
L’aéroport de Dubaï. Photo d’illustration/AFP
La rumeur circulait depuis une dizaine de jours, elle a été confirmée hier. Les demandes de visas des ressortissants libanais pour les Émirats arabes unis sont suspendues jusqu’à nouvel ordre, selon un document consulté par Reuters citant une circulaire en date du 18 novembre. Le Liban fait ainsi partie d’une liste de treize pays à majorité musulmane concernés par cette décision – à savoir l’Iran, la Syrie, l’Irak, la Tunisie, l’Algérie, la Turquie, la Libye, le Yémen, le Pakistan, l’Afghanistan, le Kenya et la Somalie. « Les dossiers pour des visas de nouveaux emplois et de visite ont été suspendus pour les ressortissants de ces pays et qui se trouvent en dehors des Émirats », précise Reuters tout en indiquant qu’il n’est pas clair si cette interdiction peut faire l’objet d’exceptions. La mesure aurait été prise pour « des raisons de sécurité », a indiqué à l’agence une source ayant connaissance du dossier, et « devrait s’étendre sur une courte durée ». Dans un communiqué publié lundi, le porte-parole du ministère pakistanais des Affaires étrangères avait pour sa part estimé que cette décision « serait liée à la deuxième vague de Covid-19 ».
L’ambassade des EAU à Beyrouth, fermée en raison du confinement, n’a toutefois pas reçu d’indications au sujet de la suspension des visas, indique une source informée à L’Orient-Le Jour. Les autorités libanaises n’ont pas non plus été prévenues pour le moment, rapportait hier un diplomate libanais à L’OLJ. « Ce n’est pas un sujet anodin et même s’il s’agissait d’une décision à caractère technique, elle a certainement un aspect politique. Cela va au-delà du ministère des Affaires étrangères et devrait être traité à un niveau plus élevé », a-t-il confié. « Nous pouvons envisager pour notre part une action concertée et coordonnée (avec certains des autres pays visés) », a-t-il souligné.
La décision émiratie alimente les spéculations alors qu’elle intervient sur fond de tensions politiques dans le sillage de la normalisation, le 15 septembre dernier, entre Israël et les Émirats arabes unis, qui n’ont eu de cesse de renforcer leurs liens depuis. En octobre dernier, une délégation émiratie a effectué une visite inédite dans l’État hébreu au cours de laquelle des accords ont été conclus pour les investissements, l’aviation et la coopération scientifique et pour l’exemption de visas pour les ressortissants des deux pays. Une délégation de colons israéliens s’est également rendue à Dubaï au début du mois pour discuter d’opportunités commerciales. Ce rapprochement historique s’inscrit notamment dans une volonté de contrer les projets de l’Iran dans la région. Le nouvel axe émirato-israélien est notamment basé sur la question de la sécurité, et la suspension des visas pourrait être liée au fait que les deux alliés considèrent les ressortissants des pays concernés comme un possible risque. « Cette décision est clairement basée sur certaines informations récoltées par les renseignements émiratis qui spéculent sur les menaces potentielles en provenance des pays concernés », remarque un expert en sécurité, basé dans le Golfe, précisant que ces menaces peuvent être liées les unes aux autres ou être séparées. Si les Émirats ont déjà adopté ce type de mesures temporaires par le passé, il s’agit de la première fois que le Liban est visé. « Les relations entre les deux pays ne sont pas très bonnes : les Émirats n’ont actuellement pas d’ambassadeur présent au Liban et ils ont leur propre position à l’égard du pays, entre autres, en raison du gouvernement (qu’ils considèrent comme soumis au Hezbollah) », ajoute-t-il. L’ambassadeur émirati, Hamad Saeed al-Shamsi, aurait terminé son mandat à Beyrouth et aurait été nommé au Caire. Selon les médias arabes, il ne sera pas remplacé. Son homologue saoudien, Walid Boukhari, aurait de son côté récemment quitté le Liban après avoir pris un « long congé ». Des décisions qui seraient liées au mécontentement d’Abou Dhabi et Riyad à l’égard des responsables libanais et aux ingérences du Hezbollah dans les affaires des pays arabes.
Critères spécifiques
Mardi dernier, l’ambassadeur du Liban aux EAU, Fouad Dandan, avait toutefois indiqué à la LBCI avoir pris contact avec des agents du ministère émirati des Affaires étrangères « qui (lui) ont confirmé qu’il n’y a pas de décision officielle » au sujet des visas. Le lendemain, des sources émiraties citées par la MTV avaient pour leur part confirmé avoir informé de manière non officielle les compagnies aériennes, dont la Emirates, de leur intention de mettre la décision en œuvre prochainement. Contacté par L’OLJ hier, Fouad Dandan n’a pas répondu à nos sollicitations.
Autant d’informations qui ont contribué à alimenter la confusion du côté des voyagistes libanais et de leurs clients.
« Officiellement, nous n’avons pas eu d’instructions à l’exception d’un mail de la compagnie Emirates nous indiquant que les ressortissants libanais pouvaient encore faire une demande de visa pour les EAU selon des critères spécifiques », confie la directrice générale d’une agence de voyages à Beyrouth. « Le problème est que la compagnie ne délivre pas de visas et que les fournisseurs avec qui nous travaillons pour les visas n’ont pas ces informations », souligne-t-elle. Sollicité à ce sujet hier, un haut responsable de Emirates a indiqué que la décision n’est pas du ressort de la compagnie, ajoutant que l’ambassade des EAU et le ministère émirati des Affaires étrangères devraient en savoir plus.
Consulté par L’OLJ, le mail envoyé par Emirates précise que les détenteurs d’une carte de résidence dans les pays du Conseil de coopération du Golfe, d’Europe, des États-Unis, de l’Australie, du Canada et d’Asie de l’Est peuvent prétendre à un visa. Les personnes âgées de 60 ans et plus sont également exemptées de la décision ainsi que les familles voyageant ensemble et dont les demandes de visas doivent être groupées. « Nos partenaires nous ont discrètement dit de ne pas perdre notre temps et que les dossiers qui ne respectent pas ces critères seraient rejetés », affirme pour sa part un responsable chargé des demandes de visas au sein d’une agence de voyages à Beyrouth.
Selon la directrice générale de l’agence de voyage précitée, les demandes de visas pour les EAU envoyées ces derniers jours par des ressortissants libanais dont le dossier est conforme à ces nouveaux critères sont toutefois toujours en attente. Et ce alors que le délai de réponse est habituellement de 24 ou 48 heures, selon différents voyagistes interrogés par L’OLJ. Les Libanais résidant déjà sur place, dont le nombre est estimé à 156 000, ont cependant pu renouveler leurs visas depuis les Émirats.
La rumeur circulait depuis une dizaine de jours, elle a été confirmée hier. Les demandes de visas des ressortissants libanais pour les Émirats arabes unis sont suspendues jusqu’à nouvel ordre, selon un document consulté par Reuters citant une circulaire en date du 18 novembre. Le Liban fait ainsi partie d’une liste de treize pays à majorité musulmane concernés par cette décision...
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Interesting article
Fadoul Paul
15 h 10, le 26 novembre 2020