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Moyen-Orient - Éclairage

Incendies en Syrie : Assad et Makhlouf jouent la surenchère dans les fiefs alaouites

Plus de 9 000 hectares ont brûlé et 25 000 personnes ont été déplacées dans les provinces côtières de Tartous, Lattaquié et Homs.

Incendies en Syrie : Assad et Makhlouf jouent la surenchère dans les fiefs alaouites

Une église au milieu d’une colline ravagée par les incendies dans la province de Tartous, le 11 octobre. Louai Beshara/AFP

Sous une musique aux accents triomphalistes, Bachar el-Assad, visage masqué, marche d’un pas décidé vers des villageois pour les consoler. Derrière eux, un paysage dévasté. Le président syrien a fait mardi sa première apparition publique dans la province côtière de Lattaquié, depuis que cette dernière a été le théâtre, la semaine dernière, d’importants incendies qu’il a qualifiés de « catastrophe nationale (...) sur le plan humanitaire, économique et environnemental ». Des dizaines de feux de forêt s’étaient déclarés vendredi dans les provinces côtières de Tartous et Lattaquié, à majorité alaouite, ainsi qu’à Homs, détruisant plus de 9 000 hectares de terres agricoles, d’oliveraies et de forêts, selon le bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA). Trois personnes ont péri à Lattaquié, selon le ministère de la Santé, tandis que 25 000 autres ont été déplacées dans les trois provinces, d’après l’OCHA. Les autorités ont annoncé dimanche avoir totalement maîtrisé les feux, mais les conséquences sont lourdes, notamment pour le secteur agricole. « Nous parlons d’une perte de ressources qui couvraient une année entière. Il y a des familles qui ont perdu tous leurs arbres et il faut plusieurs années pour qu’ils redeviennent porteurs, en particulier les oliviers », a expliqué le président syrien. Le ministère de l’Agriculture avait prévu, en août, une récolte de 850 000 tonnes d’olives cette saison, contre 665 000 l’année dernière. « L’État assumera le fardeau le plus grand, à savoir le soutien financier aux familles qui ont perdu leurs ressources pour qu’elles puissent rester sur leurs terres et y investir », a annoncé Bachar el-Assad. Des promesses qui paraissent toutefois peu réalisables alors que les caisses de l’État sont vides. L’économie syrienne est au plus mal, la monnaie ayant perdu près de 80 % de sa valeur depuis 2011. Le sinistre risque en outre d’avoir un impact sur la production de blé, portant un autre coup dur aux quelque 9,3 millions de Syriens considérés comme en situation d’insécurité alimentaire.

Bénéfices aux sinistrés

Si la région de Lattaquié est le fief des Assad, elle est aussi celui des Makhlouf. Rami, le cousin germain déchu, n’a pas manqué l’occasion de commenter la situation le soir même de la visite du président sur la côte. Et ainsi tenter de tirer la couverture de son côté. « À nos habitants de la côte syrienne : nos cœurs brûlent à la vue de ces scènes terrifiantes dans les forêts de notre pays, qui étaient les poumons de tous les Syriens », a-t-il écrit mardi soir sur sa page Facebook.

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Pour répondre aux dommages causés par les feux, Rami Makhlouf a annoncé sa décision de reverser une partie des bénéfices de sa société de duty free Ramac, via l’opérateur de mobile Syriatel qu’il contrôlait, pour des projets de développement et humanitaires pour un montant de sept milliards de livres syriennes. Une tentative, pour l’industriel mis au ban, de lever l’interdiction qui pèse sur ses entreprises et de débloquer les fonds qui lui ont été confisqués par le régime. « En faisant cela, il met en lumière l’absence de l’État et son incapacité à indemniser financièrement les personnes touchées », relève à L’OLJ Nizar Mohamad, un analyste syrien résidant au Canada. Il y a plus d’un an, Bachar el-Assad a imposé de lourdes sanctions économiques contre son cousin, et tente de récupérer par tous les moyens sa fortune. L’ancien magnat des télécoms devrait aujourd’hui à l’État 185 millions de dollars, selon les autorités syriennes. Soumis à une interdiction de quitter le territoire syrien, Rami Makhlouf s’était plaint à de nombreuses reprises, dans des vidéos diffusées sur les réseaux sociaux, du traitement injuste qui lui était réservé. « (L’Autorité syrienne de régulation des télécommunications) saisit mon argent, l’argent de ma femme et de mes enfants, même si son problème est avec ma compagnie et non pas avec moi personnellement », avait-il déclaré. Dans une autre vidéo mise en ligne il y a quelques mois, Rami Makhlouf avait estimé que l’argent, injustement réclamé, devait servir à aider la communauté alaouite et ne pas tomber dans d’autres mains, dans une allusion déguisée à l’entourage d’hommes d’affaires sunnites proche de la Première dame Asma el-Assad.

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Si le cousin du président se montre aujourd’hui moins offensif envers Assad et sa famille, son récent message à l’intention de la population côtière, à majorité alaouite, touchée par les incendies, démontre toutefois son entêtement à jouer un rôle actif au sein de la communauté, où il jouit d’une certaine popularité. « Rami Makhlouf se vend aux alaouites comme un leader davantage capable de subvenir à leurs besoins en l’absence de l’État. Ceci est particulièrement important étant donné le nombre croissant d’accusations venant de l’intérieur de la communauté à l’égard de l’État », note Nizar Mohamad. Mardi, certains de ses soutiens sur les réseaux sociaux percevaient même les récents incendies comme une punition divine à l’égard de Bachar el-Assad.

Sous une musique aux accents triomphalistes, Bachar el-Assad, visage masqué, marche d’un pas décidé vers des villageois pour les consoler. Derrière eux, un paysage dévasté. Le président syrien a fait mardi sa première apparition publique dans la province côtière de Lattaquié, depuis que cette dernière a été le théâtre, la semaine dernière, d’importants incendies qu’il a...

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