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Culture - Théâtre

Ce samedi, allez au théâtre tout en restant à la maison !

Le 7 novembre à 20h*, c’est devant les écrans domestiques que les spectateurs pourront voir la pièce « Whispers/Hamasat », mise en scène par Lina Abyad et diffusée sur internet. Une scène vivante à laquelle un trio de femmes et un dream team d’acteurs et d’actrices ont donné vie, dans un élan de fraternité et de solidarité.

Ce samedi, allez au théâtre tout en restant à la maison !

Nadine Labaki et Georges Khabbaz.

Lorsque le théâtre s’est confiné à cause du coronavirus, c’était indéniablement un coup dur pour cet art vivant où l’on se touche, s’étreint, dialogue, mais aussi où le public participe en applaudissant, riant ou réagissant à chaud. Puis vint le 4 août et ce fut le coup fatal. La plupart des théâtres de la ville (Monnot, Black Box, le théâtre de Gemmayzé, le théâtre al-Madina...) ont certes été fortement endommagés. Mais la démarche artistique, créatrice, a été elle aussi castrée, estropiée. Les gens du théâtre, comme la grande majorité de leurs compatriotes, n’y avaient tout simplement pas le cœur. Pas encore. La metteuse en scène Lina Abyad et la productrice Josyane Boulos, qui ont travaillé sur plusieurs projets ensemble, ne voyaient pas comment rebondir après la catastrophe.

Nada Abou Farhat et Dory al-Samrany.

Se tenir debout

« Nous étions désespérées », avouent-elles aujourd’hui. « Peut-on encore faire du théâtre après un tel séisme qui vous touche au plus profond de votre corps et votre esprit ? Peut-on rebondir après un tel Hiroshima ? » s’interrogeait Abyad. Et la metteure en scène d’ajouter : « D’habitude, j’adhère très facilement à un projet. Mais cette fois-ci, il m’était plus dur de faire ce choix. Sans la passion des deux productrices irréductibles que sont Agatha Ezzeddine et Josyane Boulos, qui m’ont portée avec leur énergie contagieuse, et sans ces immenses acteurs qui ont répondu “oui” sans hésiter à ce projet, sachant que c’était du simple bénévolat, je n’aurais pas été là à diriger Hamasat », avoue-t-elle à L’Orient-Le Jour entre deux séances de répétitions. Agatha Ezzeddine, comédienne et productrice qui était à l’origine du projet, estime pour sa part que cette pièce, qui sera diffusée sur internet ce samedi 7 novembre, a le goût d’un rêve accompli. « J’étais à Londres en ce funeste 4 août. La nouvelle m’a rendue très triste et je me suis sentie loin et impuissante, raconte celle qui décidera de faire quelque chose pour se rendre utile. Faisant partie d’Impact Lebanon qui a déjà opéré des levées de fonds pour le Liban, j’eus l’idée de le faire pour le théâtre, pour réparer les espaces endommagés. » « Surtout, renchérit Boulos, que le théâtre est le parent pauvre de l’art. Personne ne s’en soucie. » Agatha Ezzeddine contacte alors Josyane Boulos et lui propose de monter un spectacle basé sur des monologues d’auteurs anglais qui seraient traduits en arabe et adaptés à la réalité libanaise. Le spectacle sera filmé au théâtre et la vidéo sera diffusée en ligne. Pour y assister, le spectateur internaute achète un billet et les fonds récoltés bénéficieront à la reconstruction des théâtres endommagés. « Il y avait un seul petit problème qui fut très vite réglé : les droits d’auteur qui sont d’habitude très coûteux. Mais voilà, ils nous ont été gracieusement offerts par les scénaristes anglais », indique Josyane Boulos qui fait appel aussitôt à Lina Abyad pour la mise en scène et le casting.

Pour mémoire

Lina Abyad, tous ces étés passés avec des auteurs...

C’est ainsi qu’une dream team se forme et comprend des acteurs reconnus : Nadine Labaki, Georges Khabbaz, Nada Abou Farhat, Talal el-Jurdi, Bernadette Hodeib, Sanny Abdel Baki, Josyane Boulos, avec des apparitions de Rita Hayek et Badih Abou Chakra.

Quid de l’intitulé de cette collection de saynètes/monologues ? « J’ai tenu à l’appeler Hamasat, ou balbutiements (comme ceux d’un bébé). Après le 4 août, on a dû réapprendre à parler. À vivre. Le spectacle a commencé à prendre forme trois semaines après l’explosion », confie Lina Abiad. « C’est une équipe de rêve. Je leur ai donné la liberté de choisir leurs textes selon leur personnalité, leur caractère. Josyane et Agatha ont traduit les textes, en se faisant aider par d’autres personnes. Puis les comédiens se sont chargés de les adapter à l’actualité libanaise. Georges Khabbaz et Nadine Labaki ont écrit leur propre texte qu’ils interprètent ensemble. »

Dans la petite salle Black Box de Jacques Maroun, les acteurs s’affairent. L’enthousiasme se lit dans les yeux et les attitudes de toute cette équipe solidaire. Certains font des exercices vocaux, répètent leurs rôles, d’autres attendent leur tour. Lina Abyad donne de petites suggestions que le comédien ou comédienne écoute religieusement. Hagop Der Goughassian est aux commandes de l’éclairage. « On est là 12 heures sur 24, s’exclame Josyane Boulos, mais on ne sent pas le temps passer. Il y a de l’humilité et du respect de l’autre dans cet espace de créativité. Si on avait cette osmose au niveau des acteurs politiques, on aurait eu un pays de rêve », poursuit-elle.

Lina Abyad et Béchara Atallah. Photos DR

Se remettre debout

« Il s’agissait, explique Lina Abyad, de monter un spectacle théâtral homogène à partir de ces monologues. Par respect pour la date tragique, ces performances ont lieu le 4 août, mais il n’est pas encore 18h07. Dans un théâtre, des acteurs et actrices répètent. Il y a ceux ou celles qui arrivent en retard. Ceux et celles qui ont oublié leur texte. Tout le monde se grouille, court dans tous les sens. Si les performances sont isolées, un seul lien les rattache : le technicien Dory al-Samrany qui assure la liaison entre les comédiens et qui a également un texte à lui, sorte d’hommage au théâtre libanais. Soudain tout s’imbrique, tout se suit. C’est comme si chaque texte reprenait l’autre en écho. On ne sait jamais d’ailleurs si ce sont les personnages qui parlent ou les comédiens, poursuit Lina Abyad. C’est une mise en abîme entre notre vie et les comédiens, entre ce qui se passe ici et ailleurs. Une fusion entre le théâtre et la vie. Nous sommes d’ailleurs dans une situation où la perméabilité est très importante. Le théâtre parle de nous : de nos problèmes de Libanais et Libanaises, de la société LGBT… mais aussi des problèmes qu’affronte le théâtre. »

Ces balbutiements où l’on apprend de nouveau à vivre et à faire du beau, la metteure en scène a envie de les élaborer pour la survie du théâtre, cet art vivant par excellence. « Les gens pensent qu’on peut vivre sans théâtre. Il n’en est rien. Mais il est de notre devoir de le faire vivre. On a la même responsabilité que le médecin qui administre le respirateur au malade atteint du Covid-19 », conclut Lina Abyad.

*Heure locale.

Comment regarder « Whispers/Hamasat » ?

– Allez sur linktr.ee/whispers.hamasat et choisissez la devise pour payer par carte de crédit, en livres libanaises ou autres (achat au comptant disponible au Liban à la Librairie Antoine, toutes succursales).

– Le samedi après-midi, vous recevrez par mail un lien YouTube. Cliquez dessus.

– Attendez jusqu’à 20h, heure de Beyrouth (19h en France, 22h aux Émirats arabes unis, 13h à Montréal et à New York) et profitez du spectacle !

Les textes et les interprètes

King S’ex, écrit par Mike Elliston et interprété par Bernadette Hodeib.

 Job Interview, écrit par Kim Hardy et interprété par Sanny Abdul Baki.

Just Looking, écrit par Angela Harvey et interprété par Agatha Ezzeddine.

Me Time, écrit par Geraldine Brennan et interprété par Béchara Atallah.

Her (r)age écrit par Kate Webster et interprété par Nada Abou Farhat.

What’s Up écrit par John Jesper et interprété par Dory al-Samrany.

Maurice’s Folly, écrit par John Jesper et interprété par Talal al-Jurdi.

Dialogue écrit par Georges Khabbaz et interprété par Nadine Labaki et lui-même.

Lorsque le théâtre s’est confiné à cause du coronavirus, c’était indéniablement un coup dur pour cet art vivant où l’on se touche, s’étreint, dialogue, mais aussi où le public participe en applaudissant, riant ou réagissant à chaud. Puis vint le 4 août et ce fut le coup fatal. La plupart des théâtres de la ville (Monnot, Black Box, le théâtre de Gemmayzé, le théâtre...

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