Rechercher
Rechercher

Agenda - Hommage

Joseph Sayegh, un immense poète et écrivain

Le grand poète libanais arabophone vient de nous quitter à Paris, laissant une œuvre très riche et variée et surtout un grand vide chez ceux qui l’ont connu, estimé et aimé. J’ai eu la joie et l’honneur de le côtoyer durant trois décennies.

Ce fut mon prédécesseur en tant que chargé des affaires culturelles à la délégation permanente du Liban auprès de l’Unesco et il reste pour moi l’exemple toujours vivant de la rigueur intellectuelle, de la créativité artistique, de l’engagement patriotique, de la discipline, de l’érudition, de l’humilité et de l’intégrité. Un homme exceptionnel et un immense poète qui œuvra avec talent, audace, inspiration, maîtrise et brio au renouvellement et à la modernisation de la poésie libanaise arabophone.

Il fut un rebelle permanent, idéaliste, vaillant et un amoureux éternel des êtres et des mots, obstiné et fidèle, qui conserva ses amitiés et ses principes intacts et les préserva jusqu’au bout. D’une loyauté sans faille et d’une intransigeance morale, il sut à la fois être implacable et profondément humain, rigoureux et écorché vif. À la fois d’une grande maturité et sagesse et d’une inépuisable tendresse et bienveillance. Et c’est ce paradoxe qui le rendait singulier et complexe, qui en faisait un être à part. Aussi tranchant et transparent que le cristal et humide, vivifiant comme l’eau de pluie. Son ouvrage phare, Le livre d’Anne Colin (1973), a marqué durablement l’histoire de la poésie libanaise arabophone portant sur le discours amoureux.

On ne pouvait l’approcher sans être touché par lui, par sa pudeur, ses dehors faussement rugueux, sa finesse, sa générosité et sa bonté. Avec Elizabeth, son admirable et lumineuse épouse, il a formé un des couples les plus unis, les plus empathiques et les plus attendrissants qu’on pouvait rencontrer.

Il a vécu entre l’Orient et l’Occident, intériorisant les deux cultures, empruntant au premier sa richesse lyrique et au second sa pensée cartésienne. Il fut un lien entre les deux mondes et les deux continents. Il appartient à cette catégorie d’hommes dont le Liban peut être fier et qui ont contribué à son rayonnement. Des piliers solides et des références incontournables de notre mémoire collective et qui nous manquent terriblement en ces temps tragiques où pullulent la vénalité, l’opportunisme et la corruption.

Pour moi, à l’instar de Camille Aboussouan, Boutros Dib, Adel Ismaïl et Salah Stétié, il a représenté à l’Unesco et à Paris l’image véritable du Liban uni et pluriculturel, celui de l’humanisme, de l’excellence, de l’ouverture, de la convivialité, du progrès et de la liberté. Celui dont on aime se revendiquer, auquel on continue de croire, dont la flamme ne saurait s’éteindre et qui se transmettra en tant que patrimoine commun et indivisible aux générations futures.


Le grand poète libanais arabophone vient de nous quitter à Paris, laissant une œuvre très riche et variée et surtout un grand vide chez ceux qui l’ont connu, estimé et aimé. J’ai eu la joie et l’honneur de le côtoyer durant trois décennies. Ce fut mon prédécesseur en tant que chargé des affaires culturelles à la délégation permanente du Liban auprès de l’Unesco et il reste...