Le président de la Chambre, Nabih Berry, savait bien ce qu’il faisait en publiant, lundi, un communiqué pour annoncer solennellement qu’aucun camp politique ne devrait détenir le tiers de blocage au sein du gouvernement et renvoyer, par la même, la balle dans le camp du tandem CPL-Baabda. Ce sont des messages multiples qu’il a adressés dans plusieurs directions, locales et internationales, à travers cette déclaration, laquelle a été surtout expliquée comme une critique à peine voilée de Nabih Berry – favorable à un gouvernement dirigé par Saad Hariri – au président Michel Aoun, à qui certains attribuent la volonté de chercher à se débarrasser du Premier ministre désigné, et à son gendre, le chef du CPL, Gebran Bassil, qui serait dans le même état d’esprit. Mais il n’y a pas que cette explication. Le communiqué de Aïn el-Tiné a aussi une autre vocation, celle d’affirmer l’attachement de son auteur à la présence de Saad Hariri à la tête du gouvernement et de montrer que le tandem Amal-Hezbollah se lave les mains de la paralysie actuelle, en attendant d’y voir un peu plus clair au niveau régional et international. Ce, surtout, après l’investiture du président américain, Joe Biden, et la volonté réaffirmée de la France de dynamiser son initiative en faveur du Liban.Qu’attend au juste le tandem Amal-Hezbollah et plus précisément le Hezbollah ?
Fayçal Abdel Sater, analyste proche du Hezbollah, affirme que contrairement à de nombreuses analyses et spéculations faites dans ce sens, le parti de Hassan Nasrallah ne mise pas sur le succès des négociations américano-iraniennes. Il reconnaît toutefois qu’un tel dénouement aurait des retombées positives sur la scène locale. « Mais cela exige du temps, surtout qu’Israël envoie d’importants messages à l’administration américaine en Syrie », prévient-il. « Je crois que le Hezbollah attend une action française sérieuse qui aboutirait à la mise sur pied du cabinet », estime l’analyste. En d’autres termes, la formation chiite souhaite voir ce que propose le président français qui n’a pas caché sa volonté de revoir les critères qu’il avait posés pour la mise en place d’un cabinet de mission. Parrainé par le président français, Emmanuel Macron, le plan de sauvetage, au cœur de l’initiative française, prévoyait surtout la formation d’un cabinet de technocrates, capable de mettre sur les rails les réformes structurelles exigées par la communauté internationale afin de débloquer les aides promises au pays du Cèdre. S’exprimant devant la presse arabe et internationale vendredi dernier, M. Macron avait clairement réitéré son engagement à résoudre la crise politique au Liban. À travers la redynamisation de son initiative moins de deux semaines après l’investiture de M. Biden, Paris semble vouloir profiter du climat optimiste quant à de nouvelles négociations entre Téhéran et la communauté internationale au sujet de l’accord sur le nucléaire iranien. Des tractations auxquelles Emmanuel Macron avait déclaré vouloir associer l’Arabie saoudite et le reste des monarchies du Golfe.
Une crise de confiance
Fayçal Abdel Sater insiste sur le fait que le problème réside essentiellement aujourd’hui dans la crise de confiance entre le chef de l’État et le Premier ministre désigné. C’est d’ailleurs par ce tout dernier point seulement que le Hezbollah s’efforce de justifier le surplace gouvernemental. « Aujourd’hui, la priorité devrait être la résolution de la crise de confiance entre Michel Aoun et Saad Hariri », déclare à L’OLJ un proche de la formation chiite. « Nous voulons que les deux hommes puissent établir un premier contact par téléphone, afin de se rencontrer dans une deuxième étape, et de s’entendre sur la formation du cabinet. Mais nos efforts n’ont toujours pas abouti », déplore ce proche du Hezbollah. Cette attitude du parti chiite, Joseph Bahout, directeur de l’Institut Issam Farès à l’Université américaine de Beyrouth, l’explique par le fait que le Hezbollah préfère observer les tensions politiques monter entre Michel Aoun et Saad Hariri, en attendant le début des négociations entre Washington et Téhéran. « Mais cela ne s’opérera pas avant deux mois au moins. Entre-temps, le blocage est appelé à durer », prévient-il. Même son de cloche chez Sami Nader, analyste politique, qui estime que le Hezbollah est au centre du blocage gouvernemental. « Pour faciliter la formation de la nouvelle équipe ministérielle, le Hezbollah devrait commencer par distancier la question libanaise des dossiers régionaux », dit-il, rappelant que les Américains s’attendent à ce que l’Iran fasse preuve de bonne volonté avant de lancer les négociations.
Hariri au Caire
Un autre analyste contacté par L’Orient-Le Jour, mais qui a requis l’anonymat, fait état de « signaux positifs » que le Hezbollah a captés et dont le Liban devrait profiter, en référence à la relance de l’initiative française en faveur du Liban. « Les Américains semblent favorables aux efforts français pour débloquer le dossier libanais », commente à son tour pour L’OLJ une source diplomatique française, qui fait savoir que les contacts français devraient s’intensifier dans les prochaines semaines avec les acteurs concernés par le dossier gouvernemental, y compris le Hezbollah. Sur le plan strictement local, le blocage reste entier. Preuve en est, la nouvelle attaque lancée par le bloc parlementaire aouniste contre le Premier ministre désigné, mais aussi contre le chef du législatif. Réagissant à la position que Nabih Berry avait exprimée lundi, le groupe a dénoncé « une campagne orchestrée visant à imputer au président de la République et au bloc du Liban fort la responsabilité de la crise actuelle », comme on peut lire dans un communiqué publié hier par le groupe.
C’est dans ce contexte de crispation que le Premier ministre désigné, qui campe sur sa position articulée autour de la formation d’un cabinet restreint de 18 ministres, s’envole pour le Caire, selon notre chroniqueur politique, Mounir Rabih. Saad Hariri qui s’est déjà rendu en Turquie et aux Émirats arabes unis et dont on dit qu’il attend qu’on lui fixe un rendez-vous à l’Élysée, pour s’entretenir avec le président français, Emmanuel Macron, de la question du gouvernement, sera reçu aujourd’hui par le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, pour des discussions centrées sur le blocage au Liban.Ce déplacement intervient à l’heure où l’Égypte s’active dans le sens d’un déblocage de la crise politique, comme l’ont démontré les propos forts de l’ambassadeur d’Égypte à Beyrouth, Yasser Alaoui, à l’issue d’une rencontre avec le patriarche maronite, Béchara Raï, à Bkerké le 21 janvier dernier. Il avait déploré le vide gouvernemental, appelant au strict respect de la Constitution.
commentaires (12)
Le Hezbollah préfère attendre d’y voir un peu plus clair ! Ils vont mettre des lunettes pour écouter comme ca sent bon !
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19 h 17, le 04 février 2021