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Culture - Sur le fil

Tia Abi Aad, « bookstagrameuse » émouvante

« La tête dans les livres, les mots dans le cœur », annonce d’emblée le profil Instagram (tete.litteraire) de cette jeune lectrice passionnée, chroniqueuse douée et, plus que tout, partageuse d’émotions livresques.

Tia Abi Aad, « bookstagrameuse » émouvante

Tia Abi Aad, « Tête littéraire » tournée vers les auteurs français ou francophones. Photo DR

Nous l’avons découverte par le plus pur des hasards, au gré des déambulations sur Instagram, ce réseau social qui, vous l’aurez remarqué, n’est plus la chasse gardée des photographes de paysage et influenceuses de mode, mais est devenu le terrain de jeu des « lecteurs » également. D’un compte de recension de romans à un autre, voilà que l’on tombe sur un post de remerciement de Tia @tete.litteraire adressé à Emmanuelle Carpenter, chroniqueuse de livres sur #dis_moi_10_phrases, pour son action de solidarité et d’aide apportée à la reconstruction de l’appartement familial soufflé par la double explosion du port de Beyrouth le 4 août dernier. La curiosité, bien qu’étant un vilain défaut, pouvant parfois se révéler bénéfique, c’est pour en savoir un peu plus que l’auteure de ces lignes va « follower » #tete.litteraire. Et découvrir ainsi l’univers de Tia Abi Aad, libanaise de 21 ans chroniqueuse de livres à l’indéniable talent de partageuse d’émotions littéraires.

Un univers à mi-chemin entre celui, parfois trop léger, de la « bookstagrameuse » et, souvent trop sérieux, de la critique littéraire. Chez elle, vous ne trouverez ni de simple quatrième de couverture (ou note d’éditeur) balancée sous les photos esthétisantes des dernières parutions ni ces chroniques formatées signées par les journalistes spécialisés. Sa particularité : commenter et recommander d’une écriture simple mais bien tournée, avec sensibilité, sincérité et une étonnante maturité, les livres qu’elle a lus et approuvés. Une pléthore de choix éclectiques d’auteurs qui, de Salma Kojok (dont La maison d’Afrique est, dit-elle, le premier roman qui l’a fait pleurer) à Jean-Paul Dubois (prix Goncourt 2020), en passant par Ramy Zein, Elena Ferrante, Patrick Modiano, Karine Tuil, ou Boris Vian et Kundera, témoignent d’un réel intérêt pour la littérature contemporaine.

Rien de plus normal, en fait, pour cette jeune fille qui, jointe par téléphone, se révèle être étudiante en master de lettres françaises à l’USJ et, simultanément, professeure de français comme langue étrangère à l’Eastwood International School.

« Depuis toute petite, enfant unique, j’ai toujours eu la tête dans les livres et des affinités avec la langue française », confie Tia Abi Aad d’une petite voix fluette qui contraste avec la sûreté de ses opinions. « Sans doute, c’est génétique, mes parents étant tous deux de gros lecteurs, poursuit-elle. Mais j’ai aussi commencé à écrire assez précocement, mue par l’envie d’échanger avec des personnes qui ont les mêmes centres d’intérêt que moi. Alors, quand j’ai découvert, en terminale, les comptes Instagram consacrés aux livres, j’ai aussitôt ouvert le mien que j’ai baptisé « Tête littéraire » parce que c’est tout simplement ce que je suis. »

... et des « stories » interactives pour animer ce fil Instagram passionnément et joyeusement littéraire. Capture d’ecran Instagram de « Tête littéraire »

Coups de cœur et grosses déceptions

Cette dévoreuse de romans, de biographies et de récits de jeunesse comptabilise en moyenne « une quarantaine de lectures par an », mais ne chronique sur son réseau social que ses gros coups de cœur. « Je ne choisis pas de lire un livre pour en parler, c’est le livre lui-même qui me donne l’envie d’en parler, de le recommander et de le faire découvrir autour de moi. Et puis, entre mes études et mon travail, je n’ai pas toujours le temps d’écrire », signale cette lectrice passionnée. Laquelle partage aussi parfois ses grosses déceptions. « Je le fais quand il s’agit d’un grand auteur reconnu, célébré et dont le livre me déçoit. Dans ce cas, je le dis clairement, franchement, sans me laisser influencer par les opinions adverses, mais sans méchanceté non plus et en étayant toujours mes propos critiques d’arguments. Ça crée de la sorte un débat intéressant », avance celle qui aime autant discuter bouquins qu’en lire.

Pour mémoire

Lorsque la lecture rassemble des étudiants du Moyen-Orient


Son avis est d’autant plus personnel qu’il est rarement donné sur les nouveautés des rentrées littéraires, les favoris des prix et autres ouvrages qui font le buzz du moment. Un parti pris de ne pas aborder ces livres hypermédiatisés qui se retrouvent en même temps sur tous les blogs et autres posts des réseaux sociaux, qu’elle justifie d’abord par son désir de ne pas émousser la curiosité de ses « followers ». Et puis « parce que mon budget restreint m’impose de me fournir plutôt dans les éditions de poche », avoue en toute honnêteté cette chroniqueuse dont les 717 abonnés font un score honorable pour une « bookstagrameuse indépendante ». C’est-à-dire une lectrice ordinaire qui ne reçoit jamais de livres des éditeurs ou des libraires pour en faire la promotion.

Par contre, en vraie fille de sa génération 2.0, Tia Abi Aad maîtrise les codes de la communication numérique. Ainsi, parallèlement à ses chroniques, elle anime son compte Instagram avec des « stories » interactives qui en rehaussent l’attractivité. À l’instar de ces rubriques décomplexantes dans lesquelles elle s’amuse à recueillir les avis de ses abonnés sur « Cet auteur connu que je n’ai pas lu » ou « Le livre que vous avez l’habitude de déconseiller »...

Une sélection de romans lus et approuvés...

La solidarité par les livres

Sur son profil, illustré d’une tête ouverte sur des casiers pleins de bouquins, accompagné de la phrase citée plus haut ainsi que de la mention « Libanaise », on repère également un lien vers un article de... L’Orient-Le Jour. Il s’agit de son tout premier texte publié dans la rubrique du Courrier des lecteurs le 29 août dernier. Intitulé « La mort est entrée dans nos maisons », la jeune fille l’a écrit comme un cri de désarroi lancé face à l’insoutenable tragédie de Beyrouth. Cette double explosion meurtrière, à laquelle elle et ses parents ont miraculeusement survécus, mais qui a dévasté leur maison à Gemmayzé – « emportant avec elle tout ce qu’elle recelait de mon enfance », dit-elle –, aura, en revanche, confirmé chez elle le pouvoir salvateur des livres et de la lecture. Car c’est par le biais des liens tissés avec toute une communauté francophone de chroniqueuses, et en particulier grâce à l’action spontanée de solidarité et de collecte de fonds entreprise par l’une d’entre elles, la Française Emmanuelle Carpenter, que Tia Abi Aad et ses parents ont pu réintégrer avant Noël leur appartement restauré. « Cette formidable mobilisation qui s’est faite autour de moi et de ma famille m’a d’autant plus touchée qu’elle venait de personnes que je ne connaissais que virtuellement et qui se sont battues contre toutes les difficultés, notamment les restrictions émises par les banques libanaises, pour nous apporter leur soutien », souligne la jeune fille, la voix chargée d’émotion. Un geste de solidarité qui a déclenché chez cette « Tête littéraire » l’envie de renforcer l’intérêt de ses abonnés européens pour la littérature libanaise. « J’ai décidé d’alimenter mon compte avec plus de romans d’auteurs libanais francophones ou traduits en français », assure-t- elle. Avant de signaler, réjouie, l’initiative #moisdelalittératurelibanaise de sa copine Emmanuelle Carpenter qui a décidé de faire découvrir sur son bookstagram (dis_moi_10_phrases), tout au long du mois de janvier 2021, les belles plumes du pays du Cèdre.

Voici donc deux « bookstagrameuses » tisseuses de belles histoires ! À découvrir et suivre assurément.

Top 5 des conseils de lecture de « Tête littéraire »

Parmi les nombreux livres que Tia Abi Aad recommande de ne pas rater, les cinq suivants reviennent en tete de liste :

L’amie prodigieuse d’Elena Ferrante ;

La levée des couleurs de Ramy Zein ;

Villa des femmes de Charif

Majdalani ;

Balzac et la petite tailleuse chinoise de Da Sijie ;

S’il te plaît, emmène-moi chez toi de Marie-Joe Audouard.

Nous l’avons découverte par le plus pur des hasards, au gré des déambulations sur Instagram, ce réseau social qui, vous l’aurez remarqué, n’est plus la chasse gardée des photographes de paysage et influenceuses de mode, mais est devenu le terrain de jeu des « lecteurs » également. D’un compte de recension de romans à un autre, voilà que l’on tombe sur un post de...

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