
Le chef des Kataëb, Samy Gemayel. Photo d'archives
Le chef du parti chrétien Kataëb, Samy Gemayel, a mené samedi une violente charge contre le Hezbollah à l'occasion de l'Indépendance du Liban, affirmant que les armes du parti chiite sont contraires aux principes de l'État et de sa souveraineté. Il a également profité de cette occasion pour dénoncer la classe au pouvoir qu'il accuse de corruption, alors que le pays continue de s'enfoncer dans une grave crise économique et politique.
"Le Liban passe par la phase la plus difficile de son histoire. Nous voyons les Libanais perdre leur travail, leur salaire... Les jeunes émigrent et les responsables ne s'en soucient pas", a regretté le leader chrétien qui a démissionné du Parlement dans la foulée de l'explosion meurtrière du 4 août au port de Beyrouth.
"Nous n'allons pas baisser les bras car l'affrontement a lieu aujourd'hui. Le Liban n'est pas le premier pays à connaître une crise existentielle. D'autres nations ont connu de graves crises économiques comme la nôtre et s'en sont remis", a martelé Samy Gemayel, lors d'un discours suivi en visioconférence et prononcé à l'occasion du 77e anniversaire de l'Indépendance du Liban, célébré demain dimanche. La célébration coïncide aussi avec les 14e commémorations de l'assassinat de son frère, l'ancien ministre Pierre Gemayel. Ce dernier, farouchement hostile au régime syrien de Bachar el-Assad, avait été tué le 21 novembre 2006 par des assaillants qui avaient ouvert le feu contre son véhicule à Jdeidé, dans la banlieue-est de Beyrouth, le tuant sur le coup avec son garde du corps.
"Vos armes sèment la division"
"Tous les problèmes ont des solutions, des solutions que nous avions déjà proposées, notamment en élaborant un plan économique. Mais à chaque tentative que nous menons, nous nous heurtons à de grands obstacles. Le premier de ces obstacles sont les armes (du Hezbollah), et le second est le système corrompu qui dirige le pays", a lancé le chef des Kataëb.
"Je veux m'adresser à la direction du Hezbollah en toute clarté. La vérité doit être dite : vous embourbez le Liban dans des conflits dont il n'a cure. Vous l'isolez et le prenez en otage en faisant de lui l'objet de sanctions. Et vous refusez de nouvelles élections. Vos armes sont en contradiction avec le Liban et sa stabilité. Vos armes sont en contradiction avec la pluralité et sèment la division. Vos armes éloignent les Libanais les un des autres et les poussent à se retrancher", a poursuivi Samy Gemayel. "Les Libanais n'accepteront pas de vivre avec vos armes qui détruisent leurs rêves et leur avenir. Si vous pensez que vous nous faîtes peur en levant l'index, nous vous rappelons que d'autres plus puissants que vous ne nous ont pas fait peur. Nous n'allons pas nous laisser entraîner sur votre terrain de jeu, celui de l'extrémisme. Le peuple libanais et sa volonté de vivre sont plus forts que vos armes", a encore prévenu le chef des Kataëb.
"Un accord sur le papier"
S'adressant aux partis au pouvoir, qu'il accuse de corruption, Samy Gemayel a dit : "En 2016, vous avez validé l'accord sur la présidentielle en cédant la décision au profit du Hezbollah. Il s'agissait d'un accord sur le papier, car votre décision n'est pas entre vos mains. Vous avez détruit l'économie, vous avez conclu des marchés, vous avez menti au peuple".
Le leader chrétien est ensuite revenu sur la résiliation du contrat de l'audit juricomptable de la Banque du Liban, annoncé vendredi par le cabinet de conseil Alvarez & Marsal, alors que cet audit est réclamé par la communauté internationale pour aider financièrement le Liban. "Même le cabinet d'audit que vous avez choisi pour effectuer l'audit a décidé de plier bagages. Aujourd'hui, vous vous répartissez les rôles, mais en fin de compte, vous resserrez les rangs", a estimé Samy Gemayel.
Selon lui, "le temps du changement et de la reddition des comptes est venu". "Le Liban ne peut plus supporter de rester entre la vie et la mort. Il est temps de nous unir. Nous devons continuer à briser les barrières qui nous séparent. Pour cela les Kataëb œuvrent avec les groupes intègres, souverainistes et propres. Les Kataëb sont au cœur de cet affrontement", a-t-il réaffirmé.
Rappelant que chaque Libanais devrait pouvoir se rendre là où bon lui semble et sans crainte sur le territoire, il a lancé : "Assez d'avoir peur ! Je n'ai peur de personne. Il s'agit de nos frères. Mais certains profitent de la peur des autres pour resserrer les rangs de leurs partisans. Nous voulons construire un pays, pas une ferme". Énumérant enfin les objectifs du parti Kataëb, Samy Gemayel a notamment épinglé une fois de plus les armes illégales qui circulent dans le pays. "Nous voulons une souveraineté totale : pas d'armes de Résistance, ni d'armes dans les camps (de réfugiés palestiniens), ni entre les mains des clans. (...) Le projet des Kataëb n'est pas celui d'une société de résistance qui vit de guerre, de destruction et d'armes. Notre projet est celui de la paix, de l'ouverture et de la culture (...)".
Il a en outre appelé à établir un État civil, plaidant en faveur du mariage civil et rejetant les partis fondés sur la religion. Samy Gemayel a aussi défendu l'économie libérale.
En raison de la pandémie du coronavirus, et alors que le Liban est reconfiné jusqu'au 30 novembre, les célébrations de l'Indépendance ont été annulées. Tout au long de la journée, les sépultures d'anciens hommes d'État, considérés comme les "pères de l'Indépendance", ont toutefois été fleuries par des responsables politiques. Des couronnes de fleurs ont ainsi été déposées sur les tombes des anciens présidents Fouad Chéhab et Béchara el-Khoury, des anciens présidents du Parlement Habib Abi Chahla et Sabri Hamadé, et des anciens Premiers ministres Riad Solh, Saëb Salam, Abdelhamid Karamé et Rafic Hariri.
Le Liban avait déclaré son indépendance vis-à-vis de la France, le 22 novembre 1943. Chaque année, cet anniversaire est marqué par un grand défilé militaire, organisé dans le centre-ville de Beyrouth. Le défilé a été annulé cette année, mais l'an dernier, alors que le pays vivait depuis plus d'un mois au rythme d'un grand mouvement de soulèvement populaire, les autorités s'étaient contentées d'un défilé réduit, donné à l'école militaire de Yarzé, tandis que les contestataires avaient organisé une parade "civile" dans le centre-ville.
commentaires (17)
Les corrompus savent faire deux choses, voler l'argent et faire les montages les plus complexes pour ne pas se faire prendre. aoun demande à ceux qui accusent son gendre de corruption, une preuve écrite, alors qu'il accuse Berri et Joumblatt de corruption sans avoir produit le moindre papier qui les accusent. Vous voulez pour preuve, un reçu signé de la main de l'accusé pour l'argent volé???
DJACK
17 h 51, le 23 novembre 2020