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Société - Santé

La descente aux enfers du système hospitalier se poursuit

« À vrai dire, personne n’est plus en mesure d’assumer le coût des soins de santé : ni le patient, ni l’État, ni les hôpitaux », avertit Sleiman Haroun.

La descente aux enfers du système hospitalier se poursuit

Une infirmière traitant un patient atteint du coronavirus, à l’hôpital Hôtel-Dieu de France. Photo Hôtel-Dieu de France/HO/AFP

La descente aux enfers du système hospitalier privé se poursuit, et celle des Libanais avec lui. L’hôpital de l’Université américaine, l’AUBMC, a annoncé hier qu’à dater du 1er octobre, l’indexation du dollar ne se fera plus à 1 500 livres libanaises, mais à 3 900 LL. La nouvelle a ému la CGTL et l’opinion publique, puisque, par exemple, le tarif d’admission aux urgences passerait ainsi de 190 000 LL à 600 000 LL.

Le président du syndicat des propriétaires d’hôpitaux, Sleiman Haroun, s’est toutefois dépêché de minimiser l’impact de cette modification des tarifs sur les particuliers, précisant qu’elle ne concerne – et encore, indirectement – que les quelque 10 % de Libanais qui possèdent des polices d’assurances privées. Et d’ajouter que ce sont les compagnies d’assurances qui en feront les frais. Ces dernières pourraient toutefois répercuter la hausse sur leurs propres tarifs, selon les conventions signées par chaque hôpital avec les compagnies d’assurances.

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De son côté, le ministre de la Santé, Hamad Hassan, a publié un tweet dont il ressort que les barèmes en vigueur entre les hôpitaux et les tiers payants conventionnés (CNSS, armée, FSI, coopérative des fonctionnaires) restent inchangés. « Tant que le dollar officiel est fixé par la Banque du Liban et que les subventions se poursuivent, l’augmentation des tarifs des hôpitaux et du prix des médicaments n’est pas envisagée », a écrit M. Hassan sur Twitter. « Modifier le soutien aux secteurs hospitalier, sanitaire et du médicament n’est pas à l’ordre du jour actuellement, et cela est non négociable », a encore assuré le ministre démissionnaire de la Santé, lors d’une conférence de presse.

Tout en confirmant les propos du ministre, M. Haroun précise que les hôpitaux privés sont par ailleurs libres de fixer leurs barèmes avec les compagnies d’assurances privées.

Les éternels impayés

Or, pour le président du syndicat des hôpitaux privés, les établissements sont contraints de relever leurs tarifs et d’aller à la recherche de nouvelles ressources pour éviter leur déclassement et des fermetures de services, puisque l’État libanais ne leur règle pas les (éternels) impayés qu’il leur doit. Des impayés qui ont, en outre, perdu une grande partie de leur valeur, en raison de la dépréciation brutale de la livre libanaise.

Et M. Haroun de préciser que l’État doit aux hôpitaux privés quelque 1 500 milliards de livres libanaises qui, au taux du jour (8 300 LL pour un dollar), ne valent plus que 181 millions de dollars, alors qu’au taux jadis fixé par la BDL (1 500 LL pour un dollar), ils valaient 990 millions de dollars. « À vrai dire, avertit M. Haroun, personne n’est plus en mesure d’assumer le coût des soins de santé : ni le patient, ni l’État, ni les hôpitaux. » Indice significatif de la dégradation de la situation : le syndicat des importateurs d’équipements médicaux a annoncé hier qu’il envisage, par crainte de faillites, l’arrêt de ses livraisons, sauf pour les cas graves, jusqu’à ce que les impayés que leur doivent les hôpitaux soient réglés. Ce que ne disent pas les importateurs, cependant, c’est qu’ils exigent d’être payés en dollars frais, assure une source hospitalière.

Les hôpitaux anticoronavirus remboursés

Conscient de la situation financière dramatique des hôpitaux privés, le ministre de la Santé a annoncé hier que les hôpitaux privés qui acceptent de recevoir des patients atteints de Covid-19 vont être remboursés à partir d’un fonds de 35 millions de dollars consentis par la Banque mondiale à cette fin.

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La nouvelle a réjoui les établissements hospitaliers concernés – et encouragera aussi peut-être ceux qui refusent toujours les admissions de patients contaminés – d’autant que l’explosion des cas de contamination se poursuit (1 248 nouveaux cas ont encore été enregistrés au cours des dernières heures, NDLR), au risque d’une saturation du système hospitalier disponible, qui se limite pour le moment à l’hôpital Rafic Hariri et à quelques grands hôpitaux (Hôtel-Dieu, Notre-Dame des Secours-Jbeil, etc.), sachant que deux d’entre eux – Jeïtaoui et l’Hôpital orthodoxe – ont été détruits par l’explosion du 4 août.

À titre d’exemple, avance une source hospitalière bien informée, le coût d’une tenue de protection anti-Covid à usage unique, pour le personnel hospitalier, est de 200 000 LL, alors que l’État, selon les barèmes en vigueur, ne rembourse sur ce type de protection que… 20 000 LL. Sans parler du médecin ou même de l’infirmière qui ne reçoit pour sa journée de travail qu’un honoraire symbolique au regard des efforts et du risque de contamination couru, ajoute la source citée. Ce à quoi il faut ajouter l’émigration : selon le président de l’ordre des médecins, le Dr Charaf Aboucharaf, près de 300 praticiens parmi les plus brillants ont déjà quitté le pays pour vivre et travailler ailleurs, en Europe, aux États-Unis ou en Australie.

Febridol vs Panadol

Pour rassurer le président de la CGTL Béchara Asmar qui s’inquiétait de la suppression possible de la politique de subvention des prix des médicaments pratiquée par la BDL, le ministre de la Santé a assuré hier que ces prix ne changeront pas. Ce qui devrait changer, en revanche, c’est la politique d’importation des médicaments suivie par la banque centrale, fulmine le président de l’ordre des médecins, un homme familier du modèle suédois où 80 % des médicaments utilisés sont des produits « génériques », pour 20 % de marques, alors qu’au Liban, c’est tout simplement l’inverse. « Il existe au Liban 11 usines de fabrication de médicaments, précise le médecin. Certes, certains des médicaments produits au Liban sont plus chers que leurs équivalents importés. Et alors ? L’argent dépensé reste au moins au Liban. » Et de s’indigner que la BDL dépense des millions pour subventionner l’antipyrétique Panadol, alors que son équivalent, le Fébridol, qui est moins cher et fabriqué au Liban, demeure invendu.

Enfin, s’il ne faut pas « exagérer l’impact de la décision de l’AUBMC sur les malades », comme l’assure M. Haroun, ces derniers sont déjà assez pénalisés par les retards dans les remboursements de leurs factures et la dépréciation de la livre qui affecte de façon dramatique la valeur de ces remboursements et celle des indemnités de fin de service.

La descente aux enfers du système hospitalier privé se poursuit, et celle des Libanais avec lui. L’hôpital de l’Université américaine, l’AUBMC, a annoncé hier qu’à dater du 1er octobre, l’indexation du dollar ne se fera plus à 1 500 livres libanaises, mais à 3 900 LL. La nouvelle a ému la CGTL et l’opinion publique, puisque, par exemple, le tarif d’admission aux...

commentaires (2)

On va commencer à pratiquer le troc dans les hôpitaux: une appendicite, un mois en cuisine, un covid, 3 semaines en comptabilité, etc...

LeRougeEtLeNoir

16 h 00, le 02 octobre 2020

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Commentaires (2)

  • On va commencer à pratiquer le troc dans les hôpitaux: une appendicite, un mois en cuisine, un covid, 3 semaines en comptabilité, etc...

    LeRougeEtLeNoir

    16 h 00, le 02 octobre 2020

  • "certains des médicaments produits au Liban sont plus chers que leurs équivalents importés". Exact et aberrant! Un certain médicament fabriqué au Liban est vendu LE DOUBLE de l'original fabriqué en Angleterre! On pourrait pensé que, dans ce domaine comme dans d'autres, il y a urgence, mais ce n'est pas l'avis du président qui a décidé que la formation d'un gouvernement de salut national pouvait attendre encore quelques mois!

    Yves Prevost

    07 h 00, le 02 octobre 2020

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