Le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, a affirmé se faire peu d’illusions sur la capacité du gouvernement à régler les problèmes existentiels auxquels le Liban est confronté, en se fondant sur les tractations relatives à la mise en place d’un nouveau gouvernement. M. Geagea, qui s’exprimait dans le cadre d’un entretien à Radio Liban Libre, a dénoncé dans ce cadre un « business as usual » en faisant état d’un partage des portefeuilles ministériels entre les principales formations politiques.
« Nous n’avons pas confiance dans les grands partis qui s’accrochent au pouvoir et c’est ce principe qui va impacter notre décision durant le débat de confiance, une fois le gouvernement formé. Il ne s’agit pas d’un préjugé mais d’une position fondée sur la situation à laquelle ces partis ont mené le pays », a déclaré Samir Geagea, en insistant sur le fait qu’« une véritable volonté de réforme se traduirait par la mise en place d’un gouvernement de spécialistes indépendants, composé de ministres compétents capables de gérer les dossiers qui leur seront confiés ». « Si un tel cabinet est formé, nous réviserons notre position, mais a priori, il n’est pas possible de trop espérer du gouvernement en gestation, les tractations en cours étant fondées sur des promesses de distribution des portefeuilles faites notamment au tandem chiite Hezbollah-Amal et au Parti socialiste progressiste » de Walid Joumblatt, a critiqué le chef des FL. « Au mieux, ce cabinet ressemblera à celui de Hassane Diab », a-t-il jugé.
Se voulant néanmoins optimiste, Samir Geagea a estimé que « tout espoir n’est pas pour autant perdu, parce que les fondamentaux persistent et se traduisent par la volonté de changement des Libanais et le potentiel de l’élément humain dans le pays ». « Il suffit d’un léger assainissement au niveau de la gestion politique pour que les choses s’améliorent et si cet assainissement est substantiel, je suis persuadé que d’ici à un an, nous serons sur la voie d’un redressement », a encore dit le chef des FL, qui a reproché « aux partis au pouvoir durant les dix dernières années une mauvaise gestion qui prévalait bien avant l’arrivée du président Michel Aoun à la tête de l’État ».
« Une nouvelle force politique »
« Si ce groupe au pouvoir pouvait être productif, il l’aurait été l’an dernier et bien avant, lorsque la Banque du Liban avait encore des réserves. S’il doit lui-même nommer aujourd’hui les nouveaux ministres, cela signifiera qu’il gardera le pouvoir de décision. Comment espérer dès lors un changement ? Les ministres pourront tout au mieux entreprendre quelques opérations de replâtrage qui donneront l’impression de réformes sans déboucher cependant sur des résultats tangibles », a mis en garde Samir Geagea, avant de souligner que la majorité au pouvoir ne peut pas aujourd’hui « ignorer la force politique que représente la masse populaire hostile au pouvoir ». « Cette masse populaire va se transformer en force politique aux législatives », a-t-il averti. « Ce qui s’est passé le 17 octobre et les événements qui ont suivi n’ont pas eu de fin heureuse, mais ils ont ébranlé la situation (...). Ce que nous avons à faire, dès la première occasion, lors des élections législatives ou d’une autre manière, est de mettre tout notre poids pour opérer le changement », a déclaré M. Geagea.
Le leader des Forces libanaises s’en est aussi pris au Hezbollah. Selon lui, le parti chiite « a scellé des alliances sur la scène interne qui lui ont permis de garder ses armes en échange d’une aide au sein du pouvoir », en référence à l’entente scellée en 2006 entre le Hezbollah et le Courant patriotique libre, fondé par Michel Aoun. « Ce sont eux les plus gros corrompus à l’heure actuelle et là, je ne parle pas du dossier stratégique », a-t-il ajouté.
M. Geagea a balayé l’hypothèse selon laquelle une discussion sur la stratégie de défense nationale et la question des armes du Hezbollah pourrait provoquer une guerre civile. « Sur le plan stratégique, la situation économique et financière du pays ne permet pas de créer d’autres problèmes, mais on ne peut éluder la question des armes du Hezbollah. Avec la présence de ces armes, est-il possible de régler la question des points de passage illégaux qui, eux seuls, coûtent plus de 150 millions de dollars au pays par an ? » s’est-il interrogé.
Il a par ailleurs démenti que sa formation politique soit en train de s’armer, réagissant ainsi à des propos tenus la veille par l’ancien député Najah Wakim relatifs à un article publié il y a près de deux semaines par le quotidien al-Akhbar, proche du Hezbollah.
« Tout ce qui se dit sur l’armement présumé des FL est mensonger et se justifie par le fait qu’on n’a rien à leur reprocher (…). Personne ne peut s’armer en secret. Que ceux qui ont des données à ce sujet les mettent sur la table. Tout cela n’est que calomnie », a-t-il ajouté.
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On a beau être pour ou contre tel ou tel chef de parti, quand la parole est juste et patriotique on l'apprécie. Il a raison de répéter inlassablement ce que le peuple espère, à savoir des hommes neufs, compétents, propres et volontaires pour sauver ce pays de ceux qui l'ont amené à une impasse et qui continuent à marchander comme si de rien était. Il faut une justice indépendante et séparée du politique pour qu'elle soit efficace et lutter contre ce cancer qu'est la corruption instaurée depuis des années par ces incapables.
Citoyen
13 h 02, le 27 octobre 2020