Critiques littéraires

Les derniers jours de Louis XVI

Les derniers jours de Louis XVI

D.R.

L’Exécution du roi, 21 janvier 1793 de Jean-Clément Martin, Perrin, 2021, 300 p.

Jean-Clément Martin continue sa réécriture de l’histoire de la Révolution française. Il prend cette fois comme sujet la mort de Louis XVI. Le livre débute par une sorte de flash forward avec la description minutieuse de la journée du 21 janvier 1793, puis on reprend l’historique depuis le début de la Révolution avec bien entendu un long développement sur les étapes du procès du roi. Malicieusement l’auteur, à chaque apparition d’un personnage, note la date et la nature de son décès. Sur 749 conventionnels, 653 auront une mort naturelle. Refusant tout déterminisme, l’impression donnée est presque celle d’une marelle révolutionnaire. Mais il est vrai qu’ils ont tous été élus après la chute de la monarchie et qu’ils adhéraient tous aux principes de la révolution. En majorité, ils avaient déjà siégé à l’assemblée constituante et à l’assemblée législative.

Comme dans ses autres ouvrages, l’auteur revient aux sources originales afin de décaper plus de deux siècles de commentaires qui souvent se répètent les uns les autres, ce qui est commun chez les historiens. Il marque ainsi que l’exécution, avant de prendre son sens essentiel d’opposition des deux France, est d’abord le résultat de tractations et de conflits, de calculs et de compromis, qu’elle n’a pas été une cérémonie sacrificielle, mais un acte politique et politicien.

Louis XVI est le produit et la victime de la société de cours. Il a dû apprendre la dissimulation et souffrir de multiples attaques venant de son entourage propre. Réformateur, il a été soumis à des pressions contradictoires. En devenant roi des Français en 1789, il est devenu le représentant de la nation. La royauté a disparu et la monarchie est restée, mais il ne l’a pas vraiment acceptée comme le montre l’épisode de Varennes. Il va ensuite mener la politique du pire et pousser à l’entrée en guerre contre l’Autriche et la Prusse. La Révolution cesse alors d’être synonyme de régénération, elle est chargée de sauver le pays du danger en permettant la mise en place d’un état d’exception.

La journée du 10 août, la chute de la monarchie, a été l’un des affrontements ouverts entre partisans et opposants de la Révolution et de façon tout aussi ordinaire l’occasion des rivalités entre groupes révolutionnaires. C’est le peuple de Paris avec la Commune, les sans-culottes et les fédérés qui l’ont emporté face à une assemblée impuissante. Le roi et sa famille sont prisonniers, mais leur sort dépend des stratégies politiques des uns et des autres. Finalement la décision est prise de le juger, en dépit de l’inviolabilité de son statut précédent. Pour être justiciable, Louis XVI doit être réduit à être une personne privée. Le sort du roi est en définitive la partie émergée des affrontements qui se mènent entre les différents courants politiques, à propos de la nature de la République plus ou moins directe, de son caractère plus ou moins social, ainsi qu’à propos de l’usage de la violence.

L’auteur entreprend une étude détaillée des différentes étapes du procès, ce qui lui permet de remettre en cause l’historiographie du sujet. Les débats montrent comment progressivement se met en place une opinion majoritaire dans la Convention dans le cadre d’une grande incohérence juridique. En dehors des manœuvres des uns et des autres, deux tendances fortes s’expriment dans la Convention, il y a ceux qui veulent supprimer la personne politique du roi sans toucher à son corps physique, et ceux qui veulent mettre fin dans un même mouvement aux deux corps du roi. Le verdict tranche en faveur des partisans de la continuation de la Révolution, mais l’exécution est laissée à la Commune et aux sans-culottes, ce qui annonce les compétitions à venir et à l’impossible stabilisation qui conduiront à la fin de la République en 1799.

Comme on le sait, Louis XVI acceptera sa mort avec un grand stoïcisme chrétien. Dans ce livre, on suit pas à pas la lente prise de décision avec une insistance sur les logiques d’affrontements, la « force des choses » qui ressort de la documentation et non sur une logique idéologique absente des sources. Les grands principes ont bien été évoqués dans les débats, mais il n’en est pas sorti une doctrine claire de ces tâtonnements.

Cela faisait déjà plusieurs décennies que la sacralité royale était remise en cause, y compris à la Cour. Louis XVI n’a pas réussi à maîtriser les mutations politiques en dépit de son réformisme. Il faisait face à l’hostilité des contre-révolutionnaires et aux intrigues des monarchies étrangères tout aussi bien qu’au mouvement révolutionnaire lui-même. Il a été desservi par la personnalité de sa femme dont le comportement a suscité de terribles fantasmes. À dire vrai, une fois la révolution commencée, personne avant Bonaparte en 1799 n’a réussi à la maîtriser et beaucoup qui étaient au premier rang ont aussi perdu la vie.

Il ne nous reste plus qu’à attendre la suite de cette formidable rénovation de l’histoire de la Révolution qu’a entreprise Jean-Clément Martin.

L’Exécution du roi, 21 janvier 1793 de Jean-Clément Martin, Perrin, 2021, 300 p.Jean-Clément Martin continue sa réécriture de l’histoire de la Révolution française. Il prend cette fois comme sujet la mort de Louis XVI. Le livre débute par une sorte de flash forward avec la description minutieuse de la journée du 21 janvier 1793, puis on reprend l’historique depuis le début de la...

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