Rechercher
Rechercher

Politique - Rencontre

Raï : La neutralité active, c’est « le retour du Liban au Liban »

Devant un groupe d’étudiants en sciences politiques de l’USJ, le patriarche maronite a révélé avoir essayé à plusieurs reprises de convier les chefs de file chrétiens à une réunion à Bkerké, « mais malheureusement les conflits personnels sont plus forts que le reste ».

Raï : La neutralité active, c’est « le retour du Liban au Liban »

Les étudiants en sciences politiques de l’USJ, accompagnés du professeur Pascal Monin et de notre consœur Scarlett Haddad.

À peine rentré du Vatican, où il a rencontré le pape François, le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, a reçu à Bkerké un groupe d’étudiants en sciences politiques de l’Université Saint-Joseph (USJ). Il leur a expliqué sa vision de « la neutralité active » qu’il propose pour le Liban et qui, selon lui, n’est pas un concept mais une partie intégrante de l’identité libanaise. Après les rencontres avec le président de la Chambre, le commandant en chef de l’armée et le bâtonnier de Beyrouth, le groupe d’étudiants de l’USJ a clôturé son cycle d’entretiens avec des figures influentes du pays par cette rencontre avec le patriarche Raï.

Il a commencé par raconter son entrevue samedi avec le pape. L’objectif était d’attirer son attention sur la gravité de la situation libanaise. Le souci du patriarche est d’éviter que le Liban soit « un espace de tiraillements ou une carte pour des compromis ou pour du chantage », dans le cadre des bras de fer qui se jouent actuellement dans la région et dans le monde. En même temps, il a voulu expliquer à François la situation économique dramatique et ses conséquences sur les jeunes.

Il lui a également remis un mémorandum que Bkerké a préparé au sujet du « Liban et de la neutralité active ». « Nous ne voulons pas rejeter sur lui la responsabilité de régler la crise actuelle, a précisé le patriarche, mais simplement solliciter son aide, en raison de l’autorité morale du Vatican dans le monde, bien qu’il ne possède pas de missiles. »

Le cardinal Raï a expliqué aux jeunes que « la neutralité active n’est pas un nouveau projet, elle s’inscrit au cœur de l’identité libanaise. C’est d’ailleurs ce que j’ai personnellement vécu pendant des années, lorsque le Liban était prospère. La raison de cette prospérité est que le Liban était neutre ». Selon lui, le Liban est un espace de dialogue. Il doit aussi bénéficier d’une souveraineté interne et externe. Sur le plan interne, la souveraineté exige, selon lui, qu’il y ait une seule armée et des forces de l’ordre dans le cadre de l’État. D’ailleurs, l’article 65 de la Constitution exige les deux tiers des voix des ministres pour la décision de la guerre ou de la paix. « Or, a-t-il dit, actuellement au Liban, il y a plusieurs mini-États. Le président de la République a même parlé de mini-Républiques... »

L’État n’a pas aidé les Libanais

Selon le patriarche, « la plus grande partie de nos problèmes viennent du fait que nous mettons de côté notre Constitution et nous passons notre temps à ne pas la respecter ». Tous les gouvernements, dans leurs déclarations ministérielles, reconnaissent la nécessité de se tenir à l’écart des conflits, a-t-il noté. Selon lui, « cela fait partie de notre culture ». Il a raconté que lors de sa visite au Liban, le pape Jean-Paul II avait déclaré : « Le Liban est un pays microscopique, mais son rôle est immense. Ce qui vous a sauvés de la guerre, c’est votre culture de la vie et votre ouverture à l’autre. » « Quel que soit le mot utilisé, a précisé le patriarche, cela reste une forme de neutralité. J’en avais parlé en 2012. Mais cela n’avait suscité aucune réaction. Lorsque j’ai repris cette idée le 5 juillet, c’est devenu un sujet polémique. Mais pour moi, ce n’est ni un projet ni une initiative. C’est une identité, et c’est même le retour du Liban au Liban. »

Lire aussi

La neutralité au cœur d’un entretien « fructueux » entre le pape et Raï

Bkerké a donc rédigé un livret pour expliquer ce qu’il entend par neutralité active. La démarche prévoit de l’expliquer aux Libanais, puis de faire du lobbying à l’étranger et enfin de recourir au Conseil de sécurité. Mgr Raï a indiqué qu’il en parle lui-même avec ses visiteurs, notamment les ambassadeurs. Même l’ambassadeur d’Iran ? « Oui, bien sûr », a-t-il répondu. Il a précisé lui avoir rappelé que son pays avait voté il y a deux ans en faveur de l’Académie de l’homme pour la rencontre et le dialogue qui avait été proposée par le président Michel Aoun et qui avait été adoptée par l’Assemblée générale de l’ONU. « Cette académie, a-t-il ajouté, s’inscrit dans l’esprit de la neutralité active. »

Et le Hezbollah ? Le patriarche a répondu qu’il n’a pas pris officiellement position, mais des personnes de son entourage ont été critiques. « Nous aurions souhaité les voir pour en discuter directement. J’ai même envoyé un message en ce sens. Mais je n’ai pas obtenu de réponse... » Le patriarche a insisté sur le fait que la neutralité active n’est pas dirigée contre le Hezbollah. Elle repose simplement sur l’État souverain. Le Liban, selon lui, aime le dialogue. « Mais aujourd’hui personne ne lui parle. D’ailleurs, après la tragédie du 4 août, le monde entier s’est empressé d’aider les Libanais, mais pas l’État... »

Le fédéralisme n’est pas une solution

« Ce pays est à nous. Nous devons y rester attachés. Au cours des cent dernières années, nous avons traversé des situations plus graves, nous avons même été sous la botte, mais nous nous en sommes toujours sortis... » a-t-il ajouté, disant placer beaucoup d’espoirs dans la révolution. Mais il faut, selon lui, savoir où on va. « Je ne veux pas que la révolution s’arrête, a-t-il dit, elle représente l’espoir, mais il faut aussi avoir un projet et ne pas se contenter de rejeter la classe politique actuelle et de fermer les routes.» « Il faut préparer les prochaines élections, mais pour l’instant, chacun travaille de son côté », a-t-il déploré. À la question de savoir si le fédéralisme est une solution valable pour le Liban, le patriarche maronite a répondu que « ce n’est pas une solution » et qu’il faudrait « commencer par appliquer la décentralisation administrative qui existe dans Taëf ». « Il faut cesser, a-t-il dit, de n’appliquer que ce qui nous convient. »

Sur l’idée de convier les chefs de file chrétiens à une réunion à Bkerké, il a déclaré qu’il a essayé à plusieurs reprises de le faire, sans succès. « Malheureusement, a-t-il ajouté, les conflits personnels sont plus forts que le reste. » Affirmant s’opposer aux appels à la démission du président de la République, il a enfin souligné que l’État libanais n’était pas religieux. Il est laïc. « Ce sont les politiciens qui l’ont transformé en État confessionnel, a-t-il dit. Ce qu’il faudrait, c’est revenir à ce que disait le patriarche (Élias) Hoayek : “Ma confession, c’est le Liban.” »

À peine rentré du Vatican, où il a rencontré le pape François, le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, a reçu à Bkerké un groupe d’étudiants en sciences politiques de l’Université Saint-Joseph (USJ). Il leur a expliqué sa vision de « la neutralité active » qu’il propose pour le Liban et qui, selon lui, n’est pas un concept mais une partie intégrante de...

commentaires (6)

Pour que soit formé un gouvernement, il faut d'abord un peuple uni : qui ne soit pas le résultat d'une création volontaire arbitraire, basée sur une neutralité même active. Le mandat ou la tutelle compense ce manque, mais le partage de la corruption empêche jusqu'à présent, la formation d'un véritable Etat de droit, au nom de l'égalité de toutes les communautés religieuses, sans reconnaissance de la vraie foi et sans en venir à une séparation stricte du religieux du domaine laïc. La foi catholique maronite ne confond pas les deux domaines, mais les distingue sans les séparer, ce qui est le cas de la France, depuis la loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat de 1905;Pour que soit formé un gouvernement, il faut d'abord un peuple uni : qui ne soit pas le résultat d'une création volontaire arbitraire, basée sur une neutralité même active. Le mandat ou la tutelle compense ce manque, mais le partage de la corruption empêche jusqu'à présent, la formation d'un véritable Etat de droit, au nom de l'égalité de toutes les communautés religieuses, sans reconnaissance de la vraie foi et sans en venir à une séparation stricte du religieux du domaine laïc. La foi catholique maronite ne confond pas les deux domaines, mais les distingue sans les séparer, ce qui est le cas de la France, depuis la loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat de 1905. La paix publique n'a été possible qu'à ce prix.

dintilhac bernard

18 h 39, le 02 décembre 2020

Tous les commentaires

Commentaires (6)

  • Pour que soit formé un gouvernement, il faut d'abord un peuple uni : qui ne soit pas le résultat d'une création volontaire arbitraire, basée sur une neutralité même active. Le mandat ou la tutelle compense ce manque, mais le partage de la corruption empêche jusqu'à présent, la formation d'un véritable Etat de droit, au nom de l'égalité de toutes les communautés religieuses, sans reconnaissance de la vraie foi et sans en venir à une séparation stricte du religieux du domaine laïc. La foi catholique maronite ne confond pas les deux domaines, mais les distingue sans les séparer, ce qui est le cas de la France, depuis la loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat de 1905;Pour que soit formé un gouvernement, il faut d'abord un peuple uni : qui ne soit pas le résultat d'une création volontaire arbitraire, basée sur une neutralité même active. Le mandat ou la tutelle compense ce manque, mais le partage de la corruption empêche jusqu'à présent, la formation d'un véritable Etat de droit, au nom de l'égalité de toutes les communautés religieuses, sans reconnaissance de la vraie foi et sans en venir à une séparation stricte du religieux du domaine laïc. La foi catholique maronite ne confond pas les deux domaines, mais les distingue sans les séparer, ce qui est le cas de la France, depuis la loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat de 1905. La paix publique n'a été possible qu'à ce prix.

    dintilhac bernard

    18 h 39, le 02 décembre 2020

  • OUBLIEZ LES REVES CHER PATRIARCHE. UN NOUVEAU LIBAN DOIT NAITRE OU TOUS LES SUPPOTS ET MERCENAIRES DE PAYS ETRANGERS ET LES COPIES DES GOUVERNANTS DE L,ANCIEN SYSTEME ET L,ANCIEN SYSTEME N,AURONT AUCUNE PLACE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    14 h 38, le 02 décembre 2020

  • Le dicton libanais qui disait " zawèn baladi wala améh el sultan" pour insister que les produits et les gens de notre patrie valent plus, dans le sens d'indépendance, d'autonomie et de liberté, que ceux qui nous sont imposés par d'autres quelque soit leur puissance! Le patriarche, sans le dire, prêche ce vieux dicton contre vent et marée...inchallah khair...

    Wlek Sanferlou

    13 h 22, le 02 décembre 2020

  • Excommuniez tous les chefs de file maronites qui n’obéissent pas à vos ordres

    Lecteur excédé par la censure

    11 h 48, le 02 décembre 2020

  • Qu’on l’aime ou pas, qu’on soit musulman, chretien ou athee, finalement le discours du patriarche Rai est le plus libanais. Toute personne sensee ne trouverait que des elements positifs dans ce qu’il dit. Quand la Syrie était occupee a faire des coups d’Etat militaires en serie et que l’Iran s’occupait seulement de ses affaires, on était mille fois mieux. Meme l’ennemi israelien se contentait grosso modo de l’armistice avec le Liban. C’est l’intervention de ces pays dans les affaires purement libanaises qui ont conduit notre pauvre pays a la situation actuelle. La faute a qui ? Aux politiciens vereux, de tout bord, qui ont accepte servilement et pour des raisons bassement materielles de favoriser l’expansionnisme de ces trois pays aux depens du notre. Le plus grand ennemi du Liban c’est sa classe dirigeante inamovible vereuse et vendue. Rien ne changera tant que des Libanais suivront aveuglement leurs ‘’zaim’’ de malheur !

    Goraieb Nada

    09 h 03, le 02 décembre 2020

  • POUR QUEL BUT RAÏ A CONVIER "LES CHEFS DE FILS" CHRÉTIENS CHEZ LUI ? POUR NOUS IMPOSER UN D'EUX ! BASSIL OU SLEIMAN 2.... LES AGISSEMENTS DE RAÏ NOUS POSENT DES VRAIS PROBLÈMES. IL BOUGE BEAUCOUP EN CE MOMENT MAIS AVEC LES YEUX BANDÉS.

    Gebran Eid

    04 h 27, le 02 décembre 2020

Retour en haut