Au moins 130 personnes ont péri en trois jours dans des affrontements entre tribus rivales au Darfour au Soudan, les violences les plus sanglantes depuis la signature en octobre d’un accord de paix entre le gouvernement et des groupes rebelles.
Cette recrudescence des violences intervient en outre un peu plus de deux semaines après la fin au Darfour de la Mission de paix conjointe de l’ONU et de l’Union africaine (Minuad), une opération présente depuis 13 ans dans cette vaste région de l’ouest du Soudan, minée par l’instabilité.
Hier, des affrontements ont eu lieu dans l’État du Darfour-Sud, où des hommes « de la tribu arabe des Rizeigat à bord de véhicules, de motos et de chameaux ont lancé une attaque contre le village de Saadoun », fief de la tribu Fallata, a indiqué Mohammad Saleh, un chef de la tribu Fallata. Les heurts, qui ont cessé, ont fait 47 morts, selon lui. Plusieurs maisons ont été incendiées durant l’assaut.
Aucune indication n’a été donnée dans l’immédiat sur les raisons de cette attaque.
Samedi et dimanche, au moins 83 personnes ont été tuées dans des heurts entre tribus dans la ville d’al-Geneina, dans l’État du Darfour-Ouest, un autre État de la région. Ces heurts avaient éclaté entre la tribu al-Massalit et des nomades arabes après une dispute entre deux individus.
Les autorités ont imposé depuis samedi un couvre-feu au Darfour-Ouest et le Premier ministre Abdallah Hamdok y a envoyé une délégation de « haut rang » pour tenter de rétablir l’ordre.
Appel à la « désescalade »
Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a lui demandé aux autorités soudanaises « de déployer tous les efforts pour parvenir à une désescalade de la situation, mettre un terme aux combats, restaurer l’ordre et la loi et assurer la protection des civils », selon son porte-parole.
Dimanche, Abdel Fattah el-Burhane, président du Conseil de souveraineté en charge de piloter la transition politique au Soudan, a réuni en urgence les services de sécurité.
En octobre, le gouvernement de transition – mis en place après la chute de l’autocrate Omar al-Bachir sous la pression d’une contestation populaire – a signé un accord de paix avec plusieurs groupes rebelles, y compris des mouvements insurgés du Darfour. Mais certains groupes rebelles du Darfour n’ont pas signé.
Le conflit au Darfour avait débuté en 2003 entre forces loyales au régime du général Omar al-Bachir à Khartoum et des membres de minorités ethniques s’estimant marginalisées et réclamant une répartition plus équitable du pouvoir et des richesses.
Les violences ont fait quelque 300 000 morts et plus de 2,5 millions de déplacés, essentiellement durant les premières années du conflit, selon l’ONU.
Pour lutter contre les insurgés, le pouvoir Bachir avait déployé les Janjawid, une milice armée composée essentiellement de nomades arabes, accusés de « nettoyage ethnique » et de viols. Des milliers de miliciens ont été par la suite incorporés dans les Forces de soutien rapide (RSF), un groupe paramilitaire.
Affrontements fréquents
Si les violences ont baissé d’intensité au Darfour, les affrontements restent fréquents concernant l’accès à la terre et à l’eau, opposant éleveurs nomades arabes et fermiers darfouris.
La Minuad doit se retirer progressivement du Darfour dans un délai de six mois à partir de janvier, et le gouvernement soudanais doit prendre la responsabilité de la protection des populations de la région.
Après la Minuad, qui a compté jusqu’à 16 000 hommes, l’ONU restera au Soudan via une Mission intégrée des Nations unies pour l’assistance à la transition au Soudan (Minuats).
Cette mission politique aura pour tâche d’assister le gouvernement de transition, installé en août 2019 et issu d’un accord entre militaires et dirigeants du mouvement de contestation. Elle devra aussi aider à l’application des accords de paix dans d’autres régions ravagées par les conflits.
Omar al-Bachir, en prison, et d’autres responsables soudanais sont recherchés par la Cour pénale internationale (CPI) pour « crimes contre l’humanité » et « génocide » au Darfour.
Source : AFP