17 octobre 2019-17 octobre 2020. Il y a un an jour pour jour, les Libanais se soulevaient. Scandant en chœur leur fameux « kellon yaani kellon » (Tous veut dire tous), ils exprimaient leur ras-le-bol face à une classe dirigeante qui ne fait que se partager le gâteau au détriment d’un pays qui s’effondre et d’un peuple asphyxié par la politique politicienne et les crises chroniques. Douze jours plus tard, Saad Hariri démissionnait sous la pression de la rue.Douze mois plus tard, les protagonistes au pouvoir continuent à agir comme si la révolution n’avait pas eu lieu, comme si les Libanais n’avaient pas crié leur rage et leur colère, leur faisant la sourde oreille. Comment expliquer sinon le fait que le processus de formation de gouvernement semble faire du surplace, en particulier après la décision du président de la République, Michel Aoun, de reporter au jeudi 22 octobre les consultations parlementaires contraignantes en vue de nommer le prochain Premier ministre ?
Une décision qui ne manque pas d’inquiéter Paris. « Alors que la crise économique et sociale, aggravée par les conséquences de l’explosion du 4 août, affecte de plus en plus durement les Libanais, la formation d’un gouvernement de mission capable de mettre en œuvre les réformes nécessaires continue à prendre du retard, malgré les engagements réaffirmés par l’ensemble des forces politiques libanaises. C’est à ces dernières, et à elles seules, que revient la responsabilité de ce blocage prolongé, qui empêche toute réponse aux attentes exprimées par la population libanaise », a déclaré le Quai d’Orsay dans un communiqué publié hier soir. « La France appelle l’ensemble des dirigeants politiques libanais à prendre les responsabilités qui leur incombent. Elle se tient prête à accompagner le Liban sur la voie des réformes, seule à même de permettre la mobilisation de la communauté internationale. Il revient pour cela aux responsables libanais de faire enfin le choix du relèvement plutôt que de la paralysie et du chaos. C’est l’intérêt supérieur du Liban et du peuple libanais qui l’exige », peut-on encore lire.
Les milieux de Baabda justifient le report des consultations par la volonté d’assurer « un climat propice » à la formation de l’équipe ministérielle, à l’heure où le seul candidat déclaré à la présidence du Conseil, le leader du courant du Futur Saad Hariri, ne bénéficie pas de l’appui des deux partis chrétiens majoritaires, à savoir les Forces libanaises et le Courant patriotique libre. Si le refus des FL s’explique par leurs rapports pratiquement gelés avec le Futur, l’opposition aouniste à un retour de Saad Hariri au Sérail semble particulièrement radicale, excluant une nomination facile de ce dernier, du moins pour le moment. Ce même si le CPL tout comme le Futur et le reste des formations politiques assurent être favorables à la mise en place d’un cabinet de spécialistes, tel que préconisé dans le cadre de l’initiative française en faveur du Liban.
Ce que reproche le CPL à Hariri
Après la violente diatribe, mardi, du leader du CPL, Gebran Bassil, contre son ancien partenaire sous prétexte de la nécessité de former un gouvernement de technocrates dirigé par un technocrate, c’est Georges Atallah, député CPL du Koura, qui a pris la relève. « Saad Hariri n’est pas la bonne personne pour former un gouvernement dans la phase actuelle. Et nous ne le nommerons pas, en dépit du report des consultations parlementaires », a-t-il tonné dans une déclaration radiodiffusée hier. Pourquoi le CPL se montre-t-il aussi hostile à la nomination du chef du Futur pour diriger le cabinet ? Interrogé à ce sujet, Georges Atallah commence par faire valoir que chaque groupe parlementaire a le droit de nommer la personnalité de son choix lors des consultations à Baabda. Mais il s’empresse de préciser à L’Orient-Le Jour que son parti ne nommera pas l’ex-Premier ministre pour plusieurs raisons. « Dans la forme, ce que prône M. Hariri est identique à ce qu’il avait proposé à l’issue de sa démission il y a un an, à savoir de former un cabinet d’experts que lui, chef de parti politique, dirigerait lui-même », rappelle le député aouniste, avant de poursuivre : « De plus, il nous a fait assumer la responsabilité de toute la phase précédente et nous a attaqués à plusieurs reprises. » Se voulant beaucoup plus clair, Georges Atallah accuse Saad Hariri d’avoir satisfait les demandes tant du tandem chiite, Hezbollah et Amal (en acceptant que le portefeuille des Finances leur soit accordé), que du leader du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt. « Après que M. Joumblatt a déclaré qu’il ne recevra pas la délégation du Futur, M. Hariri est entré en contact avec lui et lui a arraché son appui », déclare M. Atallah, estimant que « tout comme les druzes, les sunnites et les chiites, les demandes des chrétiens devraient être satisfaites ».
Saad Hariri ne négociera pas
Ces propos pourraient être interprétés comme une volonté de Gebran Bassil de se réserver une place au cœur des tractations gouvernementales au même titre que le tandem chiite. Mais dans les milieux haririens, on est catégorique : Saad Hariri ne négociera pas avec M. Bassil et ne lui fera aucune concession, affirment ces milieux à L’OLJ, faisant assumer au binôme Baabda-CPL la responsabilité de l’effondrement du pays.
Pour Makram Rabah, analyste politique contacté par L’OLJ, ce genre de prises de position n’est que de la surenchère politique normale dans une phase de tractations ministérielles, en attendant les résultats de la présidentielle américaine prévue en novembre. « Le CPL tente d’arracher le maximum de concessions à Saad Hariri, qui en a déjà fait au profit du Hezbollah », dit-il, estimant que l’impasse actuelle « profite au parti de Hassan Nasrallah, qui pourrait se laver les mains de tout blocage, renvoyant la balle dans le camp des chrétiens et des sunnites ».
commentaires (14)
On ne doit pas s'attendre à ce que des irresponsables deviennent responsables. C'est autant que s'adresser à des sourds.
Esber
15 h 51, le 18 octobre 2020