C’est avec un réalisme nourri aux expériences du passé qu’un dialogue direct devrait se renouer entre Bkerké et le Hezbollah, pour lequel une date doit encore être fixée, affirme une source proche du siège patriarcal. Ce dialogue, rendu nécessaire par le tollé soulevé après les récentes prises de position du patriarche maronite, notamment lors du rassemblement de Bkerké samedi dernier, réunira, côté chrétien, Mgr Samir Mazloum, vicaire patriarcal maronite, et Harès Chéhab, président du comité national pour le dialogue islamo-chrétien, et du côté du Hezbollah, Mohammad Saïd Khansa et Moustapha Hage Ali, tous deux membres du bureau politique du parti chiite. Le patriarche Béchara Raï, qui appelle depuis quelques semaines à l’organisation d’une conférence internationale sous l’égide de l’ONU pour se pencher sur la crise au Liban et défend le principe de neutralité auquel il souhaite désormais conférer un caractère constitutionnel, a prononcé un discours virulent samedi dernier à l’encontre de ceux qui « paralysent les institutions » du pays, dénonçant sans détour le principe de « deux pouvoirs au sein d’un même État » et l’arsenal du Hezbollah.
Ce discours a été vivement critiqué dans les milieux proches du Hezbollah et a réveillé de vieux démons auprès du public du parti chiite. Une source proche du Hezbollah, citée par l’analyste Kassem Kassir, indique que la rencontre entre les deux parties se tiendra la semaine prochaine, probablement mercredi. Selon la même source, la communication entre le siège patriarcal et le Hezbollah n’a « jamais été interrompue, mais elle s’était limitée depuis quelque temps à des entretiens téléphoniques, en raison de la pandémie. Les nouvelles propositions du patriarche et le rassemblement de Bkerké ont toutefois rendu le contact direct nécessaire, et à la suite d’un entretien entre Mohammad Khansa et Harès Chéhab, il a été convenu d’un rendez-vous ».
Selon M. Kassir, les positions du secrétaire général du Hezbollah, qui avait assimilé dans son dernier discours l’appel à une internationalisation du dossier libanais à une déclaration de guerre, « ont été mal entendues et interprétées comme étant dirigées contre le patriarche maronite. En réalité, il n’en est rien, et le parti de Hassan Nasrallah, qui nourrit envers le chef de l’Église maronite et ce qu’il représente tout le respect qui leur est dû, souhaite expliciter son propre point de vue sur les sujets soulevés, apaiser et rétablir la communication avec le siège patriarcal, et passer de la controverse au dialogue ».
Points de vue diamétralement opposés
Une source au courant des détails du dialogue attendu affirme néanmoins ne pas comprendre comment les points de vue diamétralement opposés, exprimés au préalable par le patriarche maronite et le commandement du Hezbollah, peuvent désormais converger, notamment en ce qui concerne la « neutralité positive » du Liban ou encore la tenue d’une conférence internationale parrainée par l’ONU pour redéfinir la place de ce pays sur la carte géopolitique. Pour la source précitée, « s’il faut agir, c’est maintenant ou jamais. On a trop attendu. Il n’est plus permis de patienter. Devant cette déroute totale, il est temps que le peuple se ressaisisse ».
Pour sa part, une source ecclésiastique précise : « Dans un monde interconnecté, il y a différentes manières de comprendre ce que le patriarche recherche quand il réclame une conférence internationale sous l’égide de l’ONU. Avec l’initiative française et la conférence CEDRE, le Liban est déjà engagé dans une sorte de processus d’internationalisation, indispensable pour le dégager de la crise économique et financière qui l’étouffe. Le recours à une conférence internationale devrait être compris moins comme une ingérence que comme une assistance à un pays ami en danger. » Et la source ecclésiastique de relever qu’en s’adressant, en février dernier, aux membres du corps diplomatique accrédités auprès du Saint-Siège, le pape François avait souhaité « un engagement politique national et international renouvelé pour favoriser la stabilité du Liban ». Il a par conséquent appelé la communauté internationale à prendre plus d’initiatives diplomatiques en ce sens, ou à s’abstenir d’initiatives qui « affaibliraient la communauté chrétienne et risqueraient de détruire l’équilibre interne et la réalité libanaise ». On peut également citer ces paroles du pape, prononcées à la même occasion, enchaîne la source ecclésiastique : « Il est plus que jamais nécessaire que le pays garde son identité unique, pour assurer l’existence d’un Moyen-Orient pluriel, tolérant et divers, où la présence chrétienne peut offrir sa contribution et n’est pas réduite à une minorité qu’il faut protéger. »
Critiques iraniennes
Enfin, citant le discours patriarcal du samedi 27 février, la source ecclésiastique y voit « un autre point de convergence entre le chef de l’Église maronite et le pape François ». « Nous sommes nés, a dit le patriarche, pour vivre sur les champs de la paix permanente, non sur les champs de la bataille permanente. Les problèmes de tous les peuples sont devenus solvables grâce au dialogue, à la négociation et à des relations pacifiques (…). Le message du Liban est d’être un exemple de relations humaines pacifiques », poursuit cette source. « Je perçois là un important point de convergence avec un passage de la dernière encyclique, “Fratelli tutti”, dans laquelle le pape François déclare : “Nous ne pouvons donc plus penser à la guerre comme une solution, du fait que les risques seront probablement toujours plus grands que l’utilité hypothétique qu’on lui attribue. Face à cette réalité, il est très difficile aujourd’hui de défendre les critères rationnels, mûris en d’autres temps, pour parler d’une possible guerre juste. Jamais plus la guerre ! Toute guerre laisse le monde pire que dans l’état où elle l’a trouvé. La guerre est toujours un échec de la politique et de l’humanité, une capitulation honteuse, une déroute devant les forces du mal.” » Et de conclure : « Nous sommes là devant deux cultures qu’il est impossible de concilier, et les accusations imputant au patriarche la volonté de normaliser les rapports avec Israël n’ont bien entendu pas manqué. »
La source fait allusion aux accusations lancées contre le patriarche dans un article paru sur le site électronique d’une chaîne iranienne, al-Aalam, qui critiquait avec une violence particulière les propos de Mgr Raï au sujet des armes du Hezbollah et des relations avec Israël. L’article a même accusé le prélat de collaboration. La Ligue maronite a demandé au ministre sortant des Affaires étrangères, Charbel Wehbé, de convoquer l’ambassadeur d’Iran pour protester contre cet article. Le leader des Forces libanaises, Samir Geagea, a lui aussi contre-attaqué hier, lors d’une conférence virtuelle, en qualifiant d’« inacceptables » les propos de la chaîne iranienne. « Le patriarche Raï n’est pas que le patriarche des maronites, mais le patriarche de tout le Liban », a-t-il asséné.
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Voilà pourquoi St. Paul disait également « Je vous cracherais de ma bouche si vous êtes tiède. Ou vous êtes chaud ou froid mais jamais ne devenez TIÈDE «
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15 h 46, le 06 mars 2021