L’assassinat vendredi de l’expert du programme nucléaire iranien Mohsen Fakhrizadeh, imputé par Téhéran à Israël, a suscité des craintes d’une riposte de l’Iran à travers ses alliés dans la région, le Hezbollah en tête. Mais la formation chiite semble déterminée à éviter de se laisser entraîner dans un cycle de violence, en attendant l’arrivée à la Maison- Blanche en janvier prochain de Joe Biden avec lequel l’Iran espère reprendre le dialogue.
Il est vrai que le Hezbollah est depuis plusieurs mois sur le qui-vive. Dans son discours le 11 novembre dernier à l’occasion de la « Journée du martyr », Hassan Nasrallah avait révélé que les forces du parti avaient été placées en état d’alerte, parallèlement à la tenue par Israël de manœuvres militaires sous le nom de la « Flèche mortelle ». Les experts en affaires militaires du Hezbollah avaient alors interprété l’intitulé attribué à ces manœuvres comme une indication que cette « flèche » viserait une personnalité que les Israéliens veulent liquider. La formation pro-iranienne, qui n’a jamais pris à la légère les menaces israéliennes, tout en estimant que l’État hébreu ne compte pas se lancer à l’étape actuelle dans une guerre ou une confrontation militaire, avait alors mis ses forces au Liban-Sud en état d’alerte et y avait envoyé des renforts, selon des sources militaires informées. Le parti chiite avait également intensifié ses discrètes mesures de sécurité dans la banlieue sud de Beyrouth. Des mesures déjà adoptées depuis l’assassinat, en janvier dernier dans une frappe américaine, du puissant général iranien Kassem Soleimani, le Hezbollah se préparant à l’éventualité qu’une opération similaire vise son secrétaire général, qui vit dans la clandestinité depuis la guerre de 2006, apprend-on de mêmes sources.
Dans ce contexte de tension, Israël a mené deux raids ciblant les alliés de l’Iran en Syrie la semaine dernière, l’un non loin de l’aéroport de Damas, à Jabal Maneh, qui aurait visé un centre d’écoutes du parti chiite, et l’autre sur des positions militaires du Hezbollah et des Iraniens à Kuneïtra dans le Sud. Puis est intervenu vendredi l’assassinat de Mohsen Fakhrizadeh, le scientifique iranien de haut rang, qualifié de « Soleimani du nucléaire » par plusieurs observateurs. Si l’Iran a promis de riposter à cette opération imputée à Israël, le Hezbollah a affirmé, dans un communiqué soigneusement dosé samedi dénonçant l’assassinat, que Téhéran saurait « couper la main » de quiconque vise ses experts et ses responsables, sans proférer lui-même de menaces explicites à l’adresse de l’État hébreu.
Le Liban épargné ?
Le parti pro-iranien est en effet déterminé à ne pas aller vers une confrontation ouverte avec l’État hébreu, comme l’assurent ses responsables. L’un d’eux affirme dans ce contexte que l’Iran va riposter à l’assassinat de Fakhrizadeh, mais pas à partir du Liban ou de la Syrie, car la réponse doit être équilibrée, c’est-à-dire via une opération qui viserait un responsable israélien ou une importante cible israélienne. Certaines sources affirment que la riposte sera « non conventionnelle » et n’écartent pas qu’elle vise les nouveaux alliés d’Israël dans le Golfe, à l’instar de la frappe qui avait ciblé les installations du géant pétrolier saoudien Aramco en septembre 2019 et avait été revendiquée par les houthis, rebelles yéménites pro-iraniens.
Ce même responsable du Hezbollah ajoute qu’après l’assassinat de l’expert du nucléaire, le parti chiite et les Iraniens ont compris pourquoi les Américains avaient récemment envoyé dans la région le porte-avions l’USS Nimitz et les bombardiers B 52 : « Non pas pour ouvrir une bataille d’envergure, mais pour accompagner de telles opérations et réagir ou empêcher toute riposte iranienne », selon lui.
Des sources concordantes estiment qu’une éventuelle riposte iranienne devrait avoir lieu avant que le président Donald Trump ne quitte la Maison-Blanche en janvier prochain, dans la mesure où Téhéran ne pourrait pas mener une opération militaire tout en revenant à la table de négociations avec son successeur, Joe Biden.
Si la source du Hezbollah souligne que le Liban ne sera pas concerné par la riposte iranienne, cela ne veut pas dire que le pays sera épargné par les tensions et l’escalade régionales. Car dans le cas où l’Iran serait visé par une frappe militaire israélienne ou américaine, le parti reviendrait à la règle énoncée précédemment par Hassan Nasrallah, qui est celle des « fronts ouverts et complémentaires », explique-t-elle. C’est-à-dire que le « front » libanais sera complémentaire des « fronts » syrien, irakien et iranien et que des combattants pourraient être acheminés d’Iran et d’Irak vers le Liban et la Syrie pour participer aux opérations militaires. Le parti se serait dans ce contexte préparé à l’éventualité de mener une opération contre Israël à partir du territoire syrien, ce qui a suscité le courroux de l’armée syrienne qui veut éviter à tout prix une confrontation avec les forces israéliennes, selon des sources militaires.
Selon ses milieux, si le Hezbollah écarte jusqu’ici la possibilité d’une confrontation militaire d’envergure, il est dans le même temps conscient qu’Israël pourrait profiter d’une opération du parti et en saisir l’opportunité pour lancer de vastes frappes contre des objectifs de la formation chiite au Liban et en Syrie, visant notamment ses missiles de haute précision. C’est dans ce contexte qu’il aurait, selon des sources militaires, procédé récemment à des mouvements de troupe dans certaines régions du Sud syrien pour éviter un surcroît de victimes lors des frappes israéliennes qui les visent régulièrement. Le Hezbollah est donc déterminé à ne fournir aucun prétexte à l’État hébreu, selon le responsable du parti.
Dans ce cadre, on apprend, selon certaines informations, que le général Esmaïl Qaani, qui a succédé au général Kassem Soleimani à la tête de la Force al-Qods, l’unité d’élite des gardiens iraniens de la révolution chargée des opérations extérieures, a effectué au cours des derniers jours une visite secrète dans la banlieue sud de Beyrouth et s’est entretenu avec Hassan Nasrallah et d’autres responsables politiques et militaires du parti. Le responsable iranien a souligné la nécessité de rester en état d’alerte face à toute éventualité, tout en affirmant devant ses interlocuteurs qu’il était nécessaire d’éviter toute action qui pourrait être considérée comme une escalade et exploitée par Israël pour lancer une vaste opération. Le général Qaani se serait également rendu en Syrie pour délivrer le même message. Puis en Irak, où il aurait rencontré le Premier ministre Moustapha Kazimi, ainsi que le dirigeant chiite Moqtada Sadr, le chef de la puissante milice Badr Hadi el-Amiri, ainsi que d’autres chefs du Hachd el-Chaabi, les milices pro-iraniennes. Il leur aurait demandé d’arrêter de viser les Américains et de calmer le jeu, du moment que les États-Unis ont pris la décision de se retirer d’Irak.
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NASRALLAH VIE SOUS TERRE DEPUIS 2006 ET ISRAEL A CONNU LA PERIODE LA PLUS CALME A SA FRONTIERE NORD DEPUIS 2006 POUVEZ VOUS ME RAPPELER QUI A GAGNE LA GUERRE EN 2006? LA VERITE L'IRAN AFFAIBLI ET A COURT DE DEVISES DEVRA CEDER UN PEU A BIDEN EN ESPERANT POUVOIR RELANCER SON PROJET DE CONQUETE POUR UN PEU PLUS TARD SEUL LE LIBAN RISQUE D'EN FAIRE LES FRAIS POUR QUE L'IRAN NE PERDE PAS LA FACE EN NE FAISANT RIEN CONTRE ISRAEL APRES SES ACCUSATIONS
LA VERITE
04 h 09, le 01 décembre 2020