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Moyen-Orient - Éclairage

Après la mort de Moallem, remaniement au sein de l’écurie Assad

Fayçal Moqdad prend, sans surprise, la tête du ministère des Affaires étrangères avec Bachar Jaafari pour le seconder.

Après la mort de Moallem, remaniement au sein de l’écurie Assad

Le négociateur en chef du régime syrien, Bachar Jaafari, devient vice-ministre des Affaires étrangères. Archives AFP

C’est un remaniement sans grande surprise au sein de l’écurie d’Assad qui met fin aux bruits de couloir. Moins d’une semaine après la mort de Walid Moallem, vice-Premier ministre et ministre syrien des Affaires étrangères et des Expatriés, le président Bachar el-Assad a émis dimanche soir un décret annonçant les changements ministériels, propulsant des personnalités proches de Téhéran.

Largement pressenti pour ce poste, le vice-ministre des Affaires étrangères, Fayçal Moqdad, 66 ans, prend ainsi la tête du cabinet. Une succession logique puisque ce diplomate de carrière a été le bras droit de Moallem pendant quatorze ans et qu’il est de confession sunnite. Historiquement, ce poste est réservé à une personnalité issue des rangs de la communauté sunnite afin de faciliter les échanges avec le monde arabe, mais aussi de conserver un semblant de diversité communautaire au sein d’un pouvoir concentré entre les mains d’un noyau dur alaouite. Issu de la « même école » que son mentor, aux côtés de qui il a pris ses fonctions au même moment, l’homme affiche un parcours classique pour un cacique du régime. Originaire de Ghasm, dans le gouvernorat de Deraa, où il est né en 1954, le futur diplomate s’est rapidement démarqué en joignant la direction du mouvement estudiantin dans la capitale syrienne. Il obtient un diplôme en littérature de langue anglaise à l’Université de Damas en 1978, suivi d’un doctorat de l’Université Charles IV de Prague en 1993. Entré au sérail en 1994, il rejoint l’année suivante la délégation syrienne auprès de l’ONU avant d’être nommé en 2003 représentant permanent de la Syrie aux Nations unies. En bon soldat du régime, Fayçal Moqdad sera l’un des défenseurs les plus ardents du système en place tout au long de la guerre civile et n’aura de cesse de renforcer les liens avec l’Iran et la Russie, parrains du régime.

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Lors des toutes premières manifestations qui ont éclaté à Deraa, il avait été envoyé à la tête d’une délégation, avec l’ancien chef des renseignements syriens au Liban, Rustom Ghazalé, également originaire de la ville, pour présenter ses condoléances au nom du régime aux familles de protestataires tués. Leur déplacement avait provoqué la colère de la rue venue scander « Quiconque s’en prend à son peuple est un traître. » En mai 2013, le père de Fayçal Moqdad est enlevé à Deraa par des forces de l’Armée syrienne libre (ASL), en réponse aux détentions arbitraires de proches de combattants de l’opposition. L’homme sera finalement libéré le 8 juin 2013 en échange de 45 détenus, dont des femmes et un enfant.

Quelques années plus tard, ce fonctionnaire niera à plusieurs reprises l’utilisation d’armes chimiques et se montrera très virulent avec tous les opposants au régime, et en particulier la Turquie, mais aussi les Kurdes dont il dénoncera le projet fédéraliste en 2017, qualifiant de « blague » les élections en vue de constituer une Assemblée. De nature plutôt discrète, Fayçal Moqdad est toutefois apparu dans une interview pour AP en avril 2016 portant au poignet une montre en argent à l’effigie de Bachar el-Assad, ce qui lui avait valu d’être la risée des internautes de l’opposition syrienne. Le diplomate chevronné a également été le principal interlocuteur du pays avec les agences onusiennes et étrangères basées à Damas, et a joué un rôle déterminant dans les efforts visant à détourner l’aide pour servir les intérêts du gouvernement à court de liquidités, selon des sources onusiennes et des travailleurs humanitaires internationaux, mentionnés par Arab Weekly. Selon le New York Times, son épouse, Choukria Moqdad, aurait même été engagée comme consultante en 2016 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) afin d’évaluer la santé mentale des réfugiés syriens.


Le nouveau chef de la diplomatie syrienne Fayçal Moqdad. Archives AFP


Complot « démoniaque »

Seconde personnalité à prendre du galon : Bachar Jaafari. Il secondera Moqdad en tant que vice-ministre des Affaires étrangères et quitte ainsi son poste de représentant permanent de la Syrie auprès des Nations unies qu’il occupait depuis 2006 pour regagner Damas. L’ambassadeur à Vienne, Bassam al-Sabbagh, le remplacera à New York. Marié à une Iranienne, cet homme originaire de Damas est peut-être l’un des plus farouches défenseurs de la maison Assad. L’homme aux petites lunettes, qui n’a pas la langue dans sa poche, est connu pour ses violentes diatribes auprès des instances de l’ONU. Dès le début de la guerre en 2011, il n’avait pas hésité à qualifier de complot « démoniaque » la résolution votée contre son pays en réponse à la répression du régime. Il avait provoqué l’ire des autorités libanaises après avoir assuré en 2012 que le Liban sert de repaire à el-Qaëda et de relais pour la contrebande d’armes vers la Syrie.

Promotion un peu moins attendue en revanche, celle de Luna Chebel qui devient « conseillère spéciale à la présidence ». Cette ancienne présentatrice d’al-Jazeera et ex-épouse du journaliste Sami Kleib a monté tous les échelons au sein de la machine propagandiste syrienne jusqu’à obtenir le poste de directrice du bureau de presse et politique, et faire partie du cercle restreint de Bachar el-Assad. Née en 1975 dans la ville druze de Soueïda, Luna Chebel a été placée sous sanctions américaines le 20 août dernier. Celle-ci a joué un « rôle déterminant dans l’élaboration du faux récit d’Assad » et a « orchestré des séances de photos pour Assad parmi les Syriens en liesse », selon le département du Trésor américain. Selon des médias de l’opposition, elle serait rapidement montée en puissance au sein du régime et aurait conseillé le président dans des domaines en dehors de son expertise, tels que la sécurité, l’armée et l’économie. Pas un média international ne peut accéder à Bachar el-Assad sans passer par elle. Une relation privilégiée qui aurait provoqué la jalousie de son épouse Asma, selon des rumeurs propagées en 2017 dans les médias anti-Assad. Fonctionnaire zélée et ultrapatriote, Luna Chebel avait participé à la conférence Genève 2 en 2014 où elle aurait déclaré : « Ne vous inquiétez pas, le président restera (à son poste) et il se présentera pour un second mandat, et personne ne peut changer cette réalité, y compris les États-Unis. » Elle avait été critiquée pour s’être esclaffée lors de la conférence, alors qu’elle était assise derrière Walid Moallem. « Je riais de la façon dont le gouvernement syrien a forcé quarante pays à bien l’écouter pendant une demi-heure ou plus », avait-elle alors rétorqué.


C’est un remaniement sans grande surprise au sein de l’écurie d’Assad qui met fin aux bruits de couloir. Moins d’une semaine après la mort de Walid Moallem, vice-Premier ministre et ministre syrien des Affaires étrangères et des Expatriés, le président Bachar el-Assad a émis dimanche soir un décret annonçant les changements ministériels, propulsant des personnalités proches de...

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"Écurie" c’est le mot qui convient...

Gros Gnon

12 h 51, le 24 novembre 2020

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Commentaires (1)

  • "Écurie" c’est le mot qui convient...

    Gros Gnon

    12 h 51, le 24 novembre 2020

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