Face à une épidémie qui continue de progresser à pas de géant avec des chiffres élevés au quotidien, le ministre sortant de la Santé, Hamad Hassan, s’est voulu rassurant, réaffirmant hier que le vaccin contre le Covid-19 sera disponible au Liban au plus tôt à la fin du mois de février prochain. Il a annoncé dans ce cadre que son ministère a réservé « deux millions de doses » auprès de la compagnie pharmaceutique Pfizer « qui seront distribuées gratuitement aux plus vulnérables ». « Notre plan vise à assurer la vaccination de 30 % de la société libanaise », a-t-il affirmé dans une interview à The Independent Arabia.
Une annonce qui suscite de nombreuses questions, sachant que selon la plateforme Covax, mise en place par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour garantir l’accès aux vaccins aux pays qui s’y sont inscrits, le vaccin contre le Covid-19 ne sera pas disponible avant la fin de 2021, au mieux avant la seconde moitié de l’année prochaine.
Randa Hamadé, chef du département de soins de santé primaires et directrice du Programme national de vaccination au ministère de la Santé publique, rappelle que le Liban dispose de deux sources d’approvisionnement du vaccin : la plateforme Covax, sur laquelle le Liban est inscrit et qui devrait assurer le vaccin à 20 % de la population, ainsi que le contrat conclu avec la compagnie Pfizer qui a commencé à le commercialiser. « Des pays comme la Grande-Bretagne (qui devra débuter aujourd’hui la vaccination des plus vulnérables) et les États-Unis disposent de mécanismes qui leur permettent de mettre sur le marché le vaccin avant même son approbation par les autorités sanitaires concernées ou l’OMS, explique-t-elle à L’Orient-Le Jour. Ce qui n’est pas le cas du Liban qui est contraint, conformément aux lois en vigueur, de ne mettre sur le marché qu’un médicament approuvé par les autorités sanitaires mondiales. »
Nombreux défis
Mais il ne s’agit là que d’un aspect des nombreux défis que doit relever le pays pour la vaccination contre le Covid-19. Mme Hamadé souligne ainsi que le Liban ne dispose pas encore de l’infrastructure nécessaire pour stocker et distribuer le vaccin de la compagnie Pfizer qui doit être gardé à -70 °C et sur laquelle il est d’ailleurs en train de travailler. De plus, « le vaccin ne peut pas être administré dans les centres de soins et de santé communautaires relevant du ministère de la Santé », avance-t-elle. « Il nous faut des centres spécialisés pour la vaccination contre le Covid-19, insiste-t-elle. Et ce pour plusieurs motifs qui relèvent principalement du respect des gestes barrières. En effet, toute personne qui viendra se faire vacciner est un cas potentiel de Covid-19 et toutes les précautions nécessaires doivent être prises, d’autant qu’on ne va pas exiger un test PCR pour administrer le vaccin. Ce qui sous-entend la désinfection de la salle de vaccination entre deux patients, le remplacement des gants après chaque patient… Par ailleurs, le vaccin vient en cinq doses. De ce fait, il doit être dilué dans un liquide spécial et réparti à parts égales sur cinq personnes. Enfin, comment garantir que la personne qui a pris une première dose reviendra dans 21 jours pour recevoir la seconde (le vaccin étant administré en deux doses, NDLR) ? » Et Mme Hamadé d’assurer que « le Liban a la capacité de le faire, mais que cela nécessite davantage de ressources humaines » et que « la commission chargée de suivre les préparatifs du vaccin se penche sur tous ces aspects ».
En annonçant l’introduction du vaccin sur le marché libanais dans les mois à venir, M. Hassan fait certes preuve de bonne volonté. Mais la grande question qui se pose est celle de savoir comment celle-ci sera traduite sur le terrain avec le peu de ressources – surtout financières – dont dispose le Liban. Par quels moyens le pays se procurera-t-il les vaccins, sachant qu’il faut compter des dizaines de millions de dollars à cet effet ?
Seize décès et 984 cas
Le Liban a enregistré hier 984 nouvelles contaminations au coronavirus et seize décès, ce qui fait grimper à 138 096 le nombre cumulé des cas depuis février, au nombre desquels 1 115 décès et 91 119 guérisons. Selon le bilan quotidien du ministère de la Santé, parmi les cas toujours actifs de Covid-19, 946 sont hospitalisés, dont 385 en unités de soins intensifs.
Sur la ligne de front depuis dix mois, le corps médical a déjà payé de sa vie son engagement à soigner les patients du Covid-19. Six spécialistes sont à ce jour décédés, a déploré le président de l’ordre des médecins, Charaf Abou Charaf. Trois autres sont en soins intensifs et 200 placés en isolement. « Le nombre des personnes contaminées au sein du corps infirmier est trois fois supérieur à celui des médecins », a-t-il indiqué dans une interview à l’Agence nationale d’information.
Contacté par L’OLJ, le président de l’ordre des médecins explique que « le principal défi que le corps médical doit relever reste l’absence de protection ». « Tous les hôpitaux, surtout ceux dans les régions périphériques, n’assurent pas les équipements de protection personnelle », regrette-t-il. « Nous ne pouvons pas les blâmer, d’autant que ceux-ci sont très dispendieux en raison du taux élevé du dollar », poursuit-il.
Pour lui, « l’irresponsabilité dont fait preuve la population est inacceptable ». « Il faudrait que les municipalités et les médecins des cazas insistent plus sur les mesures de prévention et sur la sensibilisation, martèle-t-il. Malheureusement, ce n’est pas le cas dans l’ensemble des régions. Par ailleurs, les restaurants doivent se conformer davantage aux mesures de prévention. Tous ne le font pas. Il faut de plus que le ministère du Tourisme interdise de nouveau le narguilé qui est un vecteur important de transmission du coronavirus. »
Dans ce cadre, le syndicat des restaurateurs a affirmé hier respecter les mesures dictées par le ministère du Tourisme et invité les forces de sécurité à un contrôle routinier le 10 décembre. Une fois que la question du « surpeuplement » des restaurants sera réglée, le syndicat a affirmé sa volonté de « mettre en place un plan pour le secteur de la vie nocturne et repousser l’heure du couvre-feu (instauré entre 23 heures et 5 heures) ». « Il est inacceptable que le Liban, ses restaurants et sa vie nocturne soient privés du tourisme pendant la période des fêtes », a-t-il ainsi déclaré. De leur côté, des propriétaires de bars et de boîtes de nuit ont coupé hier l’autoroute au niveau du Casino du Liban dans les deux sens pour protester contre l’arrêt de leur travail en raison du bouclage prolongé qui les concerne.
La situation reste grave à Baalbeck-Hermel, où les cas de contamination au coronavirus sont toujours à la hausse. Pour lutter contre cette tendance, le mohafez de la région, Bachir Khodr, a décidé hier de boucler plusieurs localités pour une semaine.
Quel Etat bienveillant! Magnifique... hahahahahaha !
17 h 31, le 08 décembre 2020