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Société - Double explosion du port

La méfiance s’accroît à l’égard de l’enquête

Le conseil de l’ordre des avocats de Beyrouth, présidé par Melhem Khalaf, et l’ONG Legal Agenda, dirigée par Nizar Saghiyé, évoquent de nombreuses failles.

La méfiance s’accroît à l’égard de l’enquête

Le port ravagé par la double explosion. Photo d’archives

À mesure que le temps s’écoule suite à la tragédie du 4 août, les appréhensions augmentent quant à la possibilité de résultats d’une enquête qui dévoileraient enfin la vérité sur les causes et les responsables du cataclysme ayant ravagé Beyrouth et ses habitants. Le conseil de l’ordre des avocats présidé par Melhem Khalaf et Legal agenda dirigé par Nizar Saghiyé tirent la sonnette d’alarme, appelant le procureur général près la Cour de justice, Fady Sawan, à remplir son rôle sans crainte des pressions, afin de rendre justice aux 200 victimes, aux milliers de blessés, et aux dizaines de milliers dont les maisons ont été détruites par l’explosion de 2 750 tonnes de nitrate d’ammonium. Mais M. Sawan tarde encore à convaincre la société civile et l’opinion publique de la transparence de son enquête. Il est vrai qu’il y a dix jours, il s’est manifesté à travers un communiqué du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) qui a rapporté ses propos. « L’enquête est menée aussi rapidement que possible, mais sans précipitation. » Le texte rappelle également que 51 témoins ont été entendus et 25 personnes ont été arrêtées. Mais sur ce point, il est notoire qu’aucune personnalité de haut rang n’a été interrogée en tant que suspecte, alors que de nombreux responsables ont reconnu avoir été mis au fait de l’existence du nitrate d’ammonium dans le hangar 12. Le juge Sawan a en outre affirmé qu’il a reçu le rapport technique du Bureau d’enquêtes fédéral américain (FBI) et qu’il attend les rapports de Scotland Yard et de la France. Autant d’informations qui n’ont pas convaincu.

Défis et obstacles

De part et d’autre, MM. Saghiyé et Khalaf mettent en garde contre les « dangers » que présente une enquête entachée d’« indices négatifs », selon les termes mêmes de M. Saghiyé.

Le conseil de l’ordre des avocats évoque ainsi de « grands défis » et de « nombreux obstacles » dans l’affaire de la double explosion du port. L’organisme sait de quoi il parle, d’autant qu’il est représenté aux audiences de M. Sawan par un avocat qui accompagne le procès intenté au nom du conseil et au nom de centaines de victimes. « Le procureur général près la Cour de justice, Fadi Sawan, n’a pas répondu aux nombreuses requêtes que lui a présentées le conseil de l’ordre pour le pousser à interroger en tant que suspects et non seulement en tant que témoins les personnalités dont la responsabilité serait engagée », révèle un communiqué publié le 7 novembre par « le bureau d’accusation » du conseil créé pour l’affaire de la double explosion. « Toutes nos études basées sur la doctrine et la jurisprudence révèlent sans la moindre équivoque que le procureur près la Cour de justice a le droit de mettre en examen des chefs de gouvernement, des ministres, des hauts fonctionnaires et d’autres personnalités, quel que soit leur rang », ajoute le texte, soulignant que ceux-ci ne doivent bénéficier d’« aucune immunité, de quelque nature que ce soit, constitutionnelle, légale ou politique ».

L'édito de Issa Goraïeb

Les nids du déni

Le bureau d’accusation du conseil de l’ordre est revenu à la charge samedi dernier. « Nous déplorons que les enquêtes excluent certaines personnes et se réduisent à celles qui sont moins haut placées. » « Nous demandons à M. Sawan d’engager des poursuites contre tous les responsables politiques et sécuritaires suspects, de les interroger en tant qu’accusés, et de les arrêter le cas échéant. Il n’y a pas de “grands” face à l’ampleur de la catastrophe ! » martèle le communiqué. Le texte révèle aussi que « les investigations se limitent au cadre de la négligence plutôt que de considérer d’autres hypothèses, pourtant nombreuses (telle la préméditation) ».

Pour sa part, Nizar Saghiyé n’a de cesse depuis août dernier de critiquer le choix de la Cour de justice pour une compétence sur l’affaire. « La prise en charge du dossier par un tribunal exceptionnel ne garantit pas une justice équitable », a réitéré lundi le juriste sur son compte Twitter, déplorant que « toutes les prérogatives », telles « les mesures d’arrestation et de remise en liberté, ainsi que la délimitation des crimes et la désignation des inculpés », soient concentrées « entre les seules mains » du procureur général près de la Cour de justice. « Lequel a de surcroît été nommé en vertu d’une décision politique », poursuit M. Saghiyé, regrettant par ailleurs que la loi interdit les recours contre les décisions du procureur général près la Cour de justice et celles de la Cour de justice. Il propose à cet égard une loi qui permettrait un recours en appel de ces décisions « pour une plus grande justice à l’égard des victimes et des accusés ». « Ce sont les tribunaux ordinaires qui doivent être compétents », prône-t-il.

Et le juriste de critiquer par ailleurs la procédure adoptée pour la désignation de M. Sawan, notamment le fait que le choix du juge a été « confessionnalisé », c’est-à-dire a porté sur un magistrat de confession chrétienne au motif que les dégâts sont survenus en grande partie dans les quartiers chrétiens. M. Saghiyé critique aussi le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) pour avoir refusé de motiver son rejet des deux noms (Samer Younès et Tarek Bitar) qu’avait proposés la ministre de la Justice, Marie-Claude Najm, avant qu’elle ne suggère le nom de Fadi Sawan.

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Sur un autre plan, le directeur de Legal Agenda réclame que le procureur général près la Cour de cassation, Ghassan Oueidate, soit dessaisi du dossier, estimant que ce dernier est « confronté à un conflit d’intérêts ». Il note à cet égard que Ghazi Zeaïter, beau-frère de M. Oueidate, était ministre des Travaux publics à l’époque (2014) où le ministère des TP avait demandé à la justice de faire débarquer le nitrate d’ammonium. Une autre raison pour laquelle le procureur ne serait pas impartial, ajoute M. Saghiyé, serait que lorsqu’il avait été mis au fait de l’existence de cette matière dangereuse, il n’avait pas ordonné sa destruction. On sait que M. Oueidate avait alors ordonné des réparations dans le hangar où le nitrate d’ammonium était entreposé.

À mesure que le temps s’écoule suite à la tragédie du 4 août, les appréhensions augmentent quant à la possibilité de résultats d’une enquête qui dévoileraient enfin la vérité sur les causes et les responsables du cataclysme ayant ravagé Beyrouth et ses habitants. Le conseil de l’ordre des avocats présidé par Melhem Khalaf et Legal agenda dirigé par Nizar Saghiyé tirent la...

commentaires (7)

Dans deux cas de figure, les chargés de l'enquête sont disqualifiés . Ou il y a collusion d'intérêts, ce qu'il , de toute évidence , apparait ou ils font montre d'une certaine incapacité à mener proprement les investigations . Comment les médias internationaux peuvent ils, avec moults détails entre documents à l'appui, témoignage de différents témoins et reconstitution des faits en 3D, reconstituer enchaînement des faits et causes aboutissant à ce drame, contrairement au Liban où l'enquête patine et où l'on se contente d'écrouer 25 sous fifres ( désolé) et d'auditionner 51 témoins de moindre importance ...

C…

15 h 24, le 18 novembre 2020

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Commentaires (7)

  • Dans deux cas de figure, les chargés de l'enquête sont disqualifiés . Ou il y a collusion d'intérêts, ce qu'il , de toute évidence , apparait ou ils font montre d'une certaine incapacité à mener proprement les investigations . Comment les médias internationaux peuvent ils, avec moults détails entre documents à l'appui, témoignage de différents témoins et reconstitution des faits en 3D, reconstituer enchaînement des faits et causes aboutissant à ce drame, contrairement au Liban où l'enquête patine et où l'on se contente d'écrouer 25 sous fifres ( désolé) et d'auditionner 51 témoins de moindre importance ...

    C…

    15 h 24, le 18 novembre 2020

  • N’est-il pas évident que le cirque entrepris par les autorités jusque-là (tel la désignation du juge, le choix de la cour, le refus d’une enquête internationale, la protection des personnalités exposées, l’opacité et le mensonge, la destruction du site etc) n’avait d’autre but que d’enterrer l’affaire plutôt que de savoir la vérité et d’inculper les vrais auteurs? Cela ne démontre qu’une chose: il y a eu préméditation et crime. Pour ce qui est de Macron, qu’a-t’il fait jusque-là d’autre que d’acheter du temps pour les mafieux?

    Fady Abou Hanna

    15 h 23, le 18 novembre 2020

  • Cette affaire ressemble étrangement aux sanctions des corrompus auxquelles les américains ont recours ces derniers temps. Il se cachent tous derrière leur petit doigt en faisant semblant de collaborer pour trouver les responsables alors qu’ils sont connus par tous les libanais et par le monde entier. Leurs signatures sont apposées sur le fameux hangar et les différentes circulaires réclamant la destruction de cette bombe minutée sans qu’aucun ne réagisse avant le drame le confirme. Que faut il de plus a ce procureur pour désigner les assassins et non les responsables de négligence pour les traduire en justice? Il attend qu’ils se présentent dans son bureau pour lui expliquer comment ils ont procédé pour éclairer sa lanterne? S’il est incapable e de constater les évidences par lui même alors il n’est pas à son poste et doit démissionner pour laisser la place à une personne courageuse et compétente qui n’a pas peur de crier la vérité sur tous les toits. Ras le bol des couards et incompétents qui se cachent derrières leurs protecteurs vendus sous prétexte de servir la nation.

    Sissi zayyat

    12 h 47, le 18 novembre 2020

  • Bien que des centaines et des centaines de fonctionnaires, militaires, politiques et intervenants dans le port savaient, la presse n'a rien su ni vu ni entendu parlé de ce problème pendant 7 ans (avant l'explosion), et encore moins les pompiers, les associations environnementales, l'ordre des avocats, les services secrets étrangers, les syndicats ouvriers et la liste est longue. Bizarre, non?! La presse est certainement coupée du terrain pour des raisons budgétaires. Il est essentiel que des médias fusionnent pour permettre l'émergence d'une presse d'investigation digne du 4ème pouvoir qui est le sien. Les médias sont passivement responsables et coupables du 4 août !

    Shou fi

    10 h 41, le 18 novembre 2020

  • Seule une enquête internationale peut établir la vérité sur l'explosion du nitrate d'ammonium ET des "feux d'artifices" stockés à côté. Le fait que Macron persiste à ne pas inscrire cette quête de la vérité dans sa feuille de route montre qu'il est complice de l'Axe des "feux d'artifices" illégaux tout comme le sont Saad Hariri et Walid Joumblatt, tout comme le sera probablement Joe Biden avec sa volonté de réintégrer le JCPOA.

    Citoyen libanais

    07 h 58, le 18 novembre 2020

  • Le juge a-t'il peur de révéler des détails au risque sa vie ? Pour cela, l'enquête internationale devient obligatoire. Au moins, une seule vérité à dévoiler : qui a empêché Diab avant la levée du jour, d'aller visiter le fameux hangar numéro 12, et l'a obligé à rebrousser chemin quelques heures avant de l'accomplir ? Car, si cette visite a eu lieu, les explosifs auraient été sous surveillance, en vue de s'en débarrasser, et l'explosion n'aurait pas eu lieu. Celui qui a demandé à Diab d'annuler, aurait obéi à des ordres reçus à des niveaux successifs de façon à rendre difficile la connaissance du commanditaire.

    Esber

    07 h 40, le 18 novembre 2020

  • BEAU-PERE, GENDRE ET HEZBOLLAH NE VEULENT PAS QUE LA VERITE SOIT REVELEE. MAIS TOUT LE MONDE SAIT QUI EST LE VRAI PROPRIETAIRE DU NITRATE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 14, le 18 novembre 2020

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