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Économie - Transparence

Audit de la BDL : ce que les documents fuités par « Forbes » permettent d’observer

Le fait que le Liban puisse se doter prochainement d’un nouveau gouvernement peut jouer sur la suite des événements en ce qui concerne le travail du cabinet Alvarez & Marsal.

Audit de la BDL : ce que les documents fuités par « Forbes » permettent d’observer

Le ministre sortant des Finances, Ghazi Wazni. Photo P.H.B. (archives)

L’audit de la Banque du Liban, et plus précisément son volet juricomptable, confié au cabinet international Alvarez & Marsal et qui doit permettre de retracer l’historique des transactions réalisées depuis 2016 et ainsi détecter et documenter d’éventuelles irrégularités, revient sur le devant de la scène tandis que le pays continue inexorablement de s’enfoncer dans la crise.

Si la communication très lacunaire du ministère des Finances sur ce dossier rend le suivi assez difficile, des documents fuités jeudi par le magazine américain Forbes (dont le siège social est à New York, comme celui d’Alvarez & Marsal) permettent d’avoir une idée un peu plus claire de son évolution jusqu’à présent.

L’audit des comptes de la BDL est un des principaux chantiers que le Liban doit mener à bien s’il veut espérer convaincre le Fonds monétaire international – auprès de qui il a sollicité une assistance en mai dernier – et ses soutiens, la France en tête, de financer le redressement du pays. Le contrat entre l’État et les trois auditeurs – KPMG pour le volet comptable, Oliver Wyman pour son expertise en matière de Banque centrale, et Alvarez & Marsal pour l’aspect juricomptable – a été signé le 1er septembre. Les trois sociétés ont depuis envoyé leurs demandes d’informations respectives afin de pouvoir entamer leur mission. La BDL a assuré cette semaine avoir répondu à celles de KPMG et Oliver Wyman, mais n’a pas évoqué le cas Alvarez & Marsal. Une lacune finalement comblée par les documents fuités.

Quatre catégories

La liste des demandes s’articule en quatre catégories, selon les documents publiés par Forbes. La première, qui regroupe 36 requêtes, est consacrée à l’audit juricomptable et consiste essentiellement en des demandes d’informations et de documents (bilans, plans comptables, etc.) couvrant plusieurs périodes. Pour rappel, Alvarez & Marsal s’est engagé à examiner l’évolution des comptes de la BDL depuis 2016, l’année où les premières opérations des ingénieries financières très controversées avaient été lancées.

Le deuxième tableau regroupe 41 requêtes portant sur divers aspects de la gouvernance et de l’organisation de la BDL (rapport d’audits internes et externes en matière de conformité, de risque et de gouvernance, comptes rendus des réunions du conseil d’administration, etc). Le troisième se focalise sur les contours de l’infrastructure informatique de la BDL à travers 39 requêtes (type d’équipement informatique utilisé pour le « core banking », soit l’ensemble des systèmes d’enregistrement des clients, produits, transactions ou toute autre donnée/tout autre flux, localisation des serveurs physiques, etc.). Enfin, la quatrième catégorie est intitulée « configuration de l’infrastructure » et regroupe 13 requêtes d’ordre logistique (demande de débloquer une salle de conférences, précisions sur les horaires de travail, le stockage des données, etc.).

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« Il s’agit d’une liste conventionnelle pour une première demande. En effet, avant que l’auditeur ne commence à creuser certaines transactions ou décisions, il doit disposer de suffisamment d’éléments sur l’entité qu’il doit examiner en matière d’organisation, de gouvernance ou encore d’états financiers. Il doit avoir connaissance du maximum de transactions et d’opérations sur la période sur laquelle s’étend sa mission », explique un expert sous couvert d’anonymat. « Il ne s’agit donc pas du début de l’audit juricomptable, mais du travail préliminaire à effectuer en amont pour pouvoir commencer »,, ajoute-t-il.

Les données rapportées par Forbes, présentées dans une série de 4 tableaux Excel, incluent à chaque fois les requêtes ; la date à laquelle elles ont été adressées au ministère des Finances qui assure la liaison avec la BDL (9 septembre, sauf pour les 13 requêtes de la 4e catégorie qui sont datées du 6 septembre) ; la date à laquelle la BDL a répondu ; la nature de cette réponse ; les commentaires de la BDL et de l’auditeur ; et enfin, la requête amendée qui a été envoyée après le premier échange, entre autres informations principales. Selon une source au ministère des Finances, la BDL a jusqu’au 3 novembre pour répondre.

Reçu, pas reçu, partiellement reçu

La BDL a répondu de façon complète à 54 demandes sur les 129 adressées par Alvarez & Marsal, ce qui correspond au ratio de 43 % rapporté par Forbes, citant des informations obtenues du gouverneur de la BDL Riad Salamé et que nous avons également pu faire confirmer par une source proche du dossier.

Les 75 demandes auxquelles l’auditeur n’a pas eu de réponse se répartissent en trois motifs : un refus simple (« not received ») invoquant la confidentialité des données demandées consacrée par le code de la monnaie et du crédit ; un refus partiel (« partially received »), pouvant être justifié par la confidentialité ou des « contraintes de sécurité » (un motif invoqué une fois pour justifier le refus de communiquer les noms et fonctions des employés, actuels et anciens, de la BDL du 1er janvier 2015 à aujourd’hui) ; et un troisième indiquant que les informations demandées sont indisponibles (« unavailable »). Dans la section des commentaires et/ou des amendements, figurent pour chaque requête les éventuelles observations ou exigences formulées par Alvarez & Marsal en cas de non-transmission ou de transmission partielle des données. Dans certains cas, l’auditeur a expressément précisé qu’il lui serait impossible de mener sa mission à bien sans les informations demandées.

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« Il n’est pas nécessaire que l’auditeur ait accès à 100 % des informations demandées pour pouvoir commencer son travail de traçage à proprement parler. Mais dans ce cas précis, la BDL n’a clairement pas fourni assez d’informations pour qu’Alvarez & Marsal puisse aller plus loin », commente encore l’expert interrogé. De fait, la BDL a par exemple refusé de répondre à 25 requêtes sur 36 dans la catégorie des requêtes liées à l’audit juricomptable. « L’auditeur doit pouvoir avoir le plus de données possible sur les flux de transactions et l’identité de leurs auteurs sur la période qu’il va examiner, ainsi que sur les règles et standards utilisés pour pouvoir analyser les informations de façon fiable. Faute de quoi, il aura peu de chance de pouvoir remplir sa mission », ajoute encore l’expert.

Pas de pression sur Alvarez & Marsal

S’il semble donc acquis à ce stade qu’Alvarez & Marsal n’a pas reçu suffisamment d’informations pour effectivement démarrer le volet juricomptable de l’audit des comptes de la BDL, il reste encore de la marge pour considérer que l’opération est définitivement vouée à l’échec. Selon les termes du contrat, l’auditeur est habilité à définir le point de départ effectif de l’audit à proprement parler (« commencement decision ») à partir duquel le délai de 10 semaines fixé pour rendre son rapport préliminaire commencera à courir. Jusqu’à présent, les échanges entre l’auditeur et la BDL suivaient vaguement un mécanisme prévu dans le contrat : Alvarez transmet les questions au ministère des Finances, la BDL a deux semaines pour répondre, et l’ensemble de l’opération peut être répétée une fois avec une semaine maximum d’intervalle au cours de laquelle l’auditeur peut passer les documents reçus en revue (la seconde fois arrivant donc à terme le 3 novembre). Le ministère des Finances, qui a formé une commission de suivi, peut alors être sollicité pour faire pression sur la BDL, toujours dans les limites de la loi libanaise, dont celle sur le secret bancaire.

Il reste que rien dans le contrat ne précise noir sur blanc qu’Alvarez & Marsal doit jeter l’éponge si ces deux échanges sont infructueux. Or, si le ministre sortant des Finances, Ghazi Wazni, n’a pas encore publiquement manifesté la volonté de faire avancer les choses (le haut responsable a même déclaré début octobre que la loi sur le secret bancaire pouvait entraver l’audit), le fait que le Liban puisse se doter bientôt d’un nouveau gouvernement pourrait jouer sur la suite des événements. « Il y a fort à parier qu’Alvarez & Marsal ne voudra pas prendre le risque que sa mission débouche sur un échec ou un semi-échec, avec un rapport qui ne démontre rien ou, pire, qui blanchit les éventuels auteurs de fraudes. Mais la pression ne pèse pas sur le cabinet, qui peut décider d’attendre que le nouvel exécutif soit formé pour relancer la BDL au sujet des informations réclamées », spécule encore l’expert. Un scénario valable donc à l’heure actuelle, à moins que le ministre des Finances ne décide de rompre unilatéralement le contrat aux conditions fixées…

L’audit de la Banque du Liban, et plus précisément son volet juricomptable, confié au cabinet international Alvarez & Marsal et qui doit permettre de retracer l’historique des transactions réalisées depuis 2016 et ainsi détecter et documenter d’éventuelles irrégularités, revient sur le devant de la scène tandis que le pays continue inexorablement de s’enfoncer dans la...

commentaires (3)

Voilà comment ils facilitent la formation du gouvernement en exigeant de choisir et de nommer des ministres, des finances et autres à leurs ordres pour entraver le processus de sauvetage tout en se proclamant honnêtes et démocratiques. Ils continuent de se jouer de nous comme bon leur semble puisqu’il n’y a personne pour les arrêter et leur signifier la fin de la récré. Ça peut durer éternellement et ce qui se prépare n’est pas moins grave que leur main mise sur les finances. C’est sur tous les libanais qu’ils veulent mettre la main et anéantir la nation. La justice étant déjà sous leurs ordres, l’armée sous leurs joug ,un président qu’on manipule en utilisant le chaud et le froid et la rue terrorisée par des voyous armées, que reste a-t-il des institutions étatiques qu’on nous l’explique. Et sans complexe HN déclare haut et fort qu’il facilite le sauvetage du pays tout en l’enfonçant en défiant les pays aidants qui continuent à céder à ses caprices loin d’imaginer que leur jeu n’épargnera pas leur démocratie ni la quiétude de leurs pays. Il l’a dit c’est une bataille perdue d’avance. Il est temps de rectifier le tir avant qu’il ne soit trop tard.

Sissi zayyat

11 h 44, le 31 octobre 2020

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Commentaires (3)

  • Voilà comment ils facilitent la formation du gouvernement en exigeant de choisir et de nommer des ministres, des finances et autres à leurs ordres pour entraver le processus de sauvetage tout en se proclamant honnêtes et démocratiques. Ils continuent de se jouer de nous comme bon leur semble puisqu’il n’y a personne pour les arrêter et leur signifier la fin de la récré. Ça peut durer éternellement et ce qui se prépare n’est pas moins grave que leur main mise sur les finances. C’est sur tous les libanais qu’ils veulent mettre la main et anéantir la nation. La justice étant déjà sous leurs ordres, l’armée sous leurs joug ,un président qu’on manipule en utilisant le chaud et le froid et la rue terrorisée par des voyous armées, que reste a-t-il des institutions étatiques qu’on nous l’explique. Et sans complexe HN déclare haut et fort qu’il facilite le sauvetage du pays tout en l’enfonçant en défiant les pays aidants qui continuent à céder à ses caprices loin d’imaginer que leur jeu n’épargnera pas leur démocratie ni la quiétude de leurs pays. Il l’a dit c’est une bataille perdue d’avance. Il est temps de rectifier le tir avant qu’il ne soit trop tard.

    Sissi zayyat

    11 h 44, le 31 octobre 2020

  • LES MAINS DANS LES POUBELLES DE LA BDL ET DE CEUX QUI ONT VANDALISE L,ETAT.

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 42, le 31 octobre 2020

  • En fait, il semble que Ghazi Wazni ait d’entrée de jeu savonné la planche à Alvarez et Marsal en soumettant l’audit de la BDL lois et règlements en vigueur, plusieurs voix, dont des parlementaires, avaient réclamé de ne pas inclure dans le contrat cette clause (l’obligation de respect des lois et règlements) mais Wazni avait tenu à le faire. Pour protéger qui?

    Marionet

    06 h 02, le 31 octobre 2020

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