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Moyen-Orient - Éclairage

Entre Washington et Riyad, l’impossible rupture

Unis par des intérêts communs en matière de pétrole et de sécurité depuis 1945, les États-Unis et l’Arabie saoudite ont connu de nombreuses crises, sans jamais mettre un terme à leur alliance.

Entre Washington et Riyad, l’impossible rupture

Donald Trump et son épouse Melania sont accueillis avec faste par le roi Salmane d’Arabie saoudite au palais royal saoudien, à Riyad, le 20 mai 2017. Photo d’archives AFP/Palais royal saoudien

Ce 20 mai 2017, sur le tarmac de l’aéroport du roi Khaled à Riyad, où le tapis rouge a été déroulé pour l’occasion, Donald Trump et sa délégation sont reçus en grande pompe par le roi Salmane. En choisissant Riyad comme destination pour son premier voyage à l’étranger, le président républicain entend montrer que sa politique étrangère sera placée sous le signe d’une coopération étroite avec l’Arabie saoudite. Pendant quatre ans, c’est le retour à l’âge d’or de l’alliance entre l’Oncle Sam et le royaume wahhabite. Une parenthèse enchantée pour l’Arabie, après deux mandats compliqués sous l’ère Obama, avant un dur retour à la réalité. Pour les démocrates américains, le temps où le royaume était considéré comme un allié à choyer est désormais terminé. L’heure est au « recalibrage ».

En à peine plus d’un mois, Joe Biden a appelé à la « fin » de la guerre au Yémen, où l’Arabie saoudite mène une coalition contre les rebelles houthis soutenus par l’Iran, suspendu les ventes d’armes en cours à Riyad et Abou Dhabi, retiré les rebelles yéménites de sa liste des « organisations terroristes » et ordonné la publication d’un rapport déclassifié du renseignement américain accusant Mohammad ben Salmane d’avoir « validé » l’assassinat du journaliste et dissident saoudien Jamal Khashoggi, en 2018. Il y a une dizaine de jours, la Maison-Blanche a également indiqué que le président Biden entendait communiquer avec le roi Salmane, un homme de 85 ans à la santé fragile, plutôt qu’avec le prince héritier saoudien, tout en autorisant le secrétaire à la Défense américain à traiter avec MBS en tant que ministre de la Défense. « L’annonce du président permet de préserver les relations militaires entre Washington et Riyad, mais elles ne sauraient remplacer celles de président à roi, qui constituent depuis longtemps le lien le plus important entre les deux pays. Cette relation vieille de 75 ans vient d’entrer dans des eaux inconnues », commente David Ottaway, spécialiste de l’Arabie saoudite au Wilson Center de Princeton University.

Pacte de Quincy

De là à y voir la pire crise que traversent les deux alliés depuis des décennies, il n’y a qu’un pas qu’il est encore trop tôt à franchir. Si les récents événements ont jeté un froid sur les relations entre les deux pays, le partenariat stratégique entre Riyad et Washington, qui remonte aux années 1940, a connu de nombreuses tensions par le passé.

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Tout commence au début des années 1930. Alors que l’Arabie saoudite se met à explorer et à produire du pétrole à des fins commerciales, le royaume octroie une concession à la société américaine Standard Oil of California afin d’explorer l’oasis d’al-Hassa, située dans le désert de la province orientale d’ach-Charqiya, à la recherche de pétrole. En 1938, les États-Unis font une découverte fructueuse en tombant sur de vastes réserves d’or noir. « Le roi Abdelaziz ben Abderrahmane al-Saoud, alias Ibn Saoud, a favorisé les Américains au détriment des Britanniques. Leur alliance a été scellée lorsque le président Roosevelt a rencontré Ibn Saoud sur un navire de guerre américain dans le canal de Suez, en Égypte. Les États-Unis voulaient avoir accès au pétrole. Ibn Saoud voulait une protection contre le communisme d’abord, puis le républicanisme arabe », note Simon Henderson, du cercle de réflexion Washington Institute for Near East Policy. Le 14 février 1945, en vertu du pacte de Quincy conclu pour 60 ans entre les deux pays sur le croiseur USS Quincy, le président démocrate se serait ainsi engagé à assurer une protection militaire à l’Arabie saoudite contre ses rivaux de l’époque, l’Égypte, la Jordanie ou encore l’Iran, en échange d’un accès privilégié au pétrole.

« Je constate que la défense de l’Arabie saoudite est vitale pour la défense des États-Unis », déclarait Franklin D. Roosevelt déjà deux ans plus tôt. Si certains observateurs, à l’image de l’historien français Henry Laurens, estiment que ce pacte serait en réalité une légende urbaine, la question du pétrole ayant déjà été réglée avant, cette rencontre n’en constitue pas moins un tournant dans l’histoire des relations américano-saoudiennes. À cette occasion, les deux pays prévoient de nombreuses dispositions sécuritaires et aides militaires qui seront mises en œuvre dès les années 1950. Mais une contrainte de taille à ce soutien militaire vient contrecarrer les plans saoudiens. Dès les années 1960, les États-Unis appliquent la politique du « Qualitative military edge » (QME) – « avantage militaire qualitatif » – à l’égard de l’État d’Israël, créé en 1948. En vertu de cette doctrine, gravée dans la loi américaine en 2018, Washington s’engage à maintenir la supériorité technologique de l’État hébreu au Moyen-Orient. Les administrations successives prennent désormais soin d’évaluer leur aide aux pays du Golfe, comme l’illustre la question actuelle des chasseurs furtifs américains de dernière génération F-35, réclamés de longue date par Riyad et octroyés à Abou Dhabi sous Donald Trump à la suite de la normalisation des relations entre les EAU et Israël, l’été dernier. Première puissance, en dehors des États-Unis, à disposer d’un escadron entièrement composé de ces avions de chasse dans le but premier de faire face à la menace iranienne, l’État hébreu avait fermement condamné à l’époque cette acquisition par Abou Dhabi. Malgré la protection américaine accordée à son allié israélien, Riyad n’en reste pas moins un partenaire incontournable dans de nombreux domaines, notamment à l’échelle économique, alors que le royaume occupe une place de premier plan sur le marché mondial du pétrole. Cependant en 1973, le soutien infaillible des États-Unis porté à la défense d’Israël coûte cher au partenariat américano-saoudien, qui connaît alors sa première grande crise. Le 16 octobre, dix jours après le début de la guerre du Kippour, les pays arabes regroupés au sein de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) dirigés par Riyad, décident de protester contre l’approvisionnement américain en armement à l’État hébreu, attaqué par une coalition égypto-syrienne soutenue par les Soviétiques. L’OPEP augmente alors de 70 % le prix du brut et impose un embargo de plusieurs mois à Washington. « L’augmentation des prix du pétrole a valu au royaume des revenus supplémentaires, qui ont été dépensés en armes américaines », observe Simon Henderson. À la suite de cette crise, l’administration américaine réalise sûrement le rôle-clé de l’Arabie saoudite en tant que « swing producer », une puissance possédant une grande capacité de production et le pouvoir d’influencer les prix et d’équilibrer les marchés pétroliers. Au fil des années, le partenariat entre Riyad et Washington évolue et s’avère peu à peu crucial en matière de sécurité et de lutte contre le terrorisme. Signe de la coopération particulièrement étroite entre les deux puissances, le roi Fahd d’Arabie saoudite, au pouvoir de 1982 à 1995, avait même déclaré : « Après Allah, nous pouvons compter sur les États-Unis. »

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Le royaume le lui a bien rendu. En août 1990, lors de l’invasion du Koweït par l’Irak de Saddam Hussein, l’Arabie saoudite, où l’émir koweïtien et sa famille ont trouvé refuge, autorise le président américain George Bush à déployer près de 500 000 soldats sur son sol. L’Arabie saoudite servira désormais de base aux troupes de la coalition internationale, menée par les États-Unis. À la suite de la guerre du Golfe, alors que l’Irak est déclaré « zone d’exclusion aérienne » par les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France, qui se retire en 1996, des intégristes saoudiens mènent deux attentats anti-américains dans le royaume en réaction à cette résolution. Ces événements officialisent le début de la lutte antiterroriste commune à Washington et Riyad. Mais à peine une décennie plus tard, les attentats du 11 septembre 2001, revendiqués par el-Qaëda, viennent ébranler la relation américano-saoudienne. L’opinion publique américaine apprend alors que 15 des 19 pilotes impliqués sont de nationalité saoudienne et que le commanditaire de l’opération, Oussama Ben Laden, est lui-même issu d’une famille prospère du royaume. Si Riyad dénonce ces attaques, le pays est accusé de financer en coulisses l’extrémisme islamiste au service du wahhabisme. Le partenariat noué entre les deux puissances subit un de ses plus gros revers, alors que Washington décide d’évacuer d’Arabie saoudite le reste de son contingent militaire et de transférer au Qatar le QG de ses forces aériennes dans le Golfe. « Nous avons connu des hauts et des bas dans nos relations avec l’Arabie saoudite, mais ce qui les a généralement sauvées étaient nos intérêts et nos ennemis communs, ici el-Qaëda », note Robert Jordan, ancien ambassadeur des États-Unis dans le royaume, de 2001 À 2003. Malgré le retentissement à Washington de l’implication de plusieurs terroristes saoudiens dans ces attentats, l’alliance entre les deux puissances n’est pas remise en question au vu des avantages qu’elle recouvre. « Nous pouvons nous passer du partenariat avec Riyad mais cela serait très difficile compte tenu de l’importance de ce pays pour notre développement économique au Moyen-Orient, la stabilisation des marchés pétroliers ainsi que sa place dans le monde musulman », ajoute Robert Jordan. « En tant que berceau de l’islam, le royaume a une influence sur un milliard de musulmans », estime pour sa part l’analyste saoudienne Najah al-Otaibi, qui ajoute que Riyad « a travaillé avec succès avec tous les présidents américains, républicains comme démocrates. Nous avons vu par le passé que l’Arabie saoudite n’était pas particulièrement d’accord avec certaines des politiques d’Obama mais les deux pays sont restés de solides alliés ».

Droits de l’homme

Parmi ces désaccords, les négociations menées entre autres par l’administration Obama avec l’Iran sur la question de son programme nucléaire. Accueillies avec méfiance par Riyad, son principal rival dans la région, celles-ci aboutissent en 2015 à l’accord de Vienne, contrôlant le programme nucléaire iranien en échange de la levée des sanctions économiques qui touchent Téhéran. La même année, la coalition militaire conduite par Riyad et ses alliés au Yémen contre les rebelles houthis, soutenus par l’Iran, suscite la critique des démocrates qui l’accusent de violation des droits de l’homme. Des reproches qui rejaillissent sur l’administration américaine, qui facilite depuis des années des dizaines d’accords d’armes avec Riyad. Ces accusations seront de nouveau adressées au royaume en 2018, lors de l’assassinat du journaliste et dissident saoudien Jamal Khashoggi, dans le consulat de son pays en Turquie. Alors que républicains comme démocrates s’unissent au Congrès pour interdire par la loi la participation de Washington à la guerre au Yémen, à travers la vente d’armes et le soutien apporté à Riyad, Donald Trump y met son veto. Tout au long de son mandat, le républicain accorde un chèque en blanc à l’Arabie saoudite et noue une relation personnelle privilégiée avec le prince héritier saoudien. Jusqu’à ordonner, en 2019, à la CIA de ne pas publier un rapport déclassifié, mettant en avant le rôle de MBS dans l’assassinat du critique saoudien. « J’ai sauvé sa peau », déclare même Donald Trump lors d’une interview. Si l’alliance américano-saoudienne permet aux deux pays de faire front commun face à Téhéran, l’absence de riposte américaine après des attaques de drone menées par l’Iran en septembre 2019 contre des installations pétrolières de la compagnie Aramco, en Arabie saoudite, a été vécue comme un coup dur par le royaume. D’une envergure sans précédent, ces frappes ont entraîné une chute de moitié de la production saoudienne de pétrole, soit près de 6 % de l’approvisionnement mondial. En visant ces installations, Téhéran semblait deviner que l’administration Trump ne risquerait pas une guerre régionale pour protéger son approvisionnement en or noir saoudien. Le pays semble être cependant de moins en moins dépendant du pétrole du royaume. Initiée sous l’ère Obama, l’exploration du gaz de schiste permet à Washington de produire assez d’énergie pour s’alimenter sans l’aide d’une tierce puissance. Pour la première fois depuis 1940, les États-Unis ont exporté en 2019 plus de pétrole qu’ils en ont importé. « Sur les trois dernières années, sous mon leadership, notre économie est plus forte que jamais auparavant. L’Amérique a accompli son indépendance énergétique. Ces accomplissements historiques changent nos priorités stratégiques », avait déclaré Donald Trump en janvier 2020. Mais comme l’ont montré les précédents chocs pétroliers, le pétrole saoudien reste cependant essentiel pour la stabilité de l’économie mondiale, elle-même vitale pour les États-Unis. Après un mandat largement favorable à Riyad sous l’administration Trump, l’arrivée de Joe Biden à la Maison-Blanche a déjà changé la donne. Malgré les récentes annonces du démocrate, peu d’observateurs parient sur la fin du partenariat américano-saoudien. L’incertitude plane cependant sur la forme que prendra ce dernier. « La Maison-Blanche a-t-elle une définition de ce à quoi devrait ressembler la relation recalibrée ? Les hauts fonctionnaires ont-ils planifié comment y arriver ? », s’interroge Simon Henderson. « Nombreux » sont ceux en Arabie saoudite à souhaiter une normalisation avec Israël, a soutenu l’ancien chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo dans un discours que l’AFP s’est procuré ce dimanche. Aux yeux de Riyad, la normalisation de ses relations avec Tel-Aviv serait sûrement le moyen de marquer des points importants vis-à-vis de la nouvelle administration américaine.

Ce 20 mai 2017, sur le tarmac de l’aéroport du roi Khaled à Riyad, où le tapis rouge a été déroulé pour l’occasion, Donald Trump et sa délégation sont reçus en grande pompe par le roi Salmane. En choisissant Riyad comme destination pour son premier voyage à l’étranger, le président républicain entend montrer que sa politique étrangère sera placée sous le signe d’une...
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MON COMMENTAIRE DIT QUE LA POLITIQUE EST MUE PAR LES INTERETS ET NON PAR LES SENTIMENTS. RIEN D,AUTRE. QU,AVEZ-VOUS TROUVE D,INSULTE, PSEUDO DEMOCRATES ET DEFENSEURS DE LA LIBRE EXPRESSION DE L,OLJ, POUR LE CENSURER ?

LA LIBRE EXPRESSION SE DECONNECTE

11 h 45, le 02 mars 2021

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Commentaires (1)

  • MON COMMENTAIRE DIT QUE LA POLITIQUE EST MUE PAR LES INTERETS ET NON PAR LES SENTIMENTS. RIEN D,AUTRE. QU,AVEZ-VOUS TROUVE D,INSULTE, PSEUDO DEMOCRATES ET DEFENSEURS DE LA LIBRE EXPRESSION DE L,OLJ, POUR LE CENSURER ?

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    11 h 45, le 02 mars 2021

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