« Je n’ai plus aucun argument en main pour défendre la politique de mon parti ». C’est par cette phrase lapidaire que Michel De Chadarevian, responsable des relations diplomatiques au sein du Courant patriotique libre, a motivé vendredi sa démission du parti dans un communiqué largement partagé sur les réseaux sociaux. Il explique qu’il lui est devenu désormais impossible de réaliser sa mission « à l’ombre des contradictions, des égarements et des intérêts personnels ». Autant de pratiques qui sont, dit-il, contraires aux principes jadis prônés par Michel Aoun qu’il a accompagné dans son parcours depuis 1988.
"Contre toute la politique" du parti
Dans un entretien express accordé à l’OLJ, il explique pourquoi il a pris cette décision majeure qui ne manquera de discréditer un peu plus le CPL, alors que plusieurs anciens adhérents au parti critiquent les choix politiques effectués par son chef, Gebran Bassil, récemment sanctionné par les Etats-Unis. « Ce n’est pas une démission qui est dirigée contre Gebran Bassil mais contre toute la politique suivie par le parti. Etant l’interface du CPL auprès des diplomates, je n’arrive plus à le défendre dans la conjoncture internationale actuelle qui n’est plus favorable au Liban »,reconnaît-il.
Chargé depuis 2005 des relations auprès des chancelleries étrangères, il avait établi un réseau de relations solides auprès des ambassadeurs qui lui vouaient un grand respect. C’est surtout devant ses interlocuteurs étrangers – devenus extrêmement critiques par rapport au mandat Aoun– que M. De Chadarevian avoue aujourd’hui son impuissance à défendre l’image ternie de son parti et l’apathie du sexennat alors que le pays va à la dérive.
"Détresse économique rampante"
Considéré comme l’un des piliers du aounisme, cet ancien routier proche de Michel Aoun vient de mettre un trait final à trois décennies de militantisme au sein du parti. Il tire aujourd’hui la sonnette d’alarme face à une situation qui, dit-il, n’a jamais été aussi dangereuse pour le Liban. « Nous sommes parvenus à une phase qui est pire que celle qui avait prévalu durant la guerre civile. A l’époque, on pouvait aller se réfugier au second sous-sol pour échapper aux impacts des obus. Aujourd’hui, même si l’on se cache au sixième sous-sol, on sera frappé de plein fouet par la détresse économique rampante ».
M. Chadarevian fait notamment assumer au CPL la responsabilité de la poursuite d'une politique de l’autruche et de ne pas prendre la peine de montrer pattes blanches alors que les accusations pleuvent sur lui.
« Tout le monde accuse aujourd’hui le CPL, à tort ou à raison, d’entraver la formation du gouvernement. Or le parti ne fait rien pour mettre un terme à ces accusations », estime-t-il, laissant entendre que, quelque part, elles sont justifiées. L’ancien responsable aouniste plaide ainsi pour un gouvernement apolitique, arguant du fait que par les temps qui courent et face aux catastrophes qui s’enchaînent, il est temps de changer la façon de faire.
« Nous avons besoin d’un gouvernement technocrate pour nous sortir du gouffre, même si celui qui va le former est lui-même un politique », plaide-t-il en allusion au Premier ministre Saad Hariri. M. De Chadarevian tient toutefois à signaler que son action n’est pas un coup de gueule contre son seul parti et ses dysfonctionnements, mais un message qu’il espère également faire parvenir à l’ensemble des partis politiques en charge qui sont, selon lui, tous aussi responsables de la décrépitude. « J’ai fait mon autocritique et j’ai décidé de rendre le tablier. J’espère que les autres en feront autant », dit-il.
commentaires (17)
Bravo! En espérant que cette lucidité retrouvée sera contagieuse... Vous êtes cordialement invité à vous déplacer sans masque :)
Joseph KHOURY
21 h 42, le 18 décembre 2020