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Tokyo veut réduire l’empreinte des sceaux personnels sur la société japonaise

Tokyo veut réduire l’empreinte des sceaux personnels sur la société japonaise

Appelés « hankos », les sceaux personnels sont traditionnellement apposés au Japon sur toutes sortes de documents, des récépissés de livraison aux certificats de mariage. Combattue par le gouvernement pour accélérer la transition vers une société numérique et diminuer la paperasserie, cette coutume ancestrale pourrait toutefois avoir la peau dure. Philip Fong/AFP

Le gouvernement japonais a déclaré la guerre aux sceaux personnels traditionnellement apposés dans le pays sur toutes sortes de documents, des récépissés de livraison aux certificats de mariage, mais leur empreinte sur la société devrait être difficile à effacer totalement. Pour accélérer la transition vers une société numérique, le nouveau Premier ministre, Yoshihide Suga, a frappé d’infamie ces petits sceaux – appelés hankos – qui ont freiné l’adoption du télétravail face à la pandémie du nouveau coronavirus, en forçant de nombreuses personnes à aller au bureau pour tamponner des documents.

Takahiro Makino, qui fabrique des hankos de qualité supérieure, avec leurs minuscules caractères sino-japonais gravés à la main, pense cependant que son métier n’est pas près de disparaître. « Nous n’avons pas besoin d’utiliser des choses qui ne sont plus nécessaires, mais d’un autre côté, un objet de valeur survivra toujours », déclare cet artisan âgé de 44 ans. Autrefois utilisés par la noblesse à travers l’Asie, les hankos sont présents au Japon depuis près de 2 000 ans. Dans son atelier de Tokyo, M. Makino commence par peindre à l’encre noire sur un carré de bois le nom de la personne ou de l’entreprise qui figurera sur le tampon, puis le découpe au burin avec le plus grand soin. « Même en se basant sur la même police d’écriture, chaque tampon est différent », car l’artisan « ajoute sa patte tout en s’ajustant aux besoins du client », explique-t-il.

Symbole de l’âge adulte

Des sceaux ouvragés comme ceux de M. Makino coûtent plusieurs centaines d’euros. Ces attributs de l’adulte responsable japonais, utilisés notamment pour tamponner des documents importants, sont souvent offerts par les parents aux enfants à leur majorité. Des versions plus abordables, fabriquées en masse, sont disponibles dans toutes les épiceries et peuvent être utilisées au quotidien.

C’est Taro Kono, l’ancien ministre de la Défense chargé depuis septembre de mener la réforme administrative du Japon, qui mène la campagne anti-hanko. Opposé à leur usage systématique dans les ministères, M. Kono s’est publiquement indigné de l’exemple d’un document qui aurait été tamponné par plus de 40 personnes pour valider une décision. Les appels du gouvernement contre la paperasserie semblent commencer à porter leurs fruits : l’agence nationale de police a ainsi annoncé récemment qu’elle cesserait d’imposer l’usage du hanko dès l’an prochain. Le conglomérat industriel Hitachi a aussi fait part de son intention d’abolir l’usage du hanko pour les documents internes d’ici à mars 2022.

La bataille culturelle est cependant encore loin d’être gagnée. « Une fois, on m’a demandé de mettre mon sceau sur un papier, de le scanner et de l’envoyer » par e-mail, s’amuse Sayuri Wataya (55 ans), employée dans l’édition. La rigidité et la complexité de la hiérarchie, omniprésente dans les entreprises japonaises, risque aussi de freiner la conversion au tout numérique, estime Takayuki Watanabe, du Japan Research Institute. « Souvent, vous avez besoin du sceau de votre supérieur, puis de ceux du chef d’équipe, du chef de section et du responsable du département » pour valider un seul document, énumère-t-il. Par convention, le plus haut placé dans la hiérarchie appose son cachet à gauche, et les tampons de ses subordonnés sont penchés vers le sien, comme s’ils s’inclinaient devant lui.

Cette accumulation d’encre symbolise qu’une décision a été prise de manière collective, « car ils veulent tous être dans le même bateau » en cas de problème, pense Tetsuya Katayama, comptable de profession. « Au Japon, personne ne veut prendre seul la responsabilité. C’est toujours vague », rappelle-t-il.

Oser la responsabilité

Selon Takayuki Watanabe, la campagne anti-hanko du gouvernement n’aura véritablement d’effets que si les mentalités et les manières d’approuver les décisions évoluent dans le pays, vers davantage de responsabilité individuelle. Sinon, même si des entreprises numérisaient la paperasse, elles pourraient remplacer le hanko « par l’obligation d’appuyer de nombreuses fois sur un bouton », prévient encore M. Watanabe.

Paradoxalement, Keiichi Fukushima, un haut responsable de l’association des fabricants de hankos, ne voit pas d’un mauvais œil les projets du gouvernement. Réduire l’usage du hanko pourrait redonner à ces sceaux l’importance qu’ils avaient autrefois, quand ils étaient utilisés pour les grandes occasions uniquement, raisonne M. Fukushima : « Ce serait une bonne occasion de montrer à quel point la coutume du hanko est importante. »

Harumi OZAWA/AFP

Le gouvernement japonais a déclaré la guerre aux sceaux personnels traditionnellement apposés dans le pays sur toutes sortes de documents, des récépissés de livraison aux certificats de mariage, mais leur empreinte sur la société devrait être difficile à effacer totalement. Pour accélérer la transition vers une société numérique, le nouveau Premier ministre, Yoshihide Suga, a...

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