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Lifestyle - Patrimoine

Les vestiges de Palmyre, la « perle du désert », accessibles en ligne

« Aawda ila Tadmor » est l’intitulé de la première exposition en langue arabe organisée par le Getty Research Institute (GRI) de Los Angeles et mise gratuitement en ligne à partir de demain 3 février.

Les vestiges de Palmyre, la  « perle du désert », accessibles en ligne

Monuments de Palmyre immortalisés par des dessinateurs du XIXe siècle. Collection Getty Research Institute

Voir la « perle du désert » et tout savoir de son histoire est devenu possible grâce au fonds d’archives du Getty Research Institute et à travers une exposition qui donne un aperçu des premières photographies capturées par les explorateurs du site antique saccagé par l’EI. Une collection inestimable de 75 gravures et photographies des XVIIIe et XIXe siècles, notamment du dessinateur, peintre, graveur et orientaliste français Louis-François Cassas et du photographe Louis Vignes, livre aux regards des internautes les images de cette oasis syrienne, abritant les ruines monumentales d’une grande ville qui fut l’un des plus importants foyers culturels du monde antique.

Le panorama virtuel dédié à Palmyre déroule en noir et blanc les monuments et architectures anciens et un paysage désertique qui semble surgir d’un rêve. Louis-François Cassas, qui y débarque en mai 1785, a travaillé assidûment pour enregistrer l’immense quantité de ruines éparpillées dans le paysage. « Il a voulu émerveiller et inspirer son public européen en documentant somptueusement cette grande ville gréco-romaine perdue dans le désert. Ses gravures panoramiques sont conformes à la tradition du voyage pittoresque, invitant à la fois le spectateur à s’émerveiller de la grandeur de l’Antiquité et à déplorer son inévitable décadence », notent les spécialistes du Getty Research Institute (GRI). Quant à Louis Vignes, il est le premier à diriger l’objectif d’un appareil photo sur ces monuments. Produites quelque 75 ans après les gravures de Cassas, ces photographies pionnières de Palmyre, acquises en 2015 par le GRI, complètent les estampes pour créer un enregistrement visuel sans précédent de cet extraordinaire site antique.

En 1864, Louis Vignes est le premier photographe à capturer l’arc monumental, également appelé arc de triomphe, une icône de l’ancienne Palmyre qui a été détruite par l’EI en 2015. Collection Getty Research Institute

Un regard renouvelé

« Retour à Palmyre » (« Aawda ila Tadmor ») avait été présentée en 2017 en anglais sous le titre « Legacy of Ancient Palmyra », accompagnée d’un exposé académique permettant une plongée dans l’histoire de Palmyre depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours. À la mouture 2021 viennent s’ajouter les clichés de la photographe conceptuelle allemande Ursula Schulz-Dornburg qui a visité Palmyre en 2005 et 2010, et qui donne à travers son travail un aperçu spectaculaire et objectif de ce qu’était la ville avant la destruction des célèbres monuments par les jihadistes de Daech (acronyme de l’État islamique) en 2015-2016. Ursula Schulz-Dornburg explore depuis plus de cinquante ans la relation entre l’environnement bâti et le paysage, mettant en lumière la façon dont le pouvoir, les conflits, le temps et le déclin perturbent le paysage et le marquent pour les décennies à venir. Ses photographies en couleur et plusieurs autres tirages en noir et blanc illustrent l’interview de Walid el-Assaad, ancien directeur des Antiquités et des musées de Palmyre. En 2004, il avait succédé à son père Khaled el-Assaad (chef des Antiquités de Palmyre de 1963 à 2003), décapité en août 2015 sur la place publique par les jihadistes. Walid avait été détenu avec son père, mais souffrant d’une maladie chronique du dos, il est conduit à l’hôpital de Palmyre puis transféré à Raqqa, la « capitale » de l’État islamique, d’où il parvient à s’échapper grâce à des habitants, allant de village en village, en se cachant, avant de parvenir à regagner Damas. Il est aujourd’hui installé en France. Dans cet entretien mené par le chercheur tunisien et commissaire de l’exposition Ridha Moumni, il évoque son enfance à Palmyre, son attachement à la terre de ses ancêtres et sa relation avec son père.

La principale avenue à colonnades de Palmyre, dont une grande partie est encore debout, a été construite au cours des IIe et IIIe siècles de notre ère. Louis Vignes, 1864. Collection Getty Research Institute

Éveiller les consciences sur les cultures du Proche-Orient ancien

Contacté par L’Orient-Le Jour, Ridha Moumni, historien de l’art et de l’archéologie diplômé de la Sorbonne, ancien pensionnaire à l’Académie de France à Rome, chercheur postdoctorant à la Maison méditerranéenne des sciences de l’homme à Aix-en-Provence et boursier Aga Khan au département d’histoire de l’art de l’Université de Harvard, signale que « “Return to Palmyra” a été expressément créé comme un outil pédagogique. Il s’agit d’un site bilingue, arabe-anglais, qui familiarise et sensibilise à la culture du Proche-Orient ancien à destination des communautés arabophone et anglophone. En outre, le site internet répertorie une bibliographie actualisée et d’autres ressources digitales sur l’histoire de Palmyre pour ceux qui veulent approfondir leurs connaissances. »

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Rhida Moumni nous explique également que l’exposition vise à « sensibiliser l’opinion publique à l’état de fragilité dans lequel se trouvent les communautés locales dont les ancêtres ont bâti cette ancienne et extraordinaire cité caravanière. En 2015, Palmyre était peuplée de 90 000 habitants. Aujourd’hui on estime que près de 1 500 personnes y vivent. À travers l’interview de Walid el-Assaad, l’exposition met en relief la relation entre Palmyre et ses habitants. Celle-ci est vitale, à l’instar de la plupart des sites historiques et archéologiques ; elle est interdépendante et permet de conserver la mémoire collective du lieu. Cette exposition véhicule un message d’espoir qu’un jour la ville sera reconstruite par ses habitants et que ces derniers pourront retourner à Palmyre ».

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À la question de savoir si cette manifestation a un dessein politique, Rhida Moumni affirme : « Pas du tout. Le but de cette exposition s’articule autour de trois points : tout d’abord, sensibiliser l’opinion publique à la fragilité du site et à la protection du patrimoine culturel, particulièrement en temps de conflit. Mettre ensuite à jour l’exposition originelle (celle de l’édition 2017) et l’enrichir d’une perspective qui ne soit pas exclusivement occidentale. Pour une approche plus objective et compréhensive du site, nous l’avons ainsi enrichi d’une longue interview avec Walid el-Assaad, dont l’histoire familiale est imbriquée avec celle de Palmyre depuis des générations. Contribuer enfin à éveiller les consciences sur les cultures et les patrimoines du Proche-Orient ancien, en fournissant des ressources éducatives à un public arabe à travers le monde. » Quant au sentiment qu’un historien d’art et d’archéologie peut éprouver face aux destructions subies, il confie : « Palmyre est une des plus anciennes villes du monde et un lieu de convergence des cultures à travers les siècles, situé sur un territoire disputé entre l’Empire romain et l’Empire parthe. Au croisement des routes, la ville a été un centre de création extraordinaire qui a généré un style artistique unique. Visiter Palmyre procurait la sensation d’un dialogue avec les vestiges de ces anciennes cultures dans un cadre naturel remarquable. La destruction des ruines antiques est tragique. Elle est préjudiciable tant pour l’histoire, la culture et la mémoire de la région que pour le patrimoine mondial. » Plus de 300 sites historiques syriens ont été endommagés, détruits ou pillés au cours du conflit qui a débuté il y a dix ans.

« Retour à Palmyre » (« Awda ila Tadmor ») sera mise en ligne à partir de demain 3 février sur ce lien, en accès libre.

Voir la « perle du désert » et tout savoir de son histoire est devenu possible grâce au fonds d’archives du Getty Research Institute et à travers une exposition qui donne un aperçu des premières photographies capturées par les explorateurs du site antique saccagé par l’EI. Une collection inestimable de 75 gravures et photographies des XVIIIe et XIXe siècles, notamment du...

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