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Société - Santé

Médecins et personnel infirmier paient un lourd tribut à la pandémie

Une situation dans laquelle l’État assume une grande part de responsabilité.

Médecins et personnel infirmier paient un lourd tribut à la pandémie

Le personnel soignant à l’hôpital du Mont-Liban. Photo João Sousa

Le président de l’ordre des médecins, le Dr Charaf Abou Charaf, a fait part il y a quelques jours, dans un éloge funèbre émouvant, du décès du Dr Joseph Hage (80 ans), un crack de sa promotion, des séquelles d’une infection au coronavirus. Répondant à l’appel du devoir, le Dr Hage, propriétaire d’un hôpital de 80 lits à Achkout (Kesrouan), est décédé après avoir été contaminé alors qu’il s’affairait à rouvrir et équiper son établissement, situé entre Achkout et Feytroun, fermé depuis des années, pour faire face à l’urgence du moment. Ce décès a été suivi de celui d’un médecin de Tyr, le Dr Faouzi Najdi. Avec quinze décès à ce jour, l’ordre des médecins a déjà payé un lourd tribut à la pandémie de Covid-19.

À l’écoute du corps

Selon les témoignages de ses proches, le Dr Hage avait commencé à ressentir une fatigue inhabituelle, à ressentir quelques difficultés respiratoires. Hospitalisé tardivement, le virus devait l’emporter en quelques jours.

« Il ne faut pas négliger les symptômes, commente le Dr Abou Charaf. On croit d’abord que c’est psychique puisqu’au départ, un homme contaminé peut être plus ou moins asymptomatique et se dire qu’il ne s’est pas exposé pour contracter le virus. Mais il faut rester à l’écoute de son corps, surveiller son niveau d’oxygène, sa respiration, son tonus pulmonaire. »

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En fait, la mort du Dr Hage n’est que le sommet de l’iceberg. Outre les médecins décédés, ils sont plus de 500 praticiens à avoir souffert du Covid-19, dont 25 n’ont guéri qu’après avoir été admis aux soins intensifs. Le gastro-entérologue Raymond Sayegh, ancien président de l’ordre des médecins, assure avoir « vu la mort en face » au plus fort de sa maladie. « Personne n’est passé par où je suis passé », dit-il. Un sentiment pourtant partagé par des centaines de patients qui sortent, exténués, des quatorze jours que dure en moyenne le traitement du Covid-19.

Douleur généralisée, extrême fatigue, migraines décapantes, détresse respiratoire ont également été le lot du pédiatre Mansour Hojeily admis à l’hôpital Mont-Liban, mais qui s’en est tiré sans avoir eu besoin de passer par les soins intensifs.

Aux avant-postes du combat

Le personnel hospitalier n’est pas en reste et a payé lui aussi très cher sa présence aux avant-postes du combat contre le virus assassin. Selon Mirna Doumit, présidente du syndicat des infirmiers et infirmières du Liban, quatre membres de ce personnel sont décédés des suites du Covid-19 contracté dans l’exercice de leur profession, et plus de 1 500 d’entre eux ont contracté le virus, dont un certain nombre ont dû être admis aux soins intensifs. De nouveaux cas se déclarent tous les jours, ajoute-t-elle.

Un peu moins d’un an après la détection du premier cas au Liban, l’épidémie de Covid-19 semble être à son apogée, avec une soixantaine de morts par jour et un taux de contamination, cette semaine, d’environ 21 % par rapport au nombre de tests effectués. Un chiffre que beaucoup de médecins estiment en outre bien inférieur à la réalité. Le confinement total prolongé jusqu’au 8 février n’est certes pas de trop, et aussi bien le Dr Abou Charaf que Mme Doumit estiment qu’il est indispensable pour enrayer l’impressionnante progression du virus. « Certes, nous payons le prix de la levée de toute restriction durant les fêtes de fin d’année, affirme Mme Doumit, mais surtout, nous payons et nous paierons le prix de toutes les concentrations humaines désordonnées, sans masque et sans gestes barrières, qu’elles soient devant une boulangerie, un supermarché, un étal de fruits et légumes, une pharmacie ou le guichet d’une administration. »

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Ces décès, ce ne sont pas seulement l’imprudence et de mauvaises décisions stratégiques qui en sont responsables. Le manque d’équipement et de combinaisons de protection y contribue aussi. Et l’on ne saurait souligner assez la grave responsabilité qu’assume, à cet égard, l’État qui a lâché financièrement les hôpitaux privés depuis des années, au point qu’il leur doit plus d’un milliard de dollars, livrant par ailleurs certains hôpitaux gouvernementaux au clientélisme le plus primaire, au vol et au gaspillage.

Citant Alain Bifani, l’ancien directeur général du ministère des Finances, le président de l’ordre des médecins assure que ces établissements ont englouti « des milliards de dollars » et que le scandale de leur sous-équipement n’a rien à envier à celui de l’électricité. Le Dr Abou Charaf ne ménage pas à cet égard le ministre sortant de la Santé, Hamad Hassan, « qui se permet de faire la leçon et de menacer de déclassement les hôpitaux privés, alors qu’un établissement comme l’hôpital gouvernemental Élias Hraoui à Zahlé est quasi vide ». « Voilà un hôpital de 200 lits qui emploie 185 personnes et dont seulement 10 lits sont occupés », s’indigne le Dr Abou Charaf qui se demande : « Où sont passés les milliards dépensés pour l’équiper ? »

Et le Dr Abou Charaf de rappeler que l’hôpital gouvernemental Rafic Hariri, la pointe de la lutte contre le Covid-19, doit sa capacité à fonctionner à un don de 10 millions d’euros de la France, à l’appui de l’Organisation mondiale de la santé et à une collecte de dons sponsorisée par la MTV.

Conflits d’intérêts

Certes, en plein pandémie, les conflits d’intérêts entre les hôpitaux privés, l’ordre des médecins et le syndicat du personnel infirmier doivent passer à l’arrière-plan, convient-on. Ce que ces trois acteurs du système de santé ont décidé de faire. Mais l’on ne saurait ignorer que le grand nombre de contaminations dans les rangs du personnel infirmier s’explique par la pauvreté des moyens de protection mis à la disposition de ce personnel, lui-même tributaire des impayés de l’État, explique Mme Doumit. Ce qui ne l’empêche pas, à son tour, de s’indigner des conditions salariales faites à ce personnel dont la moitié des jours d’absence, en cas de contamination par le Covid-19, est soustraite de son salaire... Un personnel qui doit, de sucroît, payer de sa poche la moitié du coût des soins que son état nécessite.

Abstraction faite de ces déplorables conditions, le Dr Abou Charaf a confirmé hier que, pour pallier une planification « déficiente » du ministère de la Santé, une initiative conjointe des trois ordres (médecins, hôpitaux privés, personnel infirmier), ainsi que de la Croix-Rouge libanaise et de l’Organisation mondiale de la santé pourrait démarrer la semaine prochaine. Elle viserait à organiser les prises en charge locales, au niveau des centres médicaux municipaux, et les soins à domicile, de sorte à rationaliser le flux de patients ayant besoin d’être hospitalisés.

Le président de l’ordre des médecins, le Dr Charaf Abou Charaf, a fait part il y a quelques jours, dans un éloge funèbre émouvant, du décès du Dr Joseph Hage (80 ans), un crack de sa promotion, des séquelles d’une infection au coronavirus. Répondant à l’appel du devoir, le Dr Hage, propriétaire d’un hôpital de 80 lits à Achkout (Kesrouan), est décédé après avoir été...

commentaires (1)

Pour une fois qu’il tient une promesse notre papa à tous. Nous sommes bien en enfer !!! Welcome to hell !!!

Joumana Khalife

05 h 49, le 23 janvier 2021

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Commentaires (1)

  • Pour une fois qu’il tient une promesse notre papa à tous. Nous sommes bien en enfer !!! Welcome to hell !!!

    Joumana Khalife

    05 h 49, le 23 janvier 2021

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