En déclarant hier que les importateurs de médicaments ont des stocks qui suffisent au marché pour trois mois, le ministre sortant de la Santé Hamad Hassan s’est voulu rassurant. Il n’a toutefois rien annoncé de nouveau, puisqu’il vient de confirmer ce qui était déjà connu dans les milieux concernés, à savoir que la quantité des médicaments disponibles dans les entrepôts suffit pour cette période de temps. Ce que M. Hassan a voulu faire, à l’issue d’une réunion consacrée hier au dossier du médicament, c’est calmer un peu la panique suscitée par les informations selon lesquelles la Banque du Liban (BDL) lèvera bientôt la subvention sur ces produits, et veiller à ce que tous les patients reçoivent leurs médicaments.
« Désormais, le ministère contrôlera de manière plus stricte la distribution de ces stocks dans les pharmacies », affirme à L’Orient-Le Jour Riad Fadlallah, conseiller du ministre Hassan pour les affaires du médicament. « Nous demandons aux gens de ne plus acheter plus que leurs besoins mensuels », insiste-t-il, soulignant que « la vente des médicaments a augmenté de 150 % chez les distributeurs et les pharmaciens, parce que les gens les stockent ». « Les patients sont ainsi en train de se priver les uns les autres du médicament », ajoute-t-il.
Pour M. Fadlallah, « la peur est à l’origine de ce comportement compulsif ». Elle ne peut être contrée, estime-t-il, que par « une déclaration de la BDL qui doit tranquilliser les gens et qui serait accompagnée d’une action consistant à résoudre le problème du médicament, en ouvrant rapidement des lettres de crédit aux importateurs, en accélérant leurs procédures et en leur facilitant les moyens de paiement ». M. Fadlallah fait ainsi référence à la circulaire publiée dernièrement par la BDL, selon laquelle les importateurs de médicaments devront désormais régler en espèces les 85 % du montant de leur facture, qu’ils paient généralement en livres libanaises.
« Pour pouvoir le faire, nous allons devoir collecter l’argent des parties qui nous achètent les médicaments (pharmacies, hôpitaux, ministère de la Santé, services de sécurité, etc.), explique à L’OLJ Karim Gebara, président du syndicat des importateurs. Or certaines parties ne peuvent pas payer en espèces, notamment les hôpitaux et le secteur public, parce qu’elles sont elles-mêmes réglées par transfert et non en espèces. » Il reprend : « Nous assistons à un chamboulement du système de santé qui survient au mauvais moment, alors qu’il y a une pénurie du médicaments. Désormais, on n’a plus accès à ce système que si on a l’argent en espèces. Il s’agit d’une nouvelle complication qui va rendre les transferts à l’étranger plus difficiles et plus lents. Par conséquent, les commandes tarderont à être livrées au Liban. »
Livrer les besoins normaux du marché
L’objectif de la réunion qui s’est tenue hier est de « mettre au point un mécanisme susceptible d’assurer à tout un chacun la possibilité de recevoir son médicament sans en priver les autres », avance M. Fadlallah. « Celui-ci inclura les ordres des médecins et des pharmaciens, ainsi que le syndicat des importateurs, poursuit-il. Mais il sera difficile à appliquer, en l’absence d’une carte sanitaire unifiée. »
Dans le cadre de cette réunion, M. Hassan a appelé les importateurs à « fournir les besoins normaux du marché à toutes les pharmacies » et à « ne plus livrer des quantités commerciales, ce qu’une grande partie d’entre nous faisait déjà », soutient M. Gebara. « Il nous a également demandé de ne pas vendre aux officines des médicaments qui normalement doivent être achetés par des hôpitaux, comme les anticancéreux, ajoute-t-il. Évidemment certaines pharmacies ont besoin d’en acheter car certains patients vont prendre leur traitement en dehors du cadre hospitalier. » M. Hassan a enfin appelé « les importateurs qui disposent d’un stock de plus de trois mois à mettre un peu plus de médicaments sur le marché pour soulager la demande ».
En pratique, cela signifie que le patient va continuer à faire le tour des pharmacies pour trouver son médicament, puisque les produits qui sont en rupture de stock le resteront et que les importateurs continueront à livrer les médicaments comme ils le font depuis plusieurs mois déjà.
Au cours de la réunion, il a également été question du code-barres en 2D, qui assure une meilleure traçabilité du médicament, ce qui est susceptible de permettre une meilleure lutte contre la contrebande. Ce projet remonte à plusieurs années et « aurait dû voir le jour il y a quelques mois, mais il a été ajourné en raison du Covid-19 », avance M. Fadlallah. Toutefois, ce système « ne pourra fonctionner que si toutes les parties concernées l’appliquent, à savoir le fabricant qui doit l’imprimer sur la boîte, l’importateur qui doit l’utiliser dans la facturation et le pharmacien qui doit y recourir dans la réception des médicaments et la facturation aux patients », précise M. Gebara. « Je suis sorti de cette réunion optimiste, mais je suis complètement pessimiste par la décision de la BDL de maintenir cette circulaire parce que c’est un énorme pas en arrière », insiste-t-il.
Même son de cloche chez M. Fadlallah, qui affirme que toutes les mesures prises par le ministère de la Santé ne pourront pas calmer les esprits. « Seule une déclaration dans ce sens de la BDL est susceptible de le faire », martèle-t-il.
On n'avait pas entendu quelque chose comme ça sur les réserves de carburant pour les centrales? Et puis, OK, 2 à 3 mois, et après?
16 h 48, le 21 octobre 2020