Alors qu’on l’avait crue en état de mort clinique, l’initiative française semble ressuscitée après des mois de stagnation. L’échange téléphonique samedi entre l’Élysée et Baabda et les propos du président Emmanuel Macron tenus au cours du week-end au sujet de ses préoccupations libanaises et de son attachement à la formation d’un gouvernement coûte que coûte prouvent bel et bien la remise en selle de son plan de sauvegarde du Liban. Mais ils n’en disent pas plus sur la teneur de cette initiative devenue aujourd’hui obsolète dans sa version originale à la lumière des récents développements internes et externes et surtout du blocage gouvernemental que d’aucuns considèrent comme irréversible.
Devant cette impasse, Emmanuel Macron sera probablement forcé de revoir à la baisse les conditions préalablement posées et de mettre au point une version revue et corrigée de son plan de sauvetage initial. Ce dernier prévoyait en priorité la formation d’un gouvernement de technocrates susceptible de mettre en marche un chantier de réformes pour résoudre entre autres la crise économique devenue dramatique. Une tâche qui s’est soldée par un échec.
« Nous ferons tout pour qu’un gouvernement soit formé, même si celui-ci ne répond pas à l’ensemble des critères » préconisés par Paris, a assuré vendredi le président français devant la presse arabe et internationale. Le président français, qui n’en est encore qu’aux prémices de la relance de ses contacts libanais, devrait prochainement en préciser les contours, ainsi que les éventuels changements qu’il compte apporter à son initiative.
Respectant le protocole, ou peut-être en signe de main tendue à Baabda, M. Macron a appelé en premier, samedi, son homologue libanais Michel Aoun. « Les deux présidents ont discuté de la situation actuelle et de la formation du futur gouvernement », a annoncé le bureau de presse de Baabda dans un communiqué succinct. Emmanuel Macron a « à nouveau affirmé que la France se tient aux côtés du Liban dans les circonstances actuelles et qu’elle est prête à aider dans différents domaines, notamment sur le dossier gouvernemental », ajoute le texte. Le chef de l’État libanais a « salué l’initiative française » et affirmé que le président Macron était le bienvenu au Liban. L’Élysée n’a de son côté donné aucun détail sur l’entretien entre MM. Macron et Aoun.
Selon les sources du palais présidentiel, l’entretien, qui « s’est calmement déroulé », a porté principalement sur les raisons du blocage que M. Aoun s’est chargé d’expliquer à son interlocuteur. À savoir la controverse entre ce dernier et le Premier ministre désigné autour de la distribution des portefeuilles – notamment ceux de la Justice et de l’Intérieur – et la question des équilibres politiques au sein du futur cabinet.
Selon notre chroniqueur politique Mounir Rabih, l’échange entre les deux hommes n’a, toutefois, pas été très positif, et M. Macron aurait reproché au président entre autres de pousser le pays et les Libanais vers le gouffre. Des réprimandes que le président français aurait également adressées, via les journalistes présents à l’Élysée vendredi dernier, à l’establishment politique libanais qui, a-t-il dit, a fait éclater au grand jour ses contradictions. Ces propos ont été formulés en allusion au bras de fer entre Saad Hariri et Michel Aoun, mais aussi au spectacle de désolation la semaine dernière dans la ville de Tripoli qui a servi une fois de plus de scène d’affrontements et de règlements de comptes politiques entre les différents protagonistes.
Réussir le pari
Grand connaisseur du dossier libanais et ayant déjà laissé des plumes depuis sa première intervention qui n’a donné aucun résultat à ce jour, Emmanuel Macron revient dans l’arène libanaise avec plus de réalisme, pour tenter de sauver ce qui peut encore l’être et aboutir à la formation d’un cabinet, « même si celui-ci ne répond pas à l’ensemble des critères », comme il le dit. Un pari qu’il veut absolument relever à un an de la présidentielle française, tant il est vrai qu’il met en jeu sa crédibilité politique, comme il l’avait souligné lors de son premier passage au Liban, en septembre dernier.
Il s’agirait pour le président français de faire preuve de flexibilité face à l’inextricable enjeu gouvernemental, et de faire quelques nouvelles concessions. Ayant déjà fermé les yeux sur l’octroi par Saad Hariri du portefeuille des Finances à la communauté chiite – une décision qui a poussé le camp aouniste à se cabrer et à accroître par conséquent ses exigences –, le chef de l’Élysée pourrait éventuellement lâcher du lest du côté chrétien cette fois-ci. « Comprendre : M. Macron serait prêt à tolérer un gouvernement à la libanaise », commente un analyste proche du 14 Mars.
Pour l’Élysée, la priorité est qu’un cabinet soit formé le plus rapidement possible pour éviter le délitement total et le chaos. C’est ce que rapporte un journaliste qui se trouvait à l’entretien à bâtons rompus accordé vendredi par Emmanuel Macron aux médias hors caméra.
Cependant, les concessions que le président français serait prêt à accorder sont quelque peu inquiétantes, selon le politologue Karim Bitar. « La classe politique étant ce qu’elle est, il faut maintenir, envers elle, un degré d’exigence et de fermeté qui soit très élevé pour obtenir le minimum requis. Autrement, elle va reprendre ses vieilles habitudes et pratiques », estime-t-il.
Une démarche urgente
Si les manifestations et émeutes à Tripoli ont poussé le président français à hâter sa démarche devenue de plus en plus urgente à l’égard du Liban, celle-ci ne peut être par ailleurs dissociée de son entretien téléphonique il y a une semaine avec son homologue américain Joe Biden, avec qui il a passé en revue un ensemble de questions régionales et internationales intéressant les deux pays, dont celle de l’Iran et du Liban. « L’appel a permis à Emmanuel Macron de saisir l’opportunité de relancer son initiative libanaise », croit savoir Michael Young, rédacteur en chef de « Diwan », le blog du Carnegie Middle East Center. L’analyste évoque un feu vert américain implicite accordé à l’initiative Macron, même s’il est encore très tôt, pour les États-Unis, pour s’avancer à ce sujet dans la mesure où « ils n’ont pas encore défini une position claire à l’égard du Liban », dit-il. Une position que confirme indirectement à L’Orient-Le Jour une source diplomatique à Washington qui estime que l’administration Biden à pour l’instant « d’autres priorités », notamment la pandémie et la réhabilitation de ses alliances avec l’Europe, la Chine et la Russie que l’administration de Donald Trump s’est évertuée à torpiller. « Il faut cesser d’être nombriliste et croire que le Liban est au centre des intérêts américains nuit et jour », commente un analyste bien introduit dans les milieux politiques américains.
Pourtant, les ingrédients de la réussite du plan Macron semblent cette fois-ci réunis avec un interlocuteur à Washington qui semble clairement plus en phase avec la politique française. Ce qui n’était pas le cas du temps du mandat de Donald Trump, qui avait fait capoter la feuille de route de Paris en choisissant de parachuter des sanctions sur des responsables libanais alors que les tractations gouvernementales venaient d’être entamées. « Aujourd’hui, la France peut compter sur plusieurs hauts responsables francophones au sein de l’administration Biden qui sont d’excellents connaisseurs du Moyen-Orient (…) et sur un nouvel esprit de coopération », analyse Émile Bitar, en allusion à Anthony Blinken, le secrétaire d’État, et à Robert Malley, l’émissaire de Joe Biden sur le dossier iranien. « Par conséquent, l’initiative 3.0 de Macron, si l’on peut l’appeler ainsi, aura dans un tel contexte des chances plus significatives d’aboutir », souligne le politologue. Et c’est probablement aux futures concertations avec Washington qu’Emmanuel Macron faisait allusion en affirmant qu’il se rendrait au Liban pour la troisième fois cette année après s’être assuré de « questions essentielles », conclut l’analyste.
commentaires (20)
MR MACRON, SACHEZ QUE CEDER AUX CAPRICES DE CES GENS LA EST NEFASTE POUR LES LIBANAIS UNE SEULE CHOSE PEUT AIDER LE LIBAN: SAISISSEZ DANS TOUTE L'EUROPE DEJA TOUS LES FONDS DES DIRIGEANTS PASSES ET ACTUELS ET DEVOILEZ LE MONTANT DE CES COMPTES POUR ENFIN COMPRENDRE L'ETENDUE DU VOL QUI A EU LIEU LA VERITE POURQUOI ATTENDRE ? VOUS LES VERREZ COMME DES MOUTONS VENIR VOUS SUPPLIER DE LEUR RENDRE LEUR ARGENT CONTRE TOUTES LES CONCESSIONS QUE VOUS DEMANDEREZ
LA VERITE
00 h 56, le 02 février 2021