l’acceptation par le président de la République de la proposition du général Ibrahim. Mais cela signifie qu’il en a été informé au moins officieusement. De plus, Abbas Ibrahim est officiellement en charge du dossier des médiations entre les différentes parties et on voit mal comment il aurait pu faire état de l’aval du chef de l’État s’il ne l’avait pas obtenu.
Le Premier ministre désigné ne s’est pas toutefois contenté de cet argument. Il a aussi affirmé, pour justifier son rejet de la proposition, que si le groupe parlementaire aouniste ne compte pas accorder la confiance au gouvernement ainsi formé, il ne voit pas la nécessité de donner au chef de l’État 6 ministres. Celui-ci devrait donc se contenter d’en avoir 3, comme cela se passait dans les précédents mandats depuis Taëf. Ce qui signifie quelque part qu’un nouveau problème est ainsi soulevé. D’abord, depuis sa désignation, Saad Hariri n’a cessé de réclamer la non-intervention de Gebran Bassil dans le processus de formation du gouvernement, allant même jusqu’à dire qu’il ne veut pas négocier avec « le président de l’ombre ». Or, dans cette proposition, le chef du Courant patriotique libre est totalement exclu et il a lui-même annoncé qu’il ne sera pas dans ce gouvernement et que lui et son groupe ne lui accorderaient pas la confiance. Pourquoi vouloir donc l’impliquer de nouveau ?
De plus, le fait de soulever cette nouvelle question pourrait confirmer le sentiment chez certaines parties que Saad Hariri cherche à gagner du temps, dans l’attente d’un développement extérieur... Justement à ceux qui sous-entendent qu’il attend l’aval de l’Arabie saoudite, le président du Conseil désigné a déclaré, dans le même communiqué, qu’il n’attend nullement la bénédiction du royaume saoudien et qu’il n’est pas comme le Hezbollah, soumis à une décision extérieure...
Or c’est la première fois depuis sa désignation le 22 octobre dernier que Saad Hariri s’en prend directement au Hezbollah. Pour les parties proches du CPL, c’est la confirmation du fait que le vrai problème dans la formation du gouvernement est là.
Ce qui est sûr, c’est que toutes ces attaques réciproques, par communiqués et sources interposés, montrent que la voie de la formation du gouvernement n’est pas encore praticable. Mais c’est dans ce tableau sombre que Walid Joumblatt a lancé une nouvelle proposition, qui pourrait ouvrir une brèche dans le dossier gouvernemental. Il s’est déclaré prêt à accepter un gouvernement de 20 (où il y aurait deux ministres druzes, un qu’il choisirait et le second qu’il pourrait avoir en commun avec l’émir Talal Arslane). De nouvelles perspectives se profilent ainsi à l’horizon, mais il faudrait que les autres parties soient prêtes à les examiner...
Oh que c’est beau MGMTR. Merci de l’avoir retranscrit. Si tous les libanais avaient la possibilité de lire ce qui a été écrit pour se relever comme un seul homme au chevet de leur pays agonisant pour le sauver des griffes de ces impitoyables barbares qui continuent de mordre dans sa chair, ce sera un vrai miracle et notre pays vaut la peine d’un miracle pour le ressusciter.
18 h 06, le 08 mars 2021