
Des Libanais manifestant à Beyrouth le 4 novembre 1989 après la signature de l'accord de Taëf en Arabie saoudite. Photo d'archives JOSEPH BARRAK/AFP/Getty Images
Ceux qui ont suivi les deux interventions télévisées du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, mardi dernier, puis du chef du Courant patriotique libre (CPL), Gebran Bassil, dimanche, ont vite fait de déceler dans le discours de l’un et de l’autre des messages trahissant une divergence fondamentale entre les deux hommes autour du concept de leadership dans le pays, à partir de la lecture que chacun d’eux a donné de la minorité de blocage.
Mine de rien, les deux hommes se sont livrés à ce sujet à une partie de ping-pong au cours de laquelle chacun a essayé de marquer le plus de points possible et d’imposer indirectement ses vues en ce qui concerne l’équilibre au niveau du pouvoir. Pour Gebran Bassil, il s’agit d’appliquer la parité islamo-chrétienne dans le sens étroit du terme, alors que le tandem chiite s’accroche au principe sacro-saint à ses yeux du partage par tiers, en lieu et place de la parité, d’où son attachement au ministère des Finances dont la signature fait de lui un partenaire à part entière avec le président de la République maronite et le Premier ministre sunnite, au niveau de la gestion des affaires publiques et des décisions officielles de première importance.
À l’heure où des changements politiques substantiels sont constatés dans la région, le Hezbollah essaie de préserver ses acquis obtenus à la faveur de l’accord de Doha (2008), qui avait consacré le principe des trois tiers au Liban et pavé la voie à l’élection d’un président de la République. À ce sujet, une figure de l’opposition, citant un responsable arabe, souligne que « la chute des effets de l’entente de Doha au sujet du Liban a été une des clauses soulevées lors de la réconciliation saoudo-qatarie » en janvier dernier. Lors de sa récente visite au Liban, le 9 février, le ministre qatari des Affaires étrangères, Mohammad ben Abdel Rahmane al-Thani, avait d’ailleurs répondu évasivement à une question de la presse à ce sujet. Il avait aussi indiqué en substance que même si le Liban est aujourd’hui plongé dans une nouvelle crise institutionnelle, un Doha 2 n’a pas lieu d’être. Un message que la formation chiite a bien capté et qui a ainsi fait dire à Hassan Nasrallah mardi dernier qu’« un parti ne peut pas détenir à lui seul le tiers de blocage » et que « dans les précédents gouvernements, celui-ci était détenu par un camp politique ».
De son côté, Gebran Bassil se cache derrière l’entente de Taëf pour réclamer la minorité de blocage, accordée selon lui au président de la République pour assurer l’équilibre au sein de l’autorité exécutive, à partir du moment où ce dernier a été dépossédé de certaines de ses prérogatives. Le chef du CPL se fonde dans sa position sur l’ouvrage consacré par l’ancien chef des Kataëb Georges Saadé à l’accord de Taëf et dans lequel celui-ci écrit « que le tiers est accordé au président de la République et à aucune autre composante, pour assurer l’équilibre face au chef du gouvernement ». Une lecture que le Hezbollah conteste dans la mesure où elle rejoint les analyses de ceux qui estiment que l’accord de Doha ne tient plus et que le principe du partage du pouvoir par trois tiers au lieu de la parité n’a aucune raison d’être d’autant qu’il ne repose sur aucun texte, contrairement à la parité islamo-chrétienne consacrée dans le texte de la Constitution issue de Taëf.
C’est dans cet ordre d’idées qu’il faut situer l’attachement du Premier ministre désigné Saad Hariri – réaffirmé ouvertement dans son discours du 14 février – à la parité islamo-chrétienne et son refus d’accorder la minorité de blocage à une partie déterminée, quelle qu’elle soit. Saad Hariri fonde ses positions sur l’accord de Taëf, une carte qu’il joue pour s’assurer évidemment que son gouvernement dit de mission pourra travailler sans être sous la menace permanente d’un blocage de ceux qui veulent imposer leur volonté, mais aussi pour rétablir les ponts avec l’Arabie saoudite, qui avait parrainé comme on le sait l’accord de Taëf, comme cadre de règlement pour le conflit libanais en 1989.
À ce sujet, un diplomate occidental rappelle que c’est l’Iran qui avait en premier abordé la question du partage du pouvoir par tiers avec la France, à la faveur de la visite d’un responsable français à Téhéran en 2007, pour discuter avec les Iraniens des sorties de crise possibles à l’impasse institutionnelle dans laquelle le Liban était plongé depuis 2006. C’était avant la conférence de La Celle-Saint-Cloud, en France.
Après avoir réussi à imposer l’octroi du portefeuille des Finances aux chiites, sans que la France, engagée en faveur d’un règlement au Liban et de la formation d’un gouvernement « de mission » composé de spécialistes non partisans, ne s’y oppose, le Hezbollah veut donc consacrer le principe du partage par tiers et préserver la minorité de blocage à travers le camp aouniste. Aussi voit-il d’un mauvais œil l’insistance de Gebran Bassil pour avoir à lui seul ce privilège. De sources de l’opposition, on indique que la formation chiite ne peut pas céder sur ce point, après avoir réussi à s’imposer au plan local comme « un nouveau Anjar », en référence au rôle qu’assumaient les services de renseignements syriens dont le quartier général était établi dans cette localité de la Békaa, à partir de laquelle ils contrôlaient, durant l’occupation syrienne, tous les rouages de la vie politique, administrative et sécuritaire au Liban. Avec le départ des Syriens en 2005, le Hezbollah a réussi à jouer ce même rôle, notamment à partir du moment où il a décidé de s’impliquer à fond dans la vie politique libanaise, après avoir confié pendant des années ce rôle à son allié, le mouvement Amal.
La question est aujourd’hui de savoir qui, dans cette bataille de vie ou de mort autour des équilibres politiques, aura le dernier mot ?
Ceux qui ont suivi les deux interventions télévisées du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, mardi dernier, puis du chef du Courant patriotique libre (CPL), Gebran Bassil, dimanche, ont vite fait de déceler dans le discours de l’un et de l’autre des messages trahissant une divergence fondamentale entre les deux hommes autour du concept de leadership dans le pays, à...
commentaires (8)
hezb remplace anjar par la grace de aoun-fev 2006 mar mikhael-. a part l'evidence que cet accord faisait l'affaire des 2 parties, hezb a t il berne aoun ? aoun pensait il berner hezb ? les voila qui se crepent le chignon 15 ans apres. le probleme est que c'est a nos depens !
Gaby SIOUFI
11 h 49, le 24 février 2021