
Le ministre libanais sortant de l'Intérieur, Mohammad Fahmi. Photo d'archives ANI
Invité de l'émission à forte audience "Sar el-Wa't", animée par le journaliste Marcel Ghanem sur la chaîne MTV, Mohammad Fahmi a fait cette déclaration dans le cadre de propos tenus sur la corruption endémique dans le pays. "Ceux qui au sein de l’État ont des salaires de 15 millions de livres par mois et possèdent un logement d'une valeur de cinq millions de dollars doivent répondre à la question suivante : +Comment pouvez-vous détenir cela?", a lancé le ministre sortant, lors de l'émission. Mais c'est la phrase suivante qui a suscité une levée de boucliers dans les milieux judiciaires et politiques : "Pas moins de 95% des juges sont corrompus", a-t-il affirmé tout de go.
"Ministre des deux tués"
Cette accusation lancée contre le pouvoir judiciaire, de la part d'un ministre sortant de l'Intérieur, a immédiatement provoqué des réactions indignées. Le Conseil supérieur de la magistrature a ainsi estimé que les propos de M. Fahmi étaient "totalement inacceptables et faux" et rappelé que celui-ci est censé "œuvrer pour l'édification de l’État et ses institutions". "Les juges accomplissent une grande partie des missions qui leur sont dévolues dans des circonstances extrêmement difficiles, et s'attendent au soutien de toutes les administrations et tous les pouvoirs", a affirmé le CSM. Dans la soirée, le CSM a annoncé dans un second communiqué, publié à l'issue d'une réunion exceptionnelle, qu'il allait demander au procureur général près la cour de cassation, Ghassan Oueidate, de "prendre des mesures judiciaires appropriées contre le ministre Fahmi". Cette demande a été formulée, "en accord avec le président du Conseil d'Etat et celui de la Cour des comptes", précise le CSM.
Le "Club des juges libanais" s'est montré encore plus virulent vis-à-vis de Mohammad Fahmi, le qualifiant de "ministre des deux tués". Il faisait ainsi référence à la première polémique suscitée par le ministre sortant de l'Intérieur lorsqu'il avait affirmé en direct lors d'une interview télévisée avoir tué deux miliciens durant la guerre civile de 1975-1990 (qui se sont avérés être des miliciens des Kataëb) et avoir été protégé par le président de la République, Michel Aoun, tous deux étant officiers de l'armée à l'époque. M. Fahmi s'était ensuite défendu en invoquant la "légitime défense".
"Le ministre des deux tués, qui manque à son obligation de protéger les palais de Justice, ce qui a permis que deux grenades soient introduites au palais de Justice de Beyrouth, ou encore l'évasion des détenus du commissariat du palais de Justice de Baabda, celui qui prend des décisions improvisées (...) juge bon de s'en prendre au pouvoir judiciaire", a dénoncé le Club. "Il a affirmé que 520 juges sur un total de 550 sont corrompus. Soit les 520 juges en question doivent aller en prison, soit le ministre lui-même doit être incarcéré, ainsi que ceux qui l'ont soutenu via une tribune médiatique. (...) La situation ne peut plus durer", a prévenu le Club des juges.
"Crime punissable par la loi"
La ministre sortante de la Justice, Marie-Claude Najm, a de son côté dénoncé "le mépris" de M. Fahmi vis-à-vis des juges, qualifiant de "dangereux" le fait de "généraliser des accusations" à leur encontre.
L'ancien ministre de la Justice et conseiller du président Aoun, Salim Jreissati, a également vertement critiqué Mohammad Fahmi, pourtant lui aussi proche du chef de l’État. "(...) En tant que citoyen, avocat et ancien ministre de la Justice, je condamne fermement de tels propos dangereux et irresponsables de la part d'un ministre en charge de la sécurité (...)", a écrit M. Jreissati dans un communiqué. Il a qualifié ces accusations d'"injustes" et estimé qu'elles "ébranlent la confiance dans le pouvoir judiciaire, sur le plan interne et externe". "Porter atteinte à la justice et l'intimider est un crime punissable par la loi", a encore rappelé Salim Jreissati.
Les propos de Mohammad Fahmi ont également suscité l'indignation des organisations de la société civile. "(...) Qui sont les corrompus et les corrupteurs M. Fahmi ? Vos amis, non? ", s'est ainsi interrogé sur Twitter Nizar Saghiyé, qui dirige l'ONG Legal Agenda, affirmant que "les juges intègres sont nombreux".
commentaires (20)
Je trouve que ce ministre est tres fort pas seulement en cuisine mais en pourcentage mais qu est ce qu il attent pour arreter les corrompus? donc il doit etre complice?
youssef barada
20 h 47, le 29 novembre 2020