Les parlementaires ont voté inconditionnellement en faveur du processus du « forensic audit ». Or il s’est avéré que ce vote ne constitue qu’un souhait ou une recommandation, et non une loi. Par conséquent, rien ne garantit sa mise en application.
Il s’agit d’un processus d’investigation judiciaire à la recherche d’éventuels actes comptables criminels, qui serviront à dévoiler les dépenses de l’État. Une initiative relativement de bon augure sur la voie des réformes requises dans le système libanais. Elle ne peut que relever le moral des citoyens qui peinent pour déceler un pas dans le sens du changement tant attendu.
Le pays manque d’oxygène, et pourtant il a bien le droit de respirer. Il ne faut épargner aucun effort pour relancer l’économie, malgré le prétendu manque de ressources et l’absence totale de confiance dans le secteur bancaire, qui continue quand même à être là.
Les ressources existent, elles se présentent sous forme de devises au comptant, d’or et de valeurs réalisables détenues par l’État et ses divers organismes.
La banque centrale dispose d’un fonds estimé à 18 milliards de dollars, constitué des réserves obligatoires sur les dépôts bancaires en monnaies étrangères. Certaines banques maintiennent un solde créditeur en devises auprès de leurs correspondants à l’étranger (États-Unis et Europe).
Les foyers libanais comptent sous leurs oreillers une masse monétaire en devises estimée à cinq milliards de dollars.
L’international, à savoir le FMI et le projet « Cèdre pour le Liban », apporterait au pays une aide qui stimulerait l’activité.
L’État a thésaurisé 9,2 millions d’onces d’or qui vaudraient à ce jour 17 milliards de dollars.
De même, l’État peut réaliser un revenu valable en titrisant (sur 5 ans) son actif rentable (s’il est bien géré), à savoir l’EDL, l’AIB, le Casino, le téléphone mobile...
Pour les projets de reconstruction et d’infrastructure, il est possible d’opter pour la formule BOT (Build, operate and transfer) qui ne coûtera pas un sou à l’État.
Le facteur primordial sur lequel il faut se pencher, c’est la réinstauration de la confiance, qui ne peut se développer qu’à la vue de lois réformatrices.
Les réformes exigent la formation immédiate d’un gouvernement de technocrates apolitiques.
Il sera appelé à prendre des décisions fermes, souvent douloureuses, mais indispensables, à savoir, à titre d’exemple :
– Assainir le corps judiciaire.
– Récupérer les sommes détournées en appliquant la devise « D’où tenez-vous cette fortune ? ».
– Réduire sur une base plausible le nombre des fonctionnaires, avec un gel des salaires et autres avantages de fonctions.
– Mettre un terme à la contrebande.
– Adopter un objectif de croissance de la masse monétaire (M1-M2-M3) et la politique « zéro % taux d’intérêt ».
– Réduire le déficit commercial en surtaxant les produits de luxe et en protégeant l’industrie locale.
– Réduire le déficit de la balance des paiements.
– Réduire le nombre de représentations diplomatiques, les limiter aux États influents ; quant aux autres États, le Liban peut y être représenté par des consulats honoraires, l’ambassadeur pouvant couvrir plus d’un pays d’une région déterminée. Le Liban pourrait vendre aussi les propriétés ayant servi d’ambassades.
– Réduire au maximum le nombre d’agents des FSI et de l’armée assignés au service des officiers. La population et la sécurité en ont davantage besoin.
– Faire revivre l’activité bancaire : à ce sujet, et comme mentionné plus haut, il faut reconnaître que ceux qui, au Liban, détiennent chez eux des montants en devises étrangères, souhaitent fort les garder mais dans un lieu plus sûr, vu l’insécurité ambiante due en partie à l’appauvrissement du peuple ; pour ces détenteurs de dollars en bank notes, l’alternative serait la banque, mais quelle banque ? Le Liban devrait démarcher quelques banques étrangères de grande renommée, à titre d’exemple la City Bank, la Bank of America, la BNP, la CIBC canadienne et tant d’autres, et les inviter à venir s’établir au Liban, sans aucune participation libanaise au sein de leur haute direction. Ces banques réussiront à collecter une très grande partie des montants dormants. De même, les entreprises internationales qui seront chargées d’entreprendre des projets au Liban le feraient à travers elles. La BDL en fera ses principaux correspondants plaçant auprès d’elles ses dépôts. Ces banques redonneront un sang nouveau au secteur, et par voie de conséquence à l’économie. Pour le pays et ces banques, c’est une partie gagnant/gagnant.
Encore plus, les banques ayant survécu à cette crise doivent s’engager à échelonner le remboursement mensuel en « fresh money » des dépôts en devises, sur une période de 2 à 3 ans, soit 3 % du montant dû, avec un plafond de remboursement de 15 000 dollars par mois. Rembourser veut dire mettre ce montant effectivement à la disposition de son ayant droit. Il n’est nullement dit que ce montant sera nécessairement destiné à sortir du pays.
Les banques locales seront appelées à se réorganiser, au prix soit d’une liquidation en bonne et due forme, soit d’une fusion interbancaire soutenue par une augmentation de capital.
Les banques ne peuvent plus se permettre de dilapider les dépôts en versant à leur personnel, direction comprise, des salaires et avantages mirobolants. Elles doivent être, à l’instar de la magistrature, à l’abri des interventions politiques. Elles doivent bien penser leurs placements.
Sans compter d’autres décisions allant dans le même sens.
À ce jour, Le Liban a été secoué par nombre de crises, politique, sociale, économique, sécuritaire, et il s’en est sorti, à chaque fois, plus fort.
Ne baissons pas les bras, osons pour une dernière fois.
Antoine NAJJAR
Montréal
Enseignant universitaire
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