La bataille pour la défense des « prérogatives chrétiennes » ne semble pas intéresser outre mesure les partis politiques... chrétiens – hors Courant patriotique libre – sur la scène politique libanaise. C’est le constat que l’on pouvait tirer hier, au lendemain d’une nouvelle passe d’armes entre le camp du président de la République Michel Aoun et le Premier ministre désigné Saad Hariri. Ce dernier a estimé dimanche, dans un discours à l’occasion de la commémoration de l’assassinat de Rafic Hariri, avoir toujours défendu les droits des chrétiens en réponse aux accusations du camp adverse qui considère qu’il tente de les minimiser dans les tractations actuelles sur la formation du futur cabinet. Si le leader druze Walid Joumblatt a clairement pris position dès dimanche soir en faveur du chef du courant du Futur, le soutenant dans sa bataille contre le mandat Aoun, les Kataëb, les Forces libanaises et les Marada ont préféré s’abstenir de prendre parti avec l’un ou l’autre camp, même s’ils sont plus enclins à croire la version livrée par Saad Hariri. Les trois formations chrétiennes disent préférer se tenir à distance d’une polémique qui, d’après eux, commence à friser le ridicule. Le temps n’est plus aux alignements politiques ni à l’arbitrage en faveur de l’un ou l’autre mais à la sauvegarde d’un navire qui coule, font-ils valoir, chacun dans un style différent.
« Pour nous, le problème n’est pas chez Saad Hariri mais clairement dans le camp du président. Mais en quoi cela peut nous avancer si l’un gagne une manche par rapport à l’autre ? La question est de voir comment sortir le pays de l’abîme », commente un cadre FL. Il rejoint tous ceux qui pensent qu’entre Michel Aoun et Saad Hariri, le divorce est désormais irrémédiable. « À supposer qu’ils puissent se mettre d’accord – une hypothèse de moins en moins plausible –, comment pourront-ils réussir à cohabiter et à travailler ensemble ? La crise de confiance est telle que le retour en arrière est difficile », selon ce cadre.
« Accouru au secours de Hassane Diab »
C’est un son de cloche similaire que l’on entend chez les Kataëb, qui avaient appelé dès les prémices de la révolution d’octobre à une consultation populaire anticipée, en se rangeant très tôt déjà dans l’opposition. Dans les rangs du parti de Samy Gemayel, on refuse de s’immiscer dans cette polémique. « Toute bataille menée au nom des prérogatives du président chrétien ou, pire encore, du droit de ces derniers au sein du futur cabinet n’est que de la poudre aux yeux », estime un responsable au sein du parti. Constatant que le chef de l’État et son camp politique se trouvent aujourd’hui dans une impasse, ayant perdu le soutien d’une large partie de sa base, le responsable du parti Kataëb affirme que le recours à la « démagogie » et au « populisme » est devenu leur planche de salut.
En défendant avec tant d’acharnement les droits de leur communauté, « ils cherchent à aiguiser les sensibilités communautaires pour restaurer leur image sérieusement écornée », commente-t-il. Sauf que, ajoute-t-il, cette méthode n’est pas l’apanage du Courant patriotique libre, mais une arme dont les partis sunnites et chiites ont également abusé. Il cite à ce titre la réaction éminemment communautaire de Saad Hariri qui « avait accouru au secours de Hassane Diab », le Premier ministre démissionnaire, lorsque ce dernier avait été inculpé par le juge Sawan dans l’affaire de l’explosion du port. Ou encore l’insistance du tandem chiite à monopoliser le portefeuille des Finances à vie.
Plus nuancée, la position des Marada tend à faire assumer la responsabilité de ces tiraillements au président et à son camp, et à épargner le Premier ministre désigné. Le prétexte de la défense des droits des chrétiens, les Marada n’y croient pas une seule seconde. « Que l’on m’explique donc comment l’obtention d’un septième ministre, au lieu de six, va profiter aux chrétiens dont une large frange est aujourd’hui encerclée par la pauvreté », s’interroge un responsable chez les Marada. Prétendre aujourd’hui défendre les droits des chrétiens à un moment aussi sensible de l’histoire du pays est, dit-il, dangereux. « C’est jouer avec le feu et avec le destin du pays », insiste la source précitée. Un jeu d’autant plus pernicieux, font valoir les Marada, que plus personne n’est dupe de ce qui se cache derrière la volonté du camp présidentiel de contrôler les rouages du futur cabinet. « Le tiers de blocage souhaité ne sert qu’à défendre les droits des aounistes et non des chrétiens et à protéger les arrières du gendre (Gebran Bassil) une fois qu’expirera le mandat de Michel Aoun », martèle le responsable.
commentaires (19)
Grand temps que l’opposition s’unisse pour libérer Baabda et donc le Liban des mains de ces traitres.
CW
10 h 20, le 18 février 2021