Rechercher
Rechercher

Société - Drame du port

@Testify4Beirut, pour ne pas sombrer dans l’amnésie...

Trois amies ont lancé cette page Instagram, une « thérapie collective » permettant aux victimes d’extérioriser leurs souvenirs et au reste du monde de graver dans sa mémoire la double explosion du port de Beyrouth.

@Testify4Beirut, pour ne pas sombrer dans l’amnésie...

Vue d'un appartement dévasté par l'explosion du 4 août. Illustration Mickaella Pharaon.

Face à l’ampleur du drame de la double explosion du 4 août au port de Beyrouth et à la fâcheuse propension des Libanais à l’oubli, Mickaella Pharaon, Cynthia Sfeir et Yara Saadé ont jugé indispensable d’immortaliser au maximum les témoignages de ceux qui ont été touchés par la catastrophe, en les partageant sur une page Instagram qu’elles ont baptisée @Testify4Beirut.

« Le seul souvenir que je garde de la transe dans laquelle j’étais durant les jours suivant l’explosion est le besoin que j’avais de parler, de raconter à mon entourage le choc vécu, le miracle d’être vivante, l’indignation et le sentiment de viol collectif que je ressentais – je devais non seulement partager ces émotions, mais aussi les immortaliser », explique Mickaella Pharaon. La jeune femme étudie actuellement en master d’architecture au sein de la prestigieuse université new-yorkaise Columbia University. La cofondatrice de la page note aussi que ses amis à l’étranger n’avaient accès qu’aux images diffusées sur l’écran, « qui en disaient long, mais pas assez sur les expériences de chacun d’entre nous, ce qui signifie qu’ils étaient incapables de réaliser la réelle ampleur de la catastrophe advenue au Liban », souligne-t-elle.

Testify4Beirut répond ainsi à un double objectif. D’une part, il s’agit d’une tentative d’aider émotionnellement les personnes affectées en leur montrant qu’elles ne sont pas seules dans leur épreuve et en leur permettant d’établir un contact entre elles. Et d’autre part, elle permet aussi de partager ces témoignages avec le reste du monde pour qu’il puisse entendre les voix d’un peuple à vif.

« Des messages profondément touchants nous ont été envoyés par les témoins, qui expriment leur gratitude pour cette initiative, nous assurant que l’extériorisation par l’écriture est en effet une thérapie », indique Cynthia Sfeir. « Nous voulons empêcher ce crime de sombrer dans l’oubli », poursuit-elle. Et Mickaella Pharaon renchérit : « Nous nous relèverons de ce drame, mais nous n’oublierons jamais. »

Quand la vie ne tient qu’à un fil

Les quelque 150 histoires que l’on peut d’ores et déjà suivre sur Testify4Beirut sont très souvent poignantes, reflétant la douleur physique ainsi que la souffrance morale de centaines de personnes affectées par la catastrophe. Elles prennent souvent la forme de témoignages écrits, occasionnellement de poèmes, toujours accompagnés par des photos ou encore des vidéos tournées par des caméras de surveillance lors de l’explosion qui a stoppé net les aiguilles des horloges de Beyrouth, à 18h08.

On peut y lire par exemple ce souvenir bouleversant raconté par Mayssa Najm, une habitante de Gemmayzé qui, au moment de la déflagration, quittait sa salle de sport habituelle à Mar Mikhaël en compagnie de sa sœur. Mayssa, qui n’était à Beyrouth que pour les vacances, a dû retourner à Montréal le cœur déchiré par la disparition de sa merveilleuse grand-mère, emportée par la tragédie, l’esprit hanté par les images de sa maison totalement détruite, la mémoire figée par ce traumatisme d’avoir failli perdre sa propre vie, et celles de ses parents et de ses deux sœurs.

Pour rappel, les événements fatidiques du 4 août avaient fait plus de 200 morts, 6000 blessés et 300 000 sans-abri. Les enquêtes en cours n’ont encore apporté aucune réponse concernant les causes de la catastrophe.

Ces témoignages sont, à défaut de tout type d’hommage national officiel rendu aux victimes par l’État, à défaut de l’édification d’un mémorial perpétuant leur souvenir, l’une des seules commémorations, l’un des seuls brins de solidarité et de réconfort qu’ont pu s’offrir les laissés-pour-compte de la ville, ces héros tragiques à la force herculéenne et au destin trop souvent fatal.

Face à l’ampleur du drame de la double explosion du 4 août au port de Beyrouth et à la fâcheuse propension des Libanais à l’oubli, Mickaella Pharaon, Cynthia Sfeir et Yara Saadé ont jugé indispensable d’immortaliser au maximum les témoignages de ceux qui ont été touchés par la catastrophe, en les partageant sur une page Instagram qu’elles ont baptisée @Testify4Beirut....

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut