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Monde - Reportage

En Azerbaïdjan, l’amour exalté pour le « grand frère » turc

En Azerbaïdjan, l’amour exalté pour le « grand frère » turc

Une femme marchant devant un commerce à Bakou, où sont suspendus un drapeau azéri et un drapeau turc. Tofik Babayev/AFP

Quand les combats ont repris dans la région séparatiste du Haut- Karabakh, Ibrahim Mammadov a acheté une machine à coudre. Son usage ? Fabriquer des drapeaux turcs. Ce commerçant de Gandja, la deuxième ville d’Azerbaïdjan, reconnaît aujourd’hui qu’il n’aurait pas pu faire meilleur investissement. Chaque jour, il dit vendre plus de cent drapeaux de la Turquie et ses ventes ont encore augmenté après le bombardement d’un immeuble de Gandja dans la nuit de samedi à dimanche, tuant dix civils. « Tout le monde veut acheter un drapeau turc » pour l’accrocher « à côté de celui de l’Azerbaïdjan », indique le commerçant.

Territoire majoritairement peuplé d’Arméniens, le Karabakh a fait sécession de l’Azerbaïdjan peu avant l’effondrement de l’URSS, entraînant une guerre ayant coûté la vie à 30 000 personnes et fait des centaines de milliers de réfugiés des deux camps dans les années 1990. Les combats, qui n’avaient jamais vraiment cessé, ont repris le 27 septembre avec une violence jamais vue depuis un cessez-le-feu en 1994. Ces nouvelles hostilités ont fait à ce jour plus de 600 morts, selon des bilans partiels. En apportant un soutien sans faille à l’Azerbaïdjan, la Turquie est apparue ces dernières semaines comme un nouvel acteur capable de bouleverser l’équilibre des forces dans une région longtemps considérée comme la chasse gardée de Moscou. En retour, les sentiments proturcs ont été ravivés chez de nombreux Azerbaïdjanais, au premier rang desquels le président Ilham Aliev qui a remercié à plusieurs reprises Ankara. Quant au chef de l’État turc Recep Tayyip Erdogan, il a encore réaffirmé hier que la Turquie était prête à fournir « tout type de soutien » à l’Azerbaïdjan. Ce soutien tend encore davantage les relations de la Turquie avec ses alliés de l’OTAN, d’autant qu’Ankara est accusé d’envoyer des combattants proturcs de Syrie en Azerbaïdjan se battre aux côtés des troupes régulières. Les autorités arméniennes n’ont, elles, pas de mots assez durs envers leur voisin turc. Les relations entre les deux pays sont glaciales, leur frontière fermée, l’antagonisme étant vieux d’un siècle : la Turquie refuse de reconnaître le génocide arménien par l’Empire ottoman durant la Première Guerre mondiale, n’évoquant que des massacres réciproques.

« Soutien moral »

Bien qu’ils ne partagent qu’une minuscule frontière terrestre, la Turquie et l’Azerbaïdjan ont de forts liens culturels et une langue très proche. Côté turc, l’enthousiasme est le même. Exemple parmi tant d’autres, des centaines d’automobilistes ont pris part à des défilés de solidarité avec Bakou ces dernières semaines dans les rues d’Istanbul. La formule « une nation, deux pays » a également fait florès dans les déclarations de hauts responsables turcs et azerbaïdjanais. « Bien sûr que l’on soutient l’honorable Recep Tayyip Erdogan », affirmait mardi le maire de Gandja durant une visite sur le site du bombardement meurtrier du week-end : « Nous exprimons notre gratitude envers lui. Les Turcs sont toujours avec nous. » Ankara fait maintenant pression pour une solution à quatre aux côtés de la Russie, la France et les États-Unis, médiateurs historiques du conflit au sein du Groupe de Minsk. L’Arménie s’oppose à une implication de la Turquie dans les négociations, à l’inverse évidemment de beaucoup d’Azerbaïdjanais. « C’est de ça dont on a besoin », estime le vendeur Ibrahim Mammadov : « Chaque fois que l’on entend que la Turquie nous soutient, cela élève notre esprit. » L’implication d’Ankara fait craindre à de nombreux experts une internationalisation du conflit mais aucun des civils azerbaïdjanais interrogés cette semaine ne dit souhaiter une intervention militaire directe de la Turquie.

Ibrahim Mammadov évoque uniquement « un soutien moral ». « Nous avons vaincu les Arméniens auparavant et on pourra le faire encore s’ils ne font pas appel à un troisième acteur », ajoute Natiq Alizade, retraité, en référence à la Russie, liée à Erevan par une alliance militaire. Lui voit le président Erdogan comme « notre grand frère » : « Nous l’aimons et toutes ses déclarations nous donnent de l’espoir. Car nous savons qu’avec lui demain sera un jour meilleur. »

Dmitry ZAKS/AFP

Quand les combats ont repris dans la région séparatiste du Haut- Karabakh, Ibrahim Mammadov a acheté une machine à coudre. Son usage ? Fabriquer des drapeaux turcs. Ce commerçant de Gandja, la deuxième ville d’Azerbaïdjan, reconnaît aujourd’hui qu’il n’aurait pas pu faire meilleur investissement. Chaque jour, il dit vendre plus de cent drapeaux de la Turquie et ses ventes ont...
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