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Environnement - Catastrophes naturelles

Incendies : 2020, l’année de tous les records

La superficie globale qui a brûlé cette saison au Liban est équivalente à sept fois la moyenne annuelle, le pire bilan depuis que les statistiques existent, selon l’Institut d’études environnementales de Balamand.


Incendies : 2020, l’année de tous les records

L’incendie de Bentaël, à Jbeil, près d’une réserve, était le plus spectaculaire observé dans cette zone cette année. Photo Roland Khoury

Nous avons tous encore en mémoire la spectaculaire saison des incendies de 2019, dont le pic, en octobre, avait révolté les Libanais et même été considéré comme un des éléments catalyseurs du soulèvement populaire qui a eu lieu quelques jours plus tard, le 17 octobre. Ce que l’on sait moins, en revanche, c’est que la saison 2020, celle au cours de laquelle des incendies ont ravagé le pays en septembre et octobre, est de loin plus catastrophique, détruisant plus de deux fois plus de terrains… dans une quasi-indifférence générale. Était-ce la crise de trop dans une année exceptionnelle ?

Quoi qu’il en soit, les chiffres récemment publiés par l’Institut d’études environnementales, basés sur les images satellites, sont effarants. Le Liban vient de perdre cette année 7 132 hectares de terrains forestiers et agricoles, contre 3 000 l’année dernière, quand les feux de forêt faisaient les gros titres. « Ce chiffre est le plus élevé jamais enregistré au Liban depuis que l’on a des statistiques sur le sujet, explique Georges Mitri, directeur du programme sur les ressources naturelles à l’Institut d’études environnementales de l’Université de Balamand. Pour donner une idée de la gravité de la situation, la moyenne annuelle, calculée entre les années 2008 et 2018, est de mille hectares brûlés par an. La superficie perdue cette saison est donc sept fois plus importante ! »

L’année 2020, celle de toutes les crises, politique, sociale, économique, financière, est également celle de tous les records en matière d’incendies de forêts. Celles-ci ont vu leur superficie réduite de 2 977 hectares (entre forêts et maquis). Mais il ne s’agit pas que de surfaces brûlées, c’est les types de terrains dévastés par les flammes qui se sont diversifiés. « Pour la première fois, nous avons recensé, parmi ces quelque trois mille hectares de forêts incendiées, 54 hectares de surfaces couvertes de cèdres, sapins de Cilicie et genévriers, souligne l’expert. Ces terrains étaient jusque-là à l’abri de tels sinistres, atteignant rarement le degré de sécheresse qui favorise les feux. » Une nouvelle donne à observer avec vigilance donc, selon lui. D’autant plus que ces forêts, non habituées au feu, ne peuvent se régénérer facilement après avoir été décimées.

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L’on note aussi une évolution en ce qui concerne l’altitude à laquelle les incendies ont été recensés : 441 hectares de terrains brûlés se trouvent entre 1 500 et 2 218 mètres d’altitude, ce qui dénote un élargissement de l’éventail de zones touchées et confirme le fait que les jurds (arrières-pays, NDLR) ne sont plus épargnés comme ils auraient pu l’être dans le passé.

Outre les forêts et maquis, le Liban a perdu cette saison 1 242 hectares de terrains agricoles : Georges Mitri en note l’impact économique catastrophique dans les zones rurales. Le reste des terrains incendiés, un peu moins de trois mille hectares, sont des prairies. Cette saison, des habitations ont souvent été encerclées par les flammes, sans compter que l’on déplore un mort, un volontaire qui tentait d’éteindre un incendie dans la région de Jezzine.


La carte des feux de forêt de 2020 établie par l’Institut d’études environnementales de Balamand : on y remarque la concentration remarquable de feux dans le Akkar, à l’extrême nord du Liban. On y voit également, sur le graphe en haut à droite, que les feux de forêt et de prairie se divisent presque l’essentiel des superficies brûlées, alors que les zones agricoles en constituent le reste.


Panique dans les réserves

Et comme si toutes ces données inédites ne suffisaient pas, le rapport de l’Institut d’études environnementales de Balamand a recensé 1 036 hectares de superficies brûlées dans ce que l’on appelle les « zones-clés de biodiversité », soit les havres qui renferment des espèces végétales caractéristiques et parfois en danger d’extinction, et abritent de nombreuses espèces animales qui, suite aux sinistres, perdent souvent leurs habitats, qu’il s’agisse de mammifères, d’oiseaux ou autres. « De telles pertes sont inestimables, étant donné que ces espèces peuvent difficilement survivre dans de telles conditions », dit-il.

Aucun recensement n’a encore été fait pour déterminer avec exactitude l’étendue de ces pertes, mais on sait d’ores et déjà que les réserves naturelles ont fait les frais de ces sinistres. Fin octobre, l’Association de protection de Jabal Moussa (APJM), entre le Kesrouan et Jbeil, déclarait que plus de 150 000 mètres carrés de terrains agricoles et forestiers, riches en biodiversité, sont partis en fumée dans son périmètre et son voisinage.

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De son côté, Raymond Khoury, président du comité de la réserve de Bentaël, à Jbeil, se souvient d’une nuit cauchemardesque lors de laquelle 45 000 mètres carrés ont été dévastés aux abords de la réserve. Des maquis et de terrains plantés d’amandiers, d’oliviers, de pins… « La réserve n’a dû son salut qu’à notre plan de prévention, dans le cadre duquel nous avions fait installer des points d’eau aux entrées du site, ainsi qu’au nettoyage du voisinage direct, défriché des hautes herbes qui auraient contribué à alimenter le feu, explique-t-il. Il n’en demeure pas moins que ce fut une vision d’horreur. Je n’ai jamais vu une propagation des flammes plus rapide : nous étions en pleine nuit, et des flammèches bondissaient d’un endroit à l’autre, allumant des feux à des dizaines de mètres du foyer initial. »

Parmi les régions libanaises, c’est le Akkar, l’un des départements les plus boisés du pays, qui a été le plus durement touché. De loin. Ce caza a perdu en une seule saison un peu moins de 2 700 hectares, dont une majorité de terrains forestiers et de maquis.


Certains incendies se sont dangereusement rapprochés des zones résidentielles, comme ici à Jal el-Dib, près de Deir el-Salib. Photo d’archives Marc Fayad


Des journées de chaleur exceptionnelle

Si les catastrophes environnementales se poursuivent depuis deux ans, et que cette saison d’incendies a été exceptionnellement sévère, c’est que les conditions climatiques sont de plus en plus propices à ces grands sinistres. « Les régions touchées sont de plus en plus sèches, le sol ayant perdu toute son humidité en fin d’été, ce qui favorise le déclenchement des incendies et leur étendue de plus en plus importante, souligne Georges Mitri. Les feux qui ont atteint les forêts de cèdres par exemple ont commencé plus bas, mais se sont rapidement étendus, échappant à tout contrôle, jusqu’à toucher des zones jusque-là préservées. »

Pour l’expert, le problème ne tient pas seulement à la longueur de la période de sécheresse au cours de l’année, mais aussi au nombre de jours où des températures bien plus élevées que la normale sont enregistrées. « En 2019, au cours des deux jours particulièrement destructeurs, les 14 et 15 octobre, nous avions enregistré des températures de trois degrés plus élevées que la normale, rappelle-t-il. En 2020, les jours où des incendies majeurs ont éclaté coïncidaient avec des températures record (par rapport aux cent dernières années). De plus, dans 50 % des cas, un vent sec et chaud soufflait. »

Est-il pertinent d’évoquer ici le changement climatique ? Et faut-il s’attendre à une multiplication de ces phénomènes ? « L’effet du changement climatique est une question de tendance, souligne-t-il. Cela signifie que la fréquence de telles journées de chaleur intense est appelée à augmenter. » L’expert évoque une étude effectuée par son institut en 2012, publiée en 2014, sur la progression de la sécheresse dans le pays sur la période allant de 2010 à 2020. « Nous avions fait une projection climatique qui montrait déjà que les jurds seraient de plus en plus menacés par les incendies, notamment dans les régions montagneuses du Nord, qui seront davantage sujettes à la sécheresse. Et nous y voilà ! » dit-il.

Intervenir en forêt

Face aux évidents bouleversements en cours, revoir la gestion, aujourd’hui catastrophique, des incendies devient une priorité. Pour cela, il faut commencer par ne plus se soucier des feux de forêt durant la seule saison dangereuse, en fin d’été. « Il est nécessaire de débroussailler dès le printemps, en mai, et de ne pas attendre la saison des incendies pour intervenir, parce que ce serait alors trop tard », affirme Raymond Khoury.

Georges Mitri met, pour sa part, en avant la nécessité d’un plan de gestion des forêts sur dix ans. « Nos forêts sont fragilisées non seulement par les incendies, mais par les maladies et attaques d’insectes, et chaque problème aggrave l’autre, estime-t-il. Or il faut intervenir pour les nettoyer, les élaguer, voire réduire la densité des arbres là où cela est nécessaire. » Il plaide même pour un développement des activités économiques spécifiques aux forêts, ce qui permet aux populations rurales d’en profiter, tout en renforçant la résilience de la forêt.

Il faut également compter les facteurs aggravants qui n’ont pas un rapport direct avec la gestion forestière, comme la négligence dont fait l’objet le principal appareil de lutte contre les incendies, la Défense civile, dont un taux incroyable de 30 % de voitures étaient en panne au moment des grands incendies… Ou des enquêtes inexistantes ou bâclées, qui ne permettent jamais d’identifier les coupables, qu’il s’agisse d’incendies criminels ou découlant d’une négligence. Car l’écrasante majorité des feux, sinon tous, sont d’origine anthropique, c’est-à-dire liés à une activité humaine, confirme Georges Mitri, et ils demeurent largement impunis. Et de mettre en garde : « Nous allons vers des années encore plus difficiles, il est urgent de modifier notre approche de ce dossier. »

Nous avons tous encore en mémoire la spectaculaire saison des incendies de 2019, dont le pic, en octobre, avait révolté les Libanais et même été considéré comme un des éléments catalyseurs du soulèvement populaire qui a eu lieu quelques jours plus tard, le 17 octobre. Ce que l’on sait moins, en revanche, c’est que la saison 2020, celle au cours de laquelle des incendies ont ravagé...

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L,ANNEE DE TOUS LES RECORDS EN LES CATASTROPHES DE TOUS GENRES. DU PLUS GRAND PAYS DU MONDE QU,EST L,AMERIQUE LE CLOWN VAINCU AUX URNES NE VEUT PAS QUITTER LE POUVOIR, ET DANS LE PLUS PETIT PAYS QU,EST LE LIBAN LE CAPORAL S,Y ACCROCHE AVEC DENTS ET GRIFFES DES PIEDS ET DES MAINS.

LA LIBRE EXPRESSION

07 h 53, le 19 novembre 2020

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Commentaires (3)

  • L,ANNEE DE TOUS LES RECORDS EN LES CATASTROPHES DE TOUS GENRES. DU PLUS GRAND PAYS DU MONDE QU,EST L,AMERIQUE LE CLOWN VAINCU AUX URNES NE VEUT PAS QUITTER LE POUVOIR, ET DANS LE PLUS PETIT PAYS QU,EST LE LIBAN LE CAPORAL S,Y ACCROCHE AVEC DENTS ET GRIFFES DES PIEDS ET DES MAINS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 53, le 19 novembre 2020

  • Un triste record de plus!

    NAUFAL SORAYA

    07 h 17, le 19 novembre 2020

  • Les larmes de tous les libanais ne suffiraient plus à éteindre les feux, seuls l'union de tous ses enfants éteindra ces feux et fera revivre le pays!

    Wlek Sanferlou

    03 h 26, le 19 novembre 2020

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