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Moyen-Orient - Analyse

La fin de la partition de la Libye n’est pas pour demain

En consacrant la victoire d’une liste inattendue, les résultats du scrutin de vendredi semblent avoir précipitamment enterré les espoirs d’un processus de réconciliation nationale entre l’est et l’ouest du pays.

La fin de la partition de la Libye n’est pas pour demain

Des Libyennes manifestent contre la partition du pays. « Ni Est ni Ouest, unité nationale pour la Libye. » Mahmud Turkia/AFP

Vendredi, dans un lieu secret de la banlieue de Genève : l’avenir politique de la Libye se (re)joue, dans les urnes, sous l’œil fébrile des observateurs internationaux. L’enjeu du scrutin est élevé : il s’agit de doter le pays d’un nouveau gouvernement d’union nationale après plus de six ans de conflit entre les autorités rivales de Tobrouk, à l’Est, et de Tripoli, à l’Ouest. Scénario inédit dans l’histoire récente du pays : la communauté internationale n’a plus accordé de légitimité à un gouvernement libyen depuis 2016. Depuis, une guerre fratricide divise le pays entre l’Est, dominé par les forces du maréchal Khalifa Haftar, et l’Ouest, où siège le gouvernement de Fayez el-Sarraj. Le pays, qui fêtera à la fin du mois le 10e anniversaire du soulèvement contre Mouammar Kadhafi, puis en décembre les 70 ans de son indépendance, est progressivement devenu le symbole d’un triple échec : le rendez-vous manqué des soulèvements populaires du printemps arabe ; l’impuissance des institutions internationales à favoriser une transition démocratique ; l’enlisement d’une nation dans un conflit fratricide la conduisant au bord de l’implosion territoriale, politique et économique.

Pourtant, des signes encourageants s’étaient accumulés au cours des derniers mois, laissant espérer sinon un dénouement, du moins une issue provisoirement apaisée au conflit libyen. En juin, le front militaire autour de la ville de Syrte et du stratégique croissant pétrolier se stabilisait. Soutenues par l’intervention turque, les forces du gouvernement de Tripoli parvenaient à contenir l’offensive du maréchal Haftar entamée en avril 2019. Un premier accord est signé le 21 août entre les autorités rivales, marquant l’arrêt des combats. Il est conforté par l’accord de cessez-le-feu du 23 octobre, signé à Genève sous l’égide des Nations unies. Malgré des termes flous qui laissent le champ libre à des interprétations divergentes, le texte prévoit le départ des combattants étrangers et il est salué comme une avancée significative vers une stabilisation de la situation sécuritaire.

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À défaut d’être politique, ce « calme technique » établit la « table de travail » grâce à laquelle un processus de réconciliation entre les différentes factions devient possible, estime Jalel Harchaoui, spécialiste de la Libye au Clingendael Institute à La Haye. L’ONU reprend l’initiative en entamant à Tunis en novembre un processus politique aboutissant la semaine dernière au Forum du dialogue politique libyen (FDPL) à Genève. Ce dernier rassemble les 75 membres libyens chargés d’élire un Conseil présidentiel – composé d’un président, de deux vice-présidents et d’un Premier ministre – chargé d’incarner la réconciliation nationale et de mener le pays aux élections générales prévues en décembre prochain.

Calme propice au partage du gâteau

Le scénario semble plausible, d’autant que les deux plus grandes puissances impliquées sur le terrain militaire paraissent, pour la première fois depuis leur entrée en jeu, sérieusement tentées par une trêve des armes. La Russie, qui soutient les forces de l’Est via les mercenaires du groupe Wagner, réputé proche de Vladimir Poutine, se retire de Tripolitaine, région de l’Ouest où dominent les forces pro-turques. « Des acteurs libyens commencent à rechercher le soutien de pays comme la Russie en échange de potentiels contrats d’affaires », remarque Tim Eaton, spécialiste de l’économie politique libyenne, chercheur au Chatham House. La Turquie, qui a engagé ses forces en décembre 2019 afin de soutenir le gouvernement de Tripoli, cherche également à protéger ses gains, notamment en ressources d’hydrocarbures. Pour « récupérer ces contrats », la Russie et la Turquie doivent assurer « une fine pellicule d’entente entre les parties » et un « calme propice au partage du gâteau », remarque Jalel Harchaoui.

L’intérêt convergent des acteurs politiques locaux et des puissances internationales, allié à la détermination de l’ONU et à l’arrivée à Washington de la nouvelle administration Biden, semble créer les conditions propices à une refonte du système politique vers une gouvernance nationale unifiée. Sur le plan économique, les premières mesures prises, à savoir l’unification nationale du taux de change en début d’année, et la reprise de la production pétrolière en septembre, se présentent comme des avancées positives en ce sens. Mais « ces politiques ne peuvent pas se suffire à elles-mêmes », estime Tim Eaton, et les grands chantiers comme la réunification du système bancaire, l’allocation du budget national ou la gestion de la dette restent à faire. Pour cela, un processus d’intégration et une réconciliation politique semblent inévitables. « La première étape à toute politique fonctionnelle est la réunification du système de gouvernance libyen », résume Tim Eaton.

Mais en consacrant la victoire d’une liste inattendue, les résultats du scrutin de vendredi semblent avoir précipitamment enterré ces espoirs. Officiellement, toutes les parties se réjouissent de l’aboutissement du processus électoral fait selon des règles établies par l’ONU, voulues comme transparentes et démocratiques. Mais la victoire de la liste menée par Abdel Hamid Dbeibah, au poste de Premier ministre, et de Mohammad Younès el-Menfi, au poste de président, est problématique à plus d’un égard.

La victoire de l’ingénieur et milliardaire Abdel Hamid Dbeibah ne marque pas seulement le retour, à la veille du dixième anniversaire de la révolution, d’un vétéran de l’ancien régime Kadhafi. Elle porte aussi en elle les germes de son propre échec. Car le processus de Genève reposait sur un principe simple de représentativité des différentes forces en présence. Or, en élisant Mohammad Younès el-Menfi, originaire de l’Est mais politiquement plus proche de l’Ouest, le FDPL n’accorde qu’une place théorique et dérisoire aux forces de l’Est. En réagissant aux résultats du vote de Genève, l’administration de Tobrouk a d’ores et déjà donné le ton en annonçant qu’elle ne céderait le pouvoir que si son propre Parlement approuvait le gouvernement intérimaire.

« L’ONU s’est fait avoir », en conclut Jalel Harchaoui, pour qui l’issue du vote pourrait neutraliser le volontarisme de la communauté internationale. De quoi créer, si le gouvernement devait effectivement voir le jour, de profondes frustrations capables d’attiser les tensions, ces mêmes tensions qui semblaient apprivoisées au cours des derniers mois. De quoi, in fine, aggraver cette partition du pays que l’on entendait panser par une « fine pellicule d’entente entre les parties ».

Vendredi, dans un lieu secret de la banlieue de Genève : l’avenir politique de la Libye se (re)joue, dans les urnes, sous l’œil fébrile des observateurs internationaux. L’enjeu du scrutin est élevé : il s’agit de doter le pays d’un nouveau gouvernement d’union nationale après plus de six ans de conflit entre les autorités rivales de Tobrouk, à l’Est, et de Tripoli,...

commentaires (1)

"symbole d’un triple échec "" MAIS QUE QUE ! NE JAMAIS OMETTRE rappeler le jeux des nations qui elles sont la pour compliquer sciemment les choses. OUI LE JEUX DES NATIONS, TOUKOURS OMNIPRÉSENTES LA OU ET QUAND ELLES NE NE DEVRAIENT PAS.

Gaby SIOUFI

11 h 40, le 08 février 2021

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Commentaires (1)

  • "symbole d’un triple échec "" MAIS QUE QUE ! NE JAMAIS OMETTRE rappeler le jeux des nations qui elles sont la pour compliquer sciemment les choses. OUI LE JEUX DES NATIONS, TOUKOURS OMNIPRÉSENTES LA OU ET QUAND ELLES NE NE DEVRAIENT PAS.

    Gaby SIOUFI

    11 h 40, le 08 février 2021

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