L’augmentation impressionnante du nombre de personnes atteintes du Covid-19 pendant la période des fêtes de fin d’année semble devenue la première préoccupation des Libanais, reléguant au second plan la formation du gouvernement.
Toutefois, des sources proches de Bkerké assurent que le patriarche maronite ne compte pas renoncer à sa médiation pour tenter de rapprocher les points de vue entre les deux principaux responsables de ce dossier, à savoir le chef de l’État et le Premier ministre désigné. Selon les sources précitées, lorsque le patriarche Raï a décidé de lancer sa médiation, de sa propre initiative mais avec la bénédiction du Vatican, il ne croyait pas que la mission serait aussi compliquée. Prenant à cœur son rôle et estimant qu’en raison de sa fonction, il devrait être écouté par les différents protagonistes, il avait commencé par se rendre au palais de Baabda pour y rencontrer le chef de l’État. Il avait auparavant recueilli toutes les informations disponibles sur le sujet, notamment celles qui faisaient assumer au président de la République la responsabilité du retard à cause de ses exigences multiples.
Le cardinal Raï a donc pris le chemin de Baabda pour demander des précisions à Michel Aoun. De retour à Bkerké, il a reçu le président du Conseil désigné qui lui a livré sa version des faits, laquelle faisait assumer dans une grande partie la responsabilité du retard dans la formation du gouvernement au chef du CPL, l’ancien ministre Gebran Bassil. Le patriarche maronite a alors décidé de s’entretenir à Bkerké avec celui-ci pour écouter aussi sa version des faits.
Armé de toutes ces informations, le prélat est parvenu à la conclusion suivante : le principal problème réside dans une crise de confiance entre les différents acteurs. Il faudrait donc une intervention directe pour tenter de rapprocher les points de vue. C’est dans ce contexte qu’il a aussi reçu à Bkerké le directeur de la Sûreté générale, Abbas Ibrahim, qui a lui aussi rencontré les différents protagonistes dans une tentative de comprendre où résident les véritables conflits pour s’employer à les résoudre.
Le patriarche Raï et le général Ibrahim ont donc mis en commun les informations qu’ils ont recueillies chacun de son côté et il est apparu que les obstacles sont de deux sortes, locaux et étrangers.
Sur le plan local, il est clair que le président du Conseil désigné n’est pas favorable à l’octroi des portefeuilles de l’Intérieur et de la Justice à des proches du président de la République. Et ce, pour plusieurs raisons. D’abord parce que l’Intérieur est entre les mains des proches du courant du Futur depuis plusieurs années et que la rue sunnite ne comprendrait pas vraiment que Saad Hariri fasse une si importante concession au chef de l’État et à son camp. D’autant que le directeur des FSI, le chef du département des informations (le SR des FSI) et d’autres postes-clés au sein de ce ministère sont occupés depuis des années par des proches du courant du Futur, ce qui pourrait provoquer des frictions avec le ministre dans certains dossiers délicats, si ce dernier appartient à un camp politique différent. De plus, accorder le portefeuille de l’Intérieur à un proche du chef de l’État signifierait que ce dernier détiendrait tous les ministères sécuritaires et militaires. S’il l’on y ajoute le ministère de la Justice, tous les différents services ainsi que la police judiciaire et la magistrature se trouveront sous le contrôle du président. Or, celui-ci a déclaré à plusieurs reprises qu’il compte consacrer la dernière période de son mandat à combattre la corruption. Ce qui laisse entendre qu’il a l’intention d’ouvrir de nombreux dossiers dans ce domaine. Face à la pression populaire et médiatique, le Premier ministre désigné craint que l’ouverture des dossiers se fasse de façon arbitraire ou dans un seul sens.
De son côté, le chef de l’État affirme que toutes les critiques populaires et médiatiques qui lui sont adressées ainsi qu’à son mandat portent sur la corruption. Personne ne critique les autres partenaires au sein du pouvoir. C’est pourquoi, pour se donner les moyens d’agir, au moins dans la dernière période de son mandat, il faudrait que les ministres chargés des portefeuilles liés à la lutte contre la corruption soient proches de lui. Il s’agit là d’un des principaux obstacles qui entravent la formation du gouvernement. Dans ce contexte, les sources proches de Bkerké estiment que la volonté du chef de l’État d’obtenir le tiers de blocage ou même son souhait que le gouvernement soit formé de 20 ministres et non de 18, pour que deux personnalités druzes en fassent partie, deviennent secondaires.
Les proches de Hariri soutiennent toutefois que ces deux conditions sont effectivement posées par le chef de l’État alors que les sources proches de Baabda précisent que ce n’est pas le cas, ajoutant que, pour le président et son camp, ce qui compte avant tout c’est que le même critère soit adopté pour le choix des ministres. Soit Hariri choisit tous les ministres en accord avec le chef de l’État, comme le veut la Constitution, soit chaque partie politique choisit ses représentants au sein du gouvernement... Bkerké a écouté attentivement tous les points de vue et, selon ses sources, est convaincu que ces obstacles ne sont pas insurmontables et qu’il est possible d’aboutir à un accord une fois que les appréhensions des uns et des autres seront bien comprises et traitées.
En revanche, les obstacles extérieurs paraissent plus difficiles à surmonter. Même si le Hezbollah refuse de le reconnaître, la condition américaine de former un gouvernement sans un représentant direct ou indirect de ce parti pèse sur les tractations. Si les parties concernées passent outre cette condition, le gouvernement qui sera formé pourrait connaître le même sort que celui de Hassane Diab, qui a été pratiquement boycotté par la communauté internationale. Mais si le Hezbollah est exclu du gouvernement, cela pourrait provoquer des problèmes internes, qui seraient difficilement gérables avec la crise sociale, économique et financière actuelle. Il faudrait donc, pour obtenir des résultats, soit attendre un allègement des conditions américaines, soit conclure un accord avec le Hezbollah... soit les deux ! La situation pourrait se préciser vendredi puisque Hassan Nasrallah compte s’exprimer sur la situation interne...
commentaires (5)
"De son côté, le chef de l’État affirme que toutes les critiques populaires et médiatiques qui lui sont adressées ainsi qu’à son mandat portent sur la corruption.", nous informe Mme Haddad.Il est complètement déconnecté des réalités, le président. Sa lutte contre la corruption est un slogan populiste qui lui a rapporté des voix crédules lors des différentes élections. Or il s'avère que le ministère géré par son mouvement depuis des lustres est celui sur lequel plane des doutes sérieux de corruption et qui est celui qui occasionne par conséquent, le plus grand déficit de l'histoire de l'économie libanaise...
DJACK
18 h 30, le 05 janvier 2021