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Politique - Décryptage

Entre Baabda et Aïn el-Tiné, un jeu de ping-pong politico-financier

Dans son discours du 22 novembre, le président Michel Aoun avait clairement annoncé la couleur. Il ne compte pas renoncer à l’audit juricomptable (forensic audit), ce même après le refus du cabinet américain Alvarez & Marsal de poursuivre sa mission. Il n’avait donc plus d’autre choix que celui d’adresser une lettre en ce sens au Parlement par le biais du chef du législatif, pour le pousser à assumer ses responsabilités dans ce domaine et à adopter les lois nécessaires pour faciliter ce processus.

Vu de loin, ce procédé est tout à fait constitutionnel. Mais dès qu’on parle de Michel Aoun et de Nabih Berry, les choses sont toujours plus compliquées qu’il n’y paraît. En effet, depuis l’annonce par la société Alvarez & Marsal de son retrait de sa mission consistant à mener l’audit juricomptable de la Banque centrale, des députés du bloc du Liban fort (dont le Courant patriotique libre fondé par Michel Aoun est la principale composante) ont immédiatement pointé du doigt le président de la Chambre et son bloc parlementaire, celui du Développement et de la Libération, les accusant de ne pas vouloir de cet audit et d’avoir protégé le gouverneur de la Banque du Liban lorsqu’il a refusé de remettre au cabinet Alvarez & Marsal les documents qu’il réclamait. Pendant plusieurs jours, les accusations et contre-accusations entre les deux parties se sont multipliées à travers les médias, envenimant encore plus le climat de division dans le pays.

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C’est dans ce contexte que le chef de L’État a donc adressé sa lettre au Parlement par le biais de son chef. La réponse du président Berry n’a pas tardé. Après l’envoi de la lettre lundi, le chef du législatif a fixé, dès mardi, une séance parlementaire plénière pour en discuter demain vendredi à 14h. C’est d’ailleurs la première fois qu’il répond aussi rapidement à une lettre du président. En effet, ce dernier a déjà utilisé à deux reprises ce procédé qui est l’une des rares prérogatives présidentielles qui permet au chef de L’État de s’adresser directement au Parlement. En avril 2018, M. Aoun avait envoyé une lettre au Parlement pour lui demander de revoir l’article 49 de la loi sur le budget 2018, qui accordait à tout étranger qui achète une maison au Liban un titre de séjour. Après des discussions par médias interposés, MM. Aoun et Berry avaient finalement décidé de geler cette demande et il n’en a plus jamais été question. Plus récemment, en juillet 2019, le chef de l’État a de nouveau envoyé une lettre au Parlement pour lui demander d’interpréter l’article 95 de la Constitution sur les équilibres communautaires au sein de la fonction publique. Le président de la Chambre n’a jamais donné suite à cette demande et l’affaire en est restée là.

« Une heure de vérité »

Aujourd’hui, c’est donc la première fois que le président de la Chambre réagit aussi rapidement à une lettre adressée par le président de la République au Parlement. M. Aoun a eu beau affirmer que cette lettre n’a rien à voir avec les tiraillements et les conflits politiques, et qu’elle est destinée à relancer le processus d’audit de la Banque centrale parce que les Libanais ont le droit de savoir où sont allés les fonds disparus, les milieux politiques y ont tout de même vu un nouvel épisode du bras de fer qui oppose depuis des années Baabda à Aïn el-Tiné. Selon ces mêmes milieux, le président de la Chambre n’aurait pas réagi aussi rapidement s’il ne s’était pas senti visé par les accusations sur les parties qui entravent l’audit, cherchant ainsi à protéger le système de corruption. Il a donc relevé rapidement le défi pour bien montrer qu’il n’a rien à cacher. En même temps, son bloc parlementaire a préparé un projet de loi pour que l’audit puisse couvrir toutes les institutions de L’État et tous les ministères, notamment celui de l’Énergie, sachant que la dilapidation des fonds dans ce ministère est l’une des principales causes du déficit budgétaire depuis des années et constitue une cible facile pour atteindre le bloc du Liban fort et son chef Gebran Bassil.

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Selon certains milieux politiques, en réagissant ainsi, Berry et son camp semblent donc dire à Aoun et son camp : « Nous pouvons aussi vous atteindre »... « Le jeu de ping-pong », comme l’appelle un politicien chevronné, entre Baabda et Aïn el-Tiné se poursuit donc et l’échange de coups continue, chaque partie souhaitant jeter dans le camp de l’autre la balle de l’audit.

Des contacts de dernière minute sont toutefois entrepris entre les différentes parties pour tenter d’assurer d’abord le quorum de la séance parlementaire qui doit s’ouvrir à 14h vendredi et en même temps pour qu’elle puisse être productive. Cette séance est d’ailleurs perçue par le bloc du Liban fort comme « une heure de vérité » qui devrait permettre aux citoyens de découvrir qui veut réellement l’audit et qui cherche à le vider de son contenu en multipliant les conditions et donc les entraves. Certains analystes vont même jusqu’à dire que la proposition du président de la Chambre de vouloir ouvrir maintenant le débat sur la loi électorale, qui braque d’ailleurs les deux formations chrétiennes, le CPL et les FL, serait une tentative indirecte de détourner le débat général de l’audit financier pour l’orienter vers des questions politiques qui n’ont aucune chance d’être réglées à l’heure actuelle...

Dans son discours du 22 novembre, le président Michel Aoun avait clairement annoncé la couleur. Il ne compte pas renoncer à l’audit juricomptable (forensic audit), ce même après le refus du cabinet américain Alvarez & Marsal de poursuivre sa mission. Il n’avait donc plus d’autre choix que celui d’adresser une lettre en ce sens au Parlement par le biais du chef du législatif,...

commentaires (3)

je cite: " Une heure de vérité »"" fin de citation .. ENCORE UNE qui ne sera jamais que cela: une heure de verite fantasmee & irreelle . de l'arabe : ""SON DEFENSEUR N'EST QUE SON VOLEUR LUI-MEME""

Gaby SIOUFI

09 h 41, le 26 novembre 2020

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Commentaires (3)

  • je cite: " Une heure de vérité »"" fin de citation .. ENCORE UNE qui ne sera jamais que cela: une heure de verite fantasmee & irreelle . de l'arabe : ""SON DEFENSEUR N'EST QUE SON VOLEUR LUI-MEME""

    Gaby SIOUFI

    09 h 41, le 26 novembre 2020

  • Ils sont No 1 et 2, et désignés pour diriger notre pays et son peuple. Manifestement ils ne savent faire qu'une chose: se quereller entre eux pour préserver leurs intérêts personnels...ainsi que la corruption généralisée qu'ils couvrent depuis des années et en profitent largement eux-mêmes, tout en prétendant sans arrêt vouloir la combattre ! L'enfer promis par le "premier"continue de brûler nos vies, M E R C I Messieurs !!! - Irène Saïd

    Irene Said

    09 h 04, le 26 novembre 2020

  • Le pays coule, et eux ils jouent encore au ping-pong. Charmant.

    Gros Gnon

    01 h 08, le 26 novembre 2020

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