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Nos Lecteurs ont la Parole

Poutine et Erdogan, le tango de la mort

Poutine et Erdogan. Erdogan et Poutine. La médaille et son revers. Le tango de la mort.

Malgré la gravité de la situation dans le Haut-Karabakh, notamment à la suite de la victoire azerbaïdjanaise entérinée par l’accord entre la Russie, l’Arménie et l’Azerbaïdjan du 9 novembre 2020, le Caucase n’est en réalité que la dernière scène en date sur laquelle le tandem Poutine- Erdogan a parfaitement joué, toujours de façon très réciproque et interdépendante, son piètre numéro de danseurs- illusionnistes.

Il est bien difficile de faire fi du fait que l’Azerbaïdjan de Alïev et son allié, la Turquie d’Erdogan, n’auraient jamais pu reprendre le Haut-Karabakh sans l’accord de Poutine. Alors que l’Arménie tablait sur le soutien militaire de son allié russe, le « grand Poutine » de la « sacro-sainte Russie », ce « protecteur des minorités chrétiennes au Levant » – comme beaucoup d’identitaires chrétiens zélés aiment le décrire – a manifestement préféré lâcher les Arméniens et permettre la reprise du Karabakh par les Azerbaïdjanais, suite à un marchandage tacite, sous la table, avec Erdogan, en contrepartie de « gains » russes que le président turc lui avait très probablement cédés, en premier, surtout, en Syrie.

Le « grand Erdogan », « le nouveau calife de l’islam », « protecteur des sunnites dans le monde » – termes employés par beaucoup de chantres identitaires sunnites pour chanter ses louanges –, n’avait-il pas, de son côté, lâché certains de ses alliés qu’il prétendait aussi « protéger », notamment en Syrie ? Les scènes d’exode de Syriens à Alep, Ghouta, Homs et bien d’autres régions syriennes, qui se succédaient depuis 2011, n’étaient-elles pas ainsi un préambule précédant le chapitre actuel de l’exode des Arméniens du Haut-Karabakh ? Et l’exode de ces derniers ne serait-il pas, à son tour, le prologue aux malheurs d’un autre peuple encore dans ce tango de marchandage maladif entre puissances régionales ?

Les grands discours, les belles paroles et autres promesses, les larmes de crocodile sont toujours faciles et sont souvent le fonds de commerce de chefs populistes dans leur jeu d’illusionnistes. En revanche, la réalité géopolitique, elle, est malheureusement cruelle et dénuée de tout sentimentalisme. Et les peuples, eux, paient toujours le prix. Mais, malheureusement, à force de voir volontairement avec un seul œil, on devient borgne. D’autant plus quand il s’avère qu’applaudir le malheur des autres, c’est finalement acclamer, tôt ou tard, son propre malheur.

Erdogan n’aurait rien pu « réaliser » au Moyen-Orient sans son Poutine. Et inversement. Sans oublier, bien sûr, l’Iran de Khamenei qui a un rôle prépondérant dans ce ménage à trois, ce « threesome » répugnant au Moyen-Orient ; l’Iran des mollahs qui a perdu la mise face à son voisin, tout aussi chiite que lui, l’Azerbaïdjan. Le tout se joue sous l’œil bien approbateur d’Israël de Netanyahu qui, lui, se délecte de la scène et y apporte sa petite touche, du Haut-Karabach (vente d’armes à l’Azerbaïdjan) jusqu’aux portes du Liban.

Et bien sûr, ce tango de la mort se produit impunément devant l’attentisme impuissant de régimes arabes dictatoriaux et souvent théocratiques qui (en Arabie saoudite, aux Émirats arabes unis, en Égypte ou dans d’autres pays) tantôt jouent la fameuse carte de la stabilité, de « l’islam modéré et ouvert » et d’un prétendu rempart face aux mouvements jihadistes (alors que leurs dictatures fournissent le parfait terroir à ces mouvements), tantôt pactisent avec le diable, dans les deux cas pour s’assurer le soutien des puissances étrangères quant à leur maintien au pouvoir face à leurs peuples ainsi que pour mater toute velléité d’opposition démocratique à leurs régimes.

Et, pour compléter ce tableau bien sombre, comment omettre l’amateurisme de la politique étrangère macronienne au Moyen-Orient, ainsi que les déboires et les errements du chef d’un État qui existe, selon de Gaulle, « un pacte vingt fois séculaire » entre sa « grandeur » et la « liberté du monde »; chef d’un État qui, tout en lançant dans son pays une croisade sous prétexte de « laïcité falsifiée » – pour emprunter le terme au sociologue et historien français Jean Baubérot –, se laisse piéger à plusieurs reprises, même par des bluffeurs internationalement connus et reconnus, comme les politiciens libanais, pour aboutir au cuisant échec de son initiative au Liban.

Quant aux Libanais, dans tout cela, ils excellent dans leur bêtise, surtout en rivalisant, non sans énormément de ridicule, dans leur instinct de mort, qui pour combattre aux côtés du régime syrien, de l’Iran et de la Russie, sous le prétexte de protéger les « maqamât » religieux ; qui pour combattre aux côtés de l’opposition syrienne dont beaucoup de factions ont complètement oublié la raison pour laquelle elles se sont soulevées contre Assad et ses alliés pour se transformer en simples mercenaires de la Turquie ; qui pour combattre aux côtés des Arméniens dans une région (le Haut-Karabakh et ses environs), qui, nonobstant toutes les allégations historiques qui peuvent être parfaitement correctes, est indiscutablement, indéniablement, au regard du droit international, un territoire azerbaïdjanais occupé depuis 1992 par une force étrangère, l’Arménie.

Et le Liban dans tout cela ? Et son droit dans tout cela ? Il est délaissé, mourant à feu lent non seulement à cause du comportement criminel de sa classe politique, mais aussi, souvent, à cause de la bêtise crasse et du tribalisme abject de ses communautés confessionnelles.


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